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L'opinion du "Point" : Irak, Syrie : l'Occident au pied du mur

"canempechepasnicolas" :

Cet hebdo, dont l'actionnaire est l'oligarque François Pinault, donne un son de cloche en divorce avec la politique menée par d'autres hommes du capital financier, celle du pouvoir PS, celle de la guerre américaine.

Il nous a semblé intéressant de faire connaître ce "Point" de vue.

Le Point

Pour sortir du chaos, Américains et Russes doivent faire front commun contre les djihadistes. Et si Paris prenait l'initiative de ce rapprochement ?

 

Moscou se dérobe donc à la confrontation qu'on lui propose pour l'enliser dans ce nouveau « bourbier afghan » et lui faire payer la faute d'avoir fait capoter le projet de déstabilisation de la Syrie et humilié l'Amérique. L'Ours laisse notre coalition de la carpe et du lapin découvrir les limites de « la guerre au milieu des populations » aux abords de Mossoul. Car ici aussi, les petits frères d'Al-Nosra pratiquent la prise de « boucliers humains » et il sera bien difficile, sans faire de victimes civiles « collatérales » et de possibles crimes de guerre, de se débarrasser de l'État islamique et de le refouler en Syrie en espérant ainsi pourrir un peu plus la position russe et opposer une éclatante victoire américaine en Irak à une dégradation du front syrien.

Quoi qu'il en soit, tandis qu'Américains et Français persistent à voir des interlocuteurs politiques dans certains groupes djihadistes, les Russes se montrent plus exigeants sur les pedigrees de tous ces révolutionnaires tarifés. Aux yeux de Moscou, comparé à l'État islamique, Al-Qaïda n'est pas un moindre mal, mais un cousin maléfique et tous ses succédanés miliciens sont la principale menace contre l'État syrien et son régime discrédité mais toujours debout. Pour les États-Unis en revanche, le 11 septembre 2001 paraît étonnamment loin et de même qu'on cherche désormais, en Afghanistan, comment négocier avec les talibans qui font leur grand retour politique et militaire, on se dit que l'ancienne marionnette de feu Ben Laden pourrait utilement coaguler autour d'elle les ambitions des sunnites syriens et irakiens, et structurer un « Sunnistan » à cheval sur les deux États avec lequel il serait toujours plus facile de discuter qu'avec de grands États laïcs et nationalistes récalcitrants.

Ni objectifs ni ennemi communs

N'apprend-on donc jamais rien ? Dans cette nouvelle phase de la stratégie « occidentale », la Turquie entend jouer un rôle militaire majeur, directement ou en appui des milices sunnites irakiennes, et restaurer en Irak et en Syrie une profondeur stratégique qui serve son rêve néo-ottoman. L'Iran vient, lui, d'appeler la coalition à couper son soutien aux groupes terroristes sunnites en Syrie et fait savoir qu'il s'impliquera davantage encore, via son soutien aux milices chiites irakiennes, pour bouter l'État islamique hors de Syrie… Quant à Riyad, ses « proxys » font le travail au sol depuis longtemps et ses armées redoublent de violence dans leur agression du Yémen sans que l'Occident s'émeuve (pour cause) des massacres civils dans ce malheureux pays. Bref, les enchères montent et la Syrie se meurt.

Il n'y a donc en fait aucune chance pour que la situation en Syrie s'améliore tant que Washington, Moscou et leurs affidés respectifs auront un ennemi différent et ne feront pas front commun contre les djihadistes qui démembrent le pays. Russes et « coalisés » n'ont pas plus d'objectifs que d'ennemi communs d'ailleurs. « Nous » voulons mettre à terre le régime actuel, promouvoir un pouvoir sunnite que l'on rêve docile, et surtout infliger à la Russie soit un enlisement militaire, soit un retrait infamant et une humiliation durable. Depuis l'automne 2015, ses succès en Syrie sont devenus insupportables à nos vanités occidentales et ont trop mis en lumière notre manifeste refus de combattre réellement l'EI depuis 2 ans... D'où Mossoul.

 

Les Russes, eux, bien au-delà du régime d'Assad trop discrédité aux yeux du monde pour reprendre le leadership du pays une fois celui-ci libéré de la gangrène djihadiste, restent déterminés à sauver l'État syrien et à s'installer dans la zone comme un acteur incontournable. Une façon de rééquilibrer le duel global avec Washington entre un théâtre européen où ils sont en difficulté, et le Moyen-Orient où ils dominent et qui importe toujours à l'Amérique.

Il pourrait aussi s'agir, à plus long terme, d'exploiter le (relatif et provisoire) vide de puissance américaine dans la région sous Obama pour consolider un axe reliant Moscou au trio Téhéran-Tel-Aviv-Ankara, trois puissances non arabes aux intérêts économiques et géopolitiques partiellement convergents. Certes, Israël joue désormais avec Riyad et continue à se méfier grandement de Téhéran, bien plus comme concurrent économique menaçant vis-à-vis de l'allié américain qu'au plan militaire. Mais, au-delà des postures, son attitude est comme toujours plus subtile. Il lui faut se mettre à bonne distance des sunnites et des chiites, favoriser au maximum leur rivalité, tout en préservant avec chacun des liens économiques et sécuritaires, notamment en matière de renseignement.

Sortir du chaos « par le haut »

Mossoul sera sans doute repris. À moins d'un marchandage avec le califat, cela prendra du temps. Des civils périront en nombre, car « la guerre chirurgicale » n'existe pas, on le sait bien. Et la guerre tout court se gagne au sol. De nouveaux attentats auront évidemment lieu en Europe et l'État islamique, s'il perdait ses deux points d'ancrage territorial symboliques que sont Mossoul et Raqqa, ne disparaîtra pas pour autant. Il va changer de forme, de structure, de peau et éclater en nébuleuse sanguinaire, dispersée dans un nouveau sanctuaire peut-être à l'Est et au Nord syriens (et irakien), mais certainement aussi en se rabattant sur la Libye, l'Égypte, l'Afrique subsaharienne et/ou, pis encore l'Algérie et le Maghreb. Tout près de nous. Et nombre de ses recrues, notamment européennes, rentreront dans leurs pays d'origine, aguerries et déterminées.

Contre ce désastre annoncé, nous avons encore les moyens d'agir. La France pourrait être au cœur d'un véritable retournement de la situation moyen-orientale et tenter une sortie du chaos « par le haut ». Sa présence militaire et paradoxalement, son positionnement militaire au sein de la Coalition pourraient en faire le pivot inattendu d'un tel mouvement. Elle entraînerait certainement assez vite d'autres États dans son sillage. Faisant oublier des années d'une politique erratique et à courte vue, elle serait le catalyseur d'une bascule du centre de gravité stratégique du monde. Si elle le voulait seulement. C'est l'incohérence qui nous tue. Le manque de courage aussi. Qu'attendons-nous ?

 

 

 

Tag(s) : #Impérialisme
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