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Entre l’Arabie, le Liban et la France,
l’empire Hariri est en pleine déconfiture
15 DÉCEMBRE 2017 PAR KARL LASKE

L’intervention d’Emmanuel Macron a permis au premier ministre libanais de sortir du guêpier saoudien. Mais Saad Hariri refuse toujours de payer les arriérés de salaires des 56 000 employés, dont 240 Français, de son groupe de BTP en faillite : une ardoise de 600 millions de dollars. Le milliardaire soutenu par la France reste à la merci d’un gel de ses comptes.

C’est la fin d’une boîte noire. Si l’on ignore encore dans quelles circonstances le premier ministre libanais Saad Hariri s’est retrouvé bloqué durant quinze jours à Riyad, début novembre, la question des comptes de son groupe avec la monarchie saoudienne est désormais sur la table. Et avec elle, de lourds secrets : partage des prébendes avec ses donneurs d’ordre, services aux princes et utilisation politique de sa trésorerie. Jusqu’en France, où l’enquête sur la vente des frégates militaires Sawari II au régime saoudien a confirmé le paiement par la banque du groupe Hariri, BankMed, d’une commission de 130 millions de dollars à l’intermédiaire Ziad Takieddine. Des faits datant de 1998 qui seront évoqués lors du procès en correctionnelle de l’affaire, dont la tenue a été confirmée cet été par la Cour de cassation.

Officialisée en juillet dernier, la faillite de Saudi Oger, l’entreprise saoudienne de BTP de Saad Hariri, menace désormais d’emporter le groupe familial créé par le patriarche Rafic Hariri, intime de Jacques Chirac,

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tué dans un attentat à Beyrouth en 2005. En moins de deux ans, l’homme d’affaires exfiltré par la France a laissé sur le carreau 56 000 employés de quarante nationalités différentes. Des « bases vie », des campements prévus pour des milliers d’ouvriers, sans approvisionnement. Et un siège social à l’abandon.

Jadis porteur des projets les plus prestigieux de la monarchie – le dernier en date, celui de l’université Princesse-Noura, pesait 3 milliards d'euros –, Saudi Oger a cessé de percevoir les acomptes, parfois excessifs, qu’il obtenait de l’administration saoudienne après la mort, en janvier 2015, du roi Abdallah et l’arrivée au pouvoir de Salmane ben Abdelaziz al-Saoud.

Saad Hariri aux côtés du roi Salmane ben Abdelaziz al-Saoud, le 29 mars 2017, de retour du sommet de la Ligue arabe à Amman, en Jordanie. © Saudi Press agency (officiel)

Du 4 au 12 novembre, Saad Hariri est resté cloîtré à Riyad, au moment précis où le régime déclenchait une vaste opération anticorruption visant onze princes, des fonctionnaires et des chefs d’entreprise dans tout le pays. Retenu « dans des circonstances obscures », sous le coup d’un « degré de restriction sur sa liberté […] sa résidence et les contacts qu'il pouvait avoir, même avec les membres de sa famille », comme l’a résumé le président libanais Michel Aoun.

Saad Hariri, dont le gouvernement d’union nationale intègre des membres du Hezbollah, a officiellement justifié sa démission par les menaces de l’Iran et de la milice chiite dans la région, avant de la reprendre, une fois revenu au Liban. Mais le premier ministre libanais a aussi engagé un bras de fer financier plus personnel avec la monarchie saoudienne, refusant jusqu’à aujourd’hui de payer ses fournisseurs et ses salaires, une ardoise estimée entre 3 et 4 milliards de dollars – dont 600 millions de dollars dus aux seuls employés… « Le gouvernement saoudien doit payer ses arriérés, a-t-il répondu à Paris-Match, début décembre. Dès qu’il l’aura fait, nous verserons les salaires. » Reste à savoir sur quoi se fondent l’interruption et la contestation des paiements par la monarchie qui a gelé les comptes du groupe de BTP. Ainsi que Mediapart l’a déjà dévoilé, Saad Hariri a d’ailleurs été entendu par la commission d’enquête sur la corruption, étant précisé qu'il déposait en qualité de citoyen saoudien et non pas en tant que chef du gouvernement libanais – il a la double nationalité.

Parmi les employés laissés pour compte, 240 Français se sont retrouvés bloqués en Arabie saoudite, en 2015 et 2016, sans salaire et sans pouvoir quitter le pays faute d’autorisation, car endettés pour la plupart. Ils ont pu rentrer – fin 2016 pour les derniers – grâce à l’activisme de l’ambassade de France. Une procédure collective aux prud’hommes a été engagée afin d'obtenir d'Oger International (OI), la filiale française qui avait recruté certains d’entre eux, le paiement de leurs arriérés, estimés à 15 millions d’euros. En septembre, une délégation de salariés libanais du groupe a révélé que 700 employés, soit plus d’un tiers d’entre eux, étaient encore coincés avec leurs familles en Arabie saoudite, faute de pouvoir payer leurs dettes.

En Suisse, le ministère public de la Confédération a annoncé, le 4 décembre, avoir été saisi de signalements bancaires consécutifs à la campagne anticorruption menée en Arabie saoudite. Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane ayant annoncé son intention de récupérer 800 milliards de dollars d’actifs, évaporés en raison de la corruption, les milieux bancaires suisses se préparent à un gel des avoirs des personnalités ou des groupes visés par les enquêtes. Une procédure qui pourrait frapper le groupe Ben Laden, rival de Hariri, et Hariri lui-même, faute d’un accord avec la monarchie. Anticipant la mise en faillite de Saudi Oger, Ayman Hariri, frère de Saad et patron de la branche saoudienne du groupe, a revendu en juin la totalité de ses parts – 42,24 % – dans la holding de la banque familiale, BankMed, pour un montant de 535,2 millions de dollars.

 Saad Hariri reçu par Emmanuel Macron à l'Élysée, le 18 novembre. © Reuters

En invitant officiellement Saad Hariri en France, après avoir rencontré quelques heures, le 9 novembre, le prince héritier saoudien, le président français a donc tiré d’affaire le premier ministre libanais et ami de la France. Questionné par Paris-Match, Saad Hariri assure qu’il « sera dit un jour » qu’Emmanuel Macron a « joué un rôle historique » en faveur de… « la région ». Mais Hariri pouvait aussi compter sur l'ex-clan Chirac, d’anciens collaborateurs du fondateur du RPR, récemment nommés à des postes stratégiques par le président Macron. Ainsi Bernard Émié, ancien membre de la cellule diplomatique de l’Élysée puis ambassadeur à Beyrouth sous Chirac, devenu en juin dernier patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), ou Maurice Gourdault-Montagne, conseiller diplomatique de Chirac de 2002 à 2007, parfois chargé de ses missions officieuses, placé en juillet au poste clé de secrétaire général du Quai d’Orsay. Deux hommes ayant jadis approché Rafic Hariri, et son homme de confiance, l’avocat Basile Yared.

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Tag(s) : #Liban, #Politique française
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