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La gauche, l’immigration et les frontières
La gauche, l’immigration et les frontières

 

S’il y a un sujet qui plombe complètement la gauche à la fois sur le plan stratégique et sur le plan tactique, c’est bien celui de l’immigration. Mais, qu’est-ce que la gauche ? Ça devient de plus en plus difficile de le savoir, tant les partis qui prétendent la représenter ont du mal à la définir. Si on se place sur la très longue période, la gauche vise trois objectifs principalement :

- la réduction des inégalités de richesse et des inégalités de situation fondées sur la race et le genre ;

- la transformation du système économique capitaliste qui n’est pas adapté à la satisfaction des besoins parce qu’il vise d’abord le profit et donc pousse autant qu’il le peut à la consommation d’objets inutiles ;

- et enfin prendre en considération la parole des gens du peuple, autrement dit les représentants de la gauche ne doivent pas éduquer le peuple, mais plutôt être leur porte-parole, être à l’écoute de ce qu’il dit.

Or sur ces trois points les partis de gauche ont failli, du NPA au PS en passant par le PCF et la France Insoumise. Cela se traduit dans les élections à la fois par une montée de l’abstention et par un transfert des voix vers les partis dits populistes. Et ensuite on se mobilise pour venir au secours du représentant du bloc bourgeois au motif très vague d’un barrage nécessaire au fascisme. Pierre Laurent faisait ainsi la leçon à Mélenchon qui rechignait à soutenir Macron. Le secrétaire général du PCF avançait ainsi qu’il fallait élire Macron pour ensuite le combattre[1] ! Ce genre de tactique n’était pas très audible, même pour des militants communistes habitués pourtant à faire bloc. 

Une stratégie erronée 

Ça fait maintenant des mois, voire des années qu’on alerte la gauche pour son absence de clarification sur la question des migrants aussi bien que celle de l’Union européenne. Mais rien n’y fait. C’est une partie des raisons de son effondrement : la gauche « officielle », se présente en deux morceaux, il y a d’un côté la « social-démocratie » vouée à devenir supplétive des partis de droite ordinaire, affairiste et mondialiste, et puis une gauche plus brouillonne qui, à la manière du NPA ou du parti communiste en France camoufle son irrésolution derrière un internationalisme de pacotille en se référant plus ou moins inconsidérément à Marx. Si la social-démocratie est en train de disparaitre un peu partout en Europe, la gauche immigrationniste et pro-islam est carrément en voie de perdition.

Partons de ce simple constat : la gauche pro-européenne, anticapitaliste et pro-migrants n’a fait aux dernières élections en Italie que 3,4%. Cette dernière partie de la gauche qu’on appelle parfois à tort gauche radicale est sociologiquement très éloignée du peuple. C’est ce qu’on appelle la gauche bobo qui a remplacé la lutte des classes par une implication de forme caritative et compassionnelle dans la société. Elle est extrêmement tolérante avec le racisme sous-jacent du PIR, ou encore elle accepte assez bien de mettre entre parenthèse son féminisme naturel pour ne pas heurter les musulmans qui sont considérés comme les éternelles victimes. Or évidemment, en considérant qu’il est réactionnaire de s’attaquer à une religion aussi rétrograde que l’Islam, on oublie justement le combat pour l’égalité de genre[2].

On trouvera des « féministes » par ailleurs très virulentes contre les « mâles blancs » qui combattent ainsi l’interdiction du voile ou de la burka[3].  

La gauche, l’immigration et les frontières 

Cette engeance semi-instruite se reconnait dans la défense des migrants, ou dans la cause palestinienne, et elle défend volontiers le communautarisme. Des intellectuels comme Alain Badiou ou comme les frères Fassin la représentent. Également les politiques de profession qui la représentent ne sont pas issus du monde du travail. C’est le cas de Mélenchon, de Pierre Laurent, fils d’apparatchik du PCF, de Clémentine Autain, fille d’artistes, ou même de Danièle Obono qui se plaint que ses émoluments de député ne soient pas plus importants[4]. Cette dernière n’est pas une migrante, et malgré la couleur de sa peau n’a jamais appartenu aux classes inférieures de la société. Son père était un cadre supérieur dans la banque Paribas-Gabon.  Les représentants officiels de la gauche considèrent que le peuple n’a pas toujours raison.

C’est certainement vrai.

Mais il n’y a pas plus de raison de croire que si le peuple se trompe, ses représentants ne se trompent pas non plus. Au-delà de ces considérations sur les représentants de la parole de gauche, il y a généralement un manque de rationalité flagrant. En effet, si on considère que tous les migrants sont les bienvenus en Europe, alors il faut non seulement supprimer les frontières et déclarer que la France, l’Allemagne ou l’Italie n’existent pas. C’est à la fois la position des No borders mais aussi celle de Macron qui a déclaré que la culture française n’existait pas, mais qu’il y avait en France des cultures diverses et variées qui cohabitaient[5]. C’est l’abandon de l’idée même de la République qui suppose que les citoyens sont embarqués dans le même projet[6]. 

 

Changements à gauche 

Jusqu’à présent les voix qui à gauche s’inquiétaient des conséquences économiques, sociales et politiques étaient très rares. Se réfugiant derrière l’idéal de solidarité aussi flou que mal défini, on en restait à une attitude compassionnelle, fustigeant les populismes, sous-entendant par là que le peuple pensait mal et que de mettre ses pas dans les siens était au mieux de la démagogie, au pire faire le lit du fascisme. Il y avait eu le précédent de Georges Marchais qui avait dénoncé dans un article fameux de L’humanité du 6 janvier 1981, les dégâts de l’immigration de masse[7]. Mais outre qu’à cette époque la question de l’immigration paraissait bien moins difficile qu’aujourd’hui – notamment parce qu’on pensait que la gauche arrivée au pouvoir fermerait l’afflux en intégrant ceux qui étaient déjà là – l’intelligentsia s’était empressée de faire bloc pour dénoncer le caractère ranci de cette diatribe. Au fur et à mesure que la gauche s’est installée au gouvernement, les intellectuels de gauche ou réputés tels ont reporté leur attention vers des combats qu’ils pensaient plus modernes et plus attrayants, comme la cause palestinienne ou justement l’immigration, et jusqu’à la défense de l’Islam, pourtant religion encore plus rétrograde que les autres. Les signes d’allégeance se sont multipliés, que ce soit Badiou, Plenel, toute cette canaille anciennement gauchiste qui a ossifié le combat sur un terrain qui n’était rien de moins que naturel à la gauche plus portée antérieurement à dénoncer l’Eglise qu’à faire des courbettes à des bondieuseries surannées. Le point culminant a été sans doute la publication de Soumission de Michel Houellebecq en 2015 qui a précédé de quelques mois la grande vague de migrations massives vers l’Europe, orchestrée et célébrée par Angela Merkel. 

La gauche, l’immigration et les frontières

Il aura donc fallu trois ans et des nombreuses défaites électorales un peu partout en Europe, mais aussi les incidents de Cologne pour que la gauche commence à se réveiller un petit peu. Que de temps perdu ! Et ce manque de réaction sérieux et organisé a permis aux partis d’extrême-droite populistes d’incarner bien mieux que la gauche les aspirations des petites gens.

Entre temps les cuistres de toute obédience, ceux qui finalement n’aiment pas le peuple se sont dépêcher de faire la leçon, arguant du fait que ceux qui votent pour l’extrême-droite en France par exemple sont les moins instruits, autant dire des imbéciles[8]. Ceux-là ont oublié deux choses : que le niveau de diplôme ne garantit pas contre imbécillité et que dans le niveau d’instruction dépend du niveau de richesse : l’électorat de gauche était traditionnellement moins instruit que l’électorat de droite quand il était largement ouvrier. Ceux qui insultent l’électorat de Marine Le Pen, ont certainement très mal compris les travaux de Bourdieu sur la reproduction sociale.

La gauche, l’immigration et les frontières 

Je l’ai dit ici plusieurs fois, il y a plus de proximité entre l’électorat de Marine Le Pen et celui de Jean-Luc Mélenchon qu’entre celui de Mélenchon et de Macron. Il faut réfléchir à ce que cela signifie au lieu de le nier. Le RN est ne l’oublions pas le premier parti ouvrier de France, très loin devant le PCF ou même la France Insoumise.

Ça ne veut pas dire pour autant que la FI et le RN doivent se fondre en un seul parti ou qu’on en oublie les différences. Djordje Kuzmanovic membre de la France Insoumise et porte-parole de Mélenchon lorsque celui-ci était candidat à la présidence de la République a mis les pieds dans le plat. Pour lui le discours de Sarah Wagenknecht qui vient de Die Linke et qui a créé le parti Aufstehen est un discours de salubrité publique : la gauche ne peut pas rester plus longtemps dans le déni et camper sur la ligne de crète de la défense des immigrés comme si tous ces immigrés étaient de réfugiés fuyant la guerre[1].

On voit clairement ce qui sépare Kuzmanovic et Wagenknecht de Clémentine Autain[2] : c’est que les premiers s’inscrivent dans une démarche où la voix du peuple compte. En outre en s’abritant derrière un internationalisme de pacotille la gauche pro-migrants renonce à conquérir le pouvoir, et finalement adoube mondialisme à la Macron. Mélenchon devra trancher et il lui sera sans doute difficile d’éviter l’éclatement de son parti. Il ne peut rejoindre la position gauchiste de Ian Brossat ou du NPA sur cette question, sachant combien cette posture a fusillé la gauche, mais peut-il prendre la tête d’une gauche anti-migrants et anti-islam ? S’il ne le fait pas ; il court le risque de voir Marine Le Pen et le Rassemblement National attirer encore un peu plus le peuple, à la manière de Salvini en Italie ou d’Orban en Hongrie. Cela marginaliserait la gauche un peu plus dans le futur. La position de Kuzmanovic me semble raisonnable : on n’aide pas les pays africains à se développer en accueillant toujours plus de leur main d’œuvre, et on peut garder une approche humanitaire sur la question des vrais réfugiés.  

 

[1] https://www.nouvelobs.com/politique/20180906.OBS1909/france-insoumise-et-immigration-le-discours-de-sahra-wagenknecht-est-de-salubrite-publique.html

[2] On remarquera que Clémentine Autain est maintenant sur la défensive. https://www.nouvelobs.com/politique/20180906.OBS1911/clementine-autain-je-ne-suis-pas-convaincue-par-l-approche-de-sahra-wagenknecht.html


[1] http://www.liberation.fr/direct/element/le-pcf-appelle-a-voter-macron-puis-a-le-combattre-apres-lelection_62541/

[2] Bérénice Levet, Libérons-nous du féminisme, Editions de l’Observatoire, 2018.

[3] http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/08/25/01016-20160825ARTFIG00145-les-feministes-francaises-divisees-sur-la-question-du-burkini.php

[4] https://www.capital.fr/economie-politique/les-deputes-ne-gagnent-pas-assez-dargent-pour-se-loger-selon-daniele-obono-1292388

[5] http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2017/02/06/31001-20170206ARTFIG00209-emmanuel-macron-et-le-reniement-de-la-culture-francaise.php

[6] Jacques Sapir, Souveraineté, démocratie, laïcité, Michalon, 2016.

[7] Georges Marchais répond au recteur de la mosquée de Paris.

[8] https://www.lexpress.fr/actualite/politique/moins-on-est-eduque-plus-on-vote-fn_1100733.html

Tag(s) : #Politique française, #Immigration
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