Les charniers de Timișoara
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé, ce dimanche 3 avril, les troupes russes d'avoir laissé derrière eux “un désastre total et de nombreux dangers”.
GUERRE EN UKRAINE - Alors que l’Ukraine a annoncé avoir repris le contrôle de la totalité de la région de Kiev aux troupes russes, des récits et des images témoignent, depuis ce samedi 2 avril, de l’horreur de l’occupation dans la ville de Boutcha, au nord-ouest de la capitale ukrainienne.
Sur Facebook, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé ce dimanche les Russes en se repliant “d’eux-mêmes” ou après des combats d’avoir laissé derrière eux “un désastre total et de nombreux dangers”. “Les bombardements peuvent se poursuivre”, a-t-il mis en garde, accusant aussi les militaires russes de “miner les territoires qu’ils quittent, des maisons, des munitions et même des cadavres”.
La Russie a affirmé de son côté que les images de civils tués à Boutcha sont une fabrication de l’Ukraine et que son armée n’a pas tué de civils à Boutcha.
À Boutcha, un journaliste de l’AFP a constaté samedi les corps d’une vingtaine d’hommes - dont l’un présentait une large blessure à la tête - gisant dans une rue, éparpillés sur plusieurs centaines de mètres. L’un des hommes avait les mains liées dans le dos avec un morceau de tissu blanc, un passeport ukrainien ouvert posé sur le sol à côté, rapporte l’agence.
Seize de la vingtaine de cadavres étaient allongés sur le trottoir ou sur le bord du trottoir, a décrit l’AFP samedi. Trois étaient au milieu de la chaussée et un autre dans la cour d’une maison. Un autre était à côté d’une voiture abandonnée, et deux autres encore gisaient près de bicyclettes - l’un, gants orange et cagoule noire, était couché sur le flanc avec son vélo sur lui, comme s’il était tombé et ne pouvait pas se relever.
Il y a 13 ans....
En décembre 1989, à la veille du réveillon de Noël, alors qu’en Roumanie tombait la dictature de Nicolae Ceausescu, les téléspectateurs occidentaux découvraient avec horreur les images d’un charnier où, affirmaient les envoyés spéciaux, gisaient des corps affreusement torturés. On parlait alors de quatre mille morts pour la seule ville de Timisoara. L’émotion soulevée était immense ; les éditoriaux solennels et les appels à l’action se multipliaient. En fin de compte, il s’avéra que les cadavres exhibés devant les caméras avaient été déterrés dans le cimetière des pauvres. Partisans de Ceausescu compris, la « révolution roumaine » avait fait quelque sept cents morts – moins de cent à Timisoara. Le bilan de l’attaque américaine au Panamá, qui s’était déroulée au même moment dans l’indifférence générale, s’élevait à près de deux mille morts…
De la condamnation légitime d’une dictature, pourquoi le discours médiatique a-t-il basculé dans ce délire où le dictateur roumain devenait un « vampire », et les hommes de la Securitate, des ombres maléfiques et toutes-puissantes ? Deux mois plus tard, dans un article intitulé « Télévision nécrophile » (Le Monde diplomatique, mars 1990), Ignacio Ramonet analysait les raisons finalement très logiques qui expliquaient cet emballement irrationnel.
L’affaire de Timisoara devait jeter le discrédit sur des médias qui, jusqu’alors, bénéficiaient de la confiance de leur public. Le soupçon qu’elle fit naître fut confirmé, un an plus tard, par les débordements similaires qu’occasionna la guerre du Golfe.
L'affaire des charniers de Timișoara est l'histoire de fausses informations diffusées sur les victimes de la répression du régime communiste de Roumanie dirigé par Nicolae Ceaușescu en , au début de la révolution roumaine de 1989.
Une vingtaine de corps de personnes mortes avant le début des événements ont été photographiées et filmées par les médias internationaux, et sur la base de fausses informations propagées notamment par l'agence de presse yougoslave Tanjug, données comme des victimes des forces de sécurité.
Une fois la vérité rétablie, cet épisode a déclenché une vive polémique sur l'incapacité de la presse à enquêter de façon professionnelle sur les événements. En France, cet incident a été interprété comme le résultat d'une campagne de désinformation et de manipulation des médias,
Les corps déterrés sont présentés aux journalistes occidentaux autorisés à entrer dans le pays comme ceux des victimes de la répression des jours précédents, avec une estimation des victimes à plusieurs milliers. Les rédactions occidentales provoquent une polémique en accolant les photographies des corps exhumés à la morgue de Timișoara à des informations fantaisistes des médias roumains. Depuis, cette affaire est devenue un cas d'école pour la formation des journalistes pour mettre en garde contre la « chasse au scoop » des médias d'information.
Parmi les chiffres repris par les médias occidentaux, et en particulier français, sans concertation avec les reporters présents sur place, et qui mélangent les sources de Bucarest et de Timișoara :
- TF1 : « Ceaușescu, atteint de leucémie, aurait eu besoin de changer son sang tous les mois. Des jeunes gens vidés de leur sang auraient été découverts dans la forêt des Carpates. Ceaușescu vampire ? Comment y croire ? La rumeur avait annoncé des charniers. On les a trouvés à Timișoara. Et ce ne sont pas les derniers ».
- Le magazine L'Événement du jeudi du titre même : « Dracula était communiste »
- Gérard Carreyrou lance un appel à la formation de brigades internationales prêtes à « Mourir à Bucarest ».
- Le quotidien Libération avec Serge July titre « Boucherie ». On y lit : « Timișoara libéré découvre un charnier. Des milliers de corps nus tout juste exhumés, terreux et mutilés, prix insupportable de son insurrection ».
- Le Monde félicite La Cinq d'avoir « révélé l'horrible charnier des victimes des manifestations du dimanche précédent ».
Aujourd'hui, tous les médias - télés et radios - font la Une d'un massacre attribué aux soldats russes dans une ville ukrainienne, dont ces troupes viennent de se replier
Moscou nie et accuse les Ukrainiens de ces exécutions.
Sans attendre, sans vérifier, les éditorialistes français - et occidentaux - font chorus avec la version donnée par les autorités de Kiev pour désigner Poutine, l'auteur de ce crime.
On ne peut oublier ce faux du charnier de Timișoara, avec pour cible Ceaușescu, le président roumain...
Hors, c'était un faux, reconnu après la chute de ce dernier. .
Aujourd'hui, nous refait on le coup de Timisoara, avec Poutine pour cible ? ?