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Un article
de
Christian Raffaëlly
repris de
Parlons Clair N°56

Comme le dit justement Atilio Boron, le Sommet des Amériques qui s'est tenu du 17 au 19 avril à Puerto España, capitale de Trinidad et Tobago, a été « l'heure de vérité pour Obama». On savait déjà qu'il s'entourait de conseillers très réacs : un faucon à la Défense (entendez la Guerre) et tous les économistes qui conseillaient Bush, avec le succès que l'on connaît.

Le document final préparé n'a pas été adopté.
Tous les intervenants de 34 pays d'Amérique Latine, même les représentants de gouvernements très modérés, ont plaidé pour qu'Obama mette fin au blocus de Cuba, sans que celui-ci réponde d'ailleurs.
Obama, très prodigue en poignées de mains et accolades, s'est montré tendu à la fin de ce sommet où il a dû en entendre de toutes les couleurs, c'est à dire des vérités sur l'attitude de son pays par rapport à ses voisins du sud. Pourtant tout avait été fait, par le pays invitant, pour lui faciliter la vie, y compris de faire attendre trois heures ,dans leurs avions respectifs, en bout de piste et sous un soleil « équatoria », Michelle Bachelet, Evo Morales, Lula, Daniel Ortega et Felipe Calderon (même lui) jusqu'à ce que, comme le dit Ortega, l'Empereur Obama arrive.

Les représentants des 34 pays représentés ont eu droit à 10 (dix !) minutes d'intervention pour développer leur point de vue. Obama a quand même entendu des choses qui ne lui ont pas beaucoup plu, mais qui étaient simplement le rappel de quelques uns des mauvais coups fomentés par son pays.
Ortega a rappelé que les États Unis n'ont jamais obtempéré aux décisions du tribunal international de La Haye qui ordonnait d'arrêter les actions militaires, de déminer les ports et d'indemniser le Nicaragua.
En plus de l'absence de Cuba, il a regretté celle de Puerto Rico « encore soumis aux politiques colonialistes ». Il a également reproché aux États Unis d'avoir reconnu immédiatement le « gouvernement » fantoche des putschistes qui avaient renversé Chavez. Il a condamné les décisions du G20 qui ne sont ni « justes, ni équitables, ni éthiques » et souhaité la réunion d'un G192, c'est à dire de tous les pays du monde et non pas seulement des pillards patentés.
De plus, il (Ortega) a fait l'éloge du nouvel ordre économique et des nouvelles relations qui se mettent en place en Amérique Latine: l' ALBA (et non l'ALCA, bien enterrée), PétroCaribe, la Banque du Sud … et il a rendu hommage aux missions désintéressées qu'accomplissent les Cubains dans les domaines de la santé, de l'éducation et du sport.
Obama
en a parlé ensuite, mais en regardant par le petit bout de la lorgnette: « ce genre de mission nous rendrait plus populaires que les interventions armées ».
Ortega a élevé le débat en le replaçant dans un cadre mondial :
    «Ce que nous sommes en train de vivre est une crise économique globale à caractère systémique et structurel, non une simple crise cyclique de plus. Le capitalisme a provoqué la crise écologique parce qu'il a soumis les conditions nécessaires à la vie sur la planète à la primauté du marché et du profit. Pour éviter ce dénouement, il faut mettre en place un modèle de rechange au système capitaliste. Un système d'harmonie avec notre mère la Terre et non de pillages des ressources naturelles; un système de diversité culturelle, et non d'écrasement des cultures et d'introduction forcée de valeurs culturelles et de styles de vie étrangers aux réalités de nos pays; un système de paix basée sur la justice sociale, et non sur des politiques et des guerres impérialistes; un système qui ne réduise pas nos sociétés et nos peuples à de simples consommateurs ou marchandises».
Obama n'était pas venu pour entendre ça!

Chavez après avoir offert à Obama le livre de Galeano « Les veines ouvertes de l'Amérique Latine » a fait remarquer qu'il est peut-être possible que les États Unis se
« sudaméricanisent » puisque, rompant avec leur racisme, ils ont élu un président noir! Il a rappelé l'attitude de Bush qui jetait ses écouteurs quand les paroles d'un intervenant au sommet précédent ne lui plaisaient pas ou qui quittaient ostensiblement la réunion.
Et il a ajouté:
« Que personne ne vienne imposer quelque chose à personne; l'Amérique du Nord aux Nord américains, l'Amérique Centrale aux Centraméricains, les Caraïbes aux Caribéens, l'Amérique du Sud aux Sud américains».
Il a proposé comme lieu du prochain sommetLa Havane. Il a également suggéré que pour chaque dollar dépensé par le Vénézuela pour PétroCaribe ( 3 milliards de $ en 4 ans), les États Unis et les « géants » d'Amérique du Sud -Mexique, Brésil, par exemple, versent 1$ pour des aides au développement social.

Obama a donc entendu certaines vérités et, par son attitude fermée, au-delà des tapes sur l'épaule, a certainement guéris certains « obamaniaques » qui avaient mis beaucoup trop d'espoir en lui.


Christian Raffaëlly


À lire (mes sources):

L'heure de vérité: Obama au Sommet des Amériques, Atilio Boron
Réflexions de Fidel Castro
Intervention de Daniel Ortega à la table ronde organisée à Cuba sur le Sommet
Intervention de Chavez au Sommet


Annexes :


1) Quelques rappels sur les plus de 100 actions des États Unis en Amérique Latine: 14 pays ont « bénéficié » de ces actions, guerre ouverte, débarquements de Marines, bombardements, installation (plus de 30 ans à Cuba , près de 20 ans en Haïti et près de 10 ans en République Dominicaine),partition d'un pays (la Colombie accouche du Panama), vol de territoire (près de la moitié du Mexique), renversement de gouvernements élus (Guatemala, Chili), et … éclatante victoire contre la minuscule île de Grenade .


2) Pour Cuba, il s'agit d'une veille obsession: dès 1823 John Quincy Adams, Secrétaire d'Etat(= ministre des Affaires Étrangères) écrit que cette île, presque à portée de vue de leurs côtes, tombera sous la domination des États Unis, « comme une pomme mûre », en se séparant de l'Espagne. . Ils essaient un moment d'acheter l'île aux Espagnols (tout compris palmiers, hommes, vaches, champs de canne …). En 1898, après les longues luttes des Mambis cubains, les États Unis arrivent, combattants de la dernière heure, et négocient avec l'Espagne … à Paris, en l'absence des intéressés.Ils finissent par contrôler l'essentiel de l'économie du pays, en principe indépendant. Mais déjà, ils sont énervants ces Cubains: « Je suis tellement fâché contre cette infernale petite république de Cuba, dit Roosevelt en 1906, que j'aimerais qu'elle soit rayée de la carte! » Heureusement qu'il n'avait pas l'arme atomique!

Et puis Cuba coûte cher, les dissidents sont exigeants … et parfois peu honnêtes, dit un rapport américain. En 2006, le Secrétaire d'Etat Noriega fait les comptes devant la Chambre des Représentants: 14,4 millions de dollars supplémentaires seront versés et des ordinateurs portables seront donnés pour aider les champions de la liberté à Cuba. S'il ne s'agissait pas d'une obsession (celle de mettre la main sur l'île) pourquoi les États Unis refusent-ils tout contact ,alors qu'ils ont eu des relations diplomatiques normales avec l'URSS et les autres pays socialistes, qu'ils en ont ,y compris économiques,avec le Vietnam et la Chine, qu'ils négocient avec l'Iran et la Corée du Nord … et qu'ils sont très liés avec l'Arabie Saoudite, où le problème n'est pas le parti unique mais l'interdiction de tout parti politique. Comme le dit Abel Santamaria, professeur à Institut de la Diplomatie de La Havane: les États Unis ont deux diplomaties, une pour Cuba et une pour le reste du monde!

Tag(s) : #Contre l'impérialisme
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