Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

rostock-lichtenhagen-demo-540x304.jpg 


Il y a neuf mois, on découvrait que dix meurtres avaient été perpétrés par des membres du "réseau clandestin national-socialiste" (NSU). Il est aujourd'hui incroyable de voir avec quelle rapidité les responsables politiques et les services de la sécurité intérieure ont tourné la page. L'agitation est retombée, les appels à tirer les conséquences de cette affaire ne se font plus que mollement entendre. Le ministre de l'Intérieur a procédé à quelques changements de personnel, et maintenant tout est fini.

Des informations inquiétantes nous parviennent parfois du rapport d'enquête sur l'indescriptible échec des services de sécurité - que leurs représentants s'efforcent de minimiser. On se livre de temps à autre à quelques explosions de colère lorsqu'on apprend que certaines pièces du dossier des services secrets ont été détruites. Et parfois, on se souvient de l'émotion qui s'était emparée de la toute la communauté nationale après les assassinats commis par la RAF [Fraction armée rouge, organisation d'extrême-gauche] dans les années 70, et l'on s'étonne de l'indifférence générale d'aujourd'hui.

Aucune volonté pour combattre l'extrême droite

Les violences racistes au quotidien n'agitent plus l'opinion allemande. Les citoyens qui combattent les néonazis sont toujours aussi seuls. Lorsque des militants d'extrême droite essaient d'intimider ceux qui osent encore les braver en démolissant leur voiture, la police n'y voit qu'un acte de déprédation tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Les meurtres de la NSU n'ont rien changé dans la mentalité des autorités. Aucune directive n'a été donnée pour mettre tous les moyens au service de la lutte contre les violences d'extrême droite. Aucune nouvelle priorité n'a été fixée dans le domaine de la politique intérieure.

Il n'existe aucun indice d'une énergie ou d'une volonté nouvelle pour combattre l'extrême droite. Comme si les meurtres de la NSU et les violences quotidiennes contre les étrangers n'avaient rien à voir les uns avec les autres. Les deux terroristes Uwe Mundlos et Uwe Böhnhardt sont morts, suicidés, et la troisième, Beate Zschäpe, devrait passer devant un tribunal. Est-ce que cela ne suffit pas? Non, cela ne suffit pas. On ne peut tout simplement pas laisser les choses continuer comme il y a vingt ans.


Il y a vingt ans, l'Etat s'est rendu coupable d'une indifférence criminelle. Il y a vingt ans commençaient les manœuvres d'intimidation qui expliquent pourquoi aujourd'hui encore l'ex-Allemagne de l'Est n'accueille pratiquement pas d'étrangers. Depuis les journées d'émeutes racistes de Rostock-Lichtenhagen, entre le 22 et le 26 août 1992, les étrangers savent qu'ils ne sont pas les bienvenus en ex-Allemagne de l'Est.

Un territoire interdit aux étrangers


Les intimidations n'ont jamais cessé. Aujourd'hui, les minorités visibles – c'est-à-dire non blanches – représentent 1% seulement de la population en ex-Allemagne de l'Est. A l'exception de Berlin, le territoire de l'ancienne république communiste n'abrite presque pas d'étrangers. La plus grande réussite des néonazis en Allemagne n'est pas d'avoir réussi à entrer dans des assemblées régionales, mais d'avoir fait de l'ex-Allemagne de l'Est un territoire interdit aux étrangers. En vingt ans, l'Etat et les responsables politiques n'ont pas réussi à changer ce climat.

Il y a vingt ans, la "maison des tournesols", une barre d'immeuble du quartier de Rostock-Lichtenhagen, était assiégée par des centaines de délinquants d'extrême droite. Cet épisode était le résultat d'un an d'agitation politique contre les réfugiés et le droit d'asile. La foule se sentait l'exécuteur de cette politique et s'en est pris aux demandeurs d'asile et aux travailleurs vietnamiens. Les balcons ont été pris d'assaut, des cocktails Molotov ont été lancés, incendiant la résidence.

Et la police dans tout ça ? Elle s'est retirée, ne laissant qu'une foule hurlante et des milliers de voisins venus applaudir le spectacle. Ce faisant, les autorités livraient plus de 120 hommes, femmes et enfants aux instincts meurtriers des néonazis. Ce fut un miracle qu'il n'y ait eu aucune victime. Les assiégés réussirent à s'échapper de justesse par le toit.

Les victimes transformés en criminels

Les informations en provenance de Rostock sonnaient comme des reportages de guerre. Les agressions contre les étrangers étaient quotidiennes. C'est à cette époque que s'est formé le trio meurtrier de la NSU. Les violences extrémistes étaient à l'offensive, l'état de droit sur la défensive et les politiques se cachaient.

Lors de violences précédentes, les représentants politiques s'étaient précipités dans les foyers d'accueil pour réfugiés afin d'exprimer toute leur sympathie. Après les émeutes de Rostock, les responsables de la CDU [conservateurs], du SPD [sociaux-démocrates] et du FDP [libéraux] se sont enfermés dans une pièce pour modifier les conditions d'obtention du droit d'asile. Les émeutiers de Rostock avaient pratiquement forcé la porte du Parlement. Le droit d'asile revisité porte la tache de cet épisode honteux. Les criminels ont été transformés en victimes, et les victimes en criminels. Tout était de leur faute, ils n'avaient qu'à pas venir en Allemagne!

Les dirigeants politiques et les services de la sécurité intérieure ont accumulé tellement d'erreurs depuis vingt ans ! Il est temps de qu'ils fassent leur preuves.

 

le Courrier international

 

http://www.mleray.info/article-allemagne-vingt-ans-apres-rostock-halte-au-racisme--110365412.html

 

Tag(s) : #Europe
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :