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Marianne2

 

Frégates d'Arabie Saoudite:

le trésor de la campagne Balladur

Le parquet de Paris a donné son feu vert à l'ouverture d'une information judiciaire sur le contrat d'armement Sawari II, conclu en 1994 avec l'Arabie saoudite. Les investigations ne devraient pas être menées par le juge Van Ruymbeke, qui avait demandé à élargir son enquête sur Karachi. Marianne2 propose le témoignage d'un haut fonctionnaire qui décrit le montage contractuel de Sawari II dont Sarkozy, alors Ministre du Budget, ne pouvait ignorer les détails.

Frégates d'Arabie Saoudite: le trésor de la campagne balladur
Le parquet de Paris a finalement décidé d’ouvrir une information judiciaire sur un marché d'armement conclu dans les années 1990 en Arabie saoudite, appelé « Sawari II », et qui aurait pu donner lieu à une corruption en France.
Le procureur Jean-Claude Marin a expliqué à Reuters qu'il entendait répondre ainsi au juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke qui demandait à être saisi de ces faits pour compléter la procédure portant sur un autre marché, celui d'une vente de sous-marins au Pakistan en 1994.

Détail d'importance: « Il s'agit d'une affaire distincte », a dit le procureur. Le contrat portait sur la vente de frégates par la Direction des constructions navales (DCN). Le site d'informationMediapart précise ce mardi que la procédure sur « Sawari II » serait ouverte pour « abus de biens sociaux et recel ». Le parquet pourrait donc refuser de confier ces nouvelles investigations au juge Van Ruymbeke, une façon de disjoindre les deux dossiers.

Rappel des faits: en novembre 1994, le contrat porte sur la vente de 3 frégates type La Fayette à l’Arabie Saoudite pour un montant de 19 milliards de francs soit 3 milliards d'euros.
L’opération est supervisée par la Sofresa, centrale d’achat exclusive entre la France et l’Arabie saoudite. Elle est présidée entre 1993 et 1995 par Jacques Douffiagues, un proche de Léotard, qui porte comme tous les titulaires de cette fonction le titre de « représentant personnel du ministre » et est donc habilité à signer les contrats.

87 millions d'euros dans les poches de la campagne Balladur
« On est à quelques mois des présidentielles, les industriels et les hauts-fonctionnaires sont rapidement écartés par les politiques. Le contrat est signé dans l’urgence » selon une source proche du dossier.
Quand Chirac devient président de la République en 1995, il demande à son Ministre de la Défense, Charles Millon, d’enquêter sur les rétro-commissions qui ont lieu dans le cadre des ventes d’armes. Ils sont convaincus que des rétro-commissions ont eu lieu dans le cadre de ces contrats. Dans le contrat Sawari II, le montant des commissions, légales jusqu’en 2000 s’élève à 18%. Quant aux rétro-commissions, destinées à alimenter la campagne de Balladur, elles atteignent 87 millions d’euros selon Médiapart.

Avec l’élection de Chirac, Michel Mazens remplace Douffiagues à la tête de la Sofresa. Il reçoit instruction de Jean-Louis Chaussende, le directeur de cabinet de Charles Millon de trouver les contrats porteurs de rétro-commissions avec l’aide de Marwan Lahoud, alors conseiller pour les affaires industrielles, la recherche et l’armement au cabinet de Charles Millon. Ils procèdent par « sondages » (NDLR : les intermédiaires qui réagissent quand les rétro-commissions sont arrêtées). Les Libanais du réseau K font savoir leur mécontentement et réclament leur dû.

D’après le Journal du Dimanche, la Sofresa fit également appel à Frédéric Bauer, dirigeant de la société Control Risk Management, une connaissance de Jacques Chirac. Bauer réussit à convaincre Takieddine de renoncer aux commissions destinées à Mercor (la société de Takieddine) dans l’affaire Sawari II. Selon lui, cette intervention lui coûta un client :
« Cette affaire m’a valu beaucoup d’ennuis. À son arrivée au pouvoir, M. Nicolas Sarkozy a convoqué M. Arnaud Lagardère pour qu’il cesse de travailler avec moi. J’avais un contrat de 1 million d’euros pour des missions de sécurité chez Matra ».

Balladur, Léotard et Bazire rencontre les intermédiaires
Les frégates La Fayette vendues à l'Arabie Saoudite
Les frégates La Fayette vendues à l'Arabie Saoudite
Takieddine est un businessman spécialisé dans le commerce des armes. A l’été 1994,il a déjà signé un contrat en bonne et due forme, avec la DCNI, chargée de la vente des sous-marins au Pakistan dans le cadre du contrat Agosta. Noir sur blanc ses honoraires se montent à 4% du montant du deal soit près de 33 millions d’euros. A l’époque, Takieddine aurait menacé de « parler » si on ne lui versait pas ses commissions. Le Ministère de la Défense lui envoie alors le service action de la DGSE pour le « calmer ».
Chirac qui ne faisait pas beaucoup confiance aux services secrets, serait passé par son ami Hariri pour dédommage le réseau libanais. Takieddine aurait tout de même touché 300 millions de francs en 1997 (45 millions d’euros). Deux versions, pas forcément incompatibles.

En 2001, Marianne révélait déjà que Balladur avait rencontré 4 fois un intermédiaire saoudien, le cheikh Ben Mussalam, un riche homme d’affaires yéménite qui jouera, lui aussi, un rôle crucial dans la négociation. Nicolas Bazire, directeur de cabinet de Balladur dont le frère est directeur du Délégué Général pour l'armement Henry Conze rencontre également Ben Mussalam. « On parle aussi de Lagardère » écrit Marianne. Il rencontre surtout François Léotard, alors Ministre de la défense. Une première dans une affaire de ventes d’armes. Les directions du Ministère ne sont pas habilitées à rencontrer les intermédiaires. Seuls les services de renseignement mènent des enquêtes pour valider ces entremetteurs. C’est la rencontre qui fait basculer les négociations.

La Sofresa comme la DCN sont à cette époque des organismes strictement contrôlés par l’Etat représentés par deux personnes qui siègent au Conseil d’administration : un contrôleur d’Etat (en général un fonctionnaire des finances) et un commissaire du gouvernement (en général un Controleur général des armées).
De plus dans le cas de la Sofresa c’est l’Etat français qui est censé vendre : les chèques payés par les Saoudiens sont envoyés au Trésorier Payeur Général de Paris Ile de France qui ensuite redistribue l’argent aux industriels mais aussi aux intermédiaires. Si on prend la loi au pied de la lettre née de la « convention OCDE contre la corruption des fonctionnaires étrangers » de 1997, dans ce cas, le TPG fait du « blanchiment » puisqu’il est un intermédiaire chargé de redistribuer de l’argent de la corruption et en faire de l’argent propre.

Le rapport de la mission d’information sur l’attentat de Karachi mentionne les noms d’Alain Richard et de Dominique Strauss-Kahn, alors respectivement ministre de la Défense et du Budget.
En 1998, les deux ministres s'inquiètent des pertes financières essuyées par la DCN sur les contrats Agosta et Sawari. Le premier a décidé, à l’automne 2001, de faire revenir des techniciens de l'entreprise à Karachi malgré le climat créé par les attentats du 11-Septembre. A l’époque, selon Alain Richard, aucune menace spécifique ne semblait peser sur ces salariés.

Sarkozy devait surveiller d'assez près les contrats générateurs de rétro-commissions
D’un point de vue contractuel, quand un industriel gagne un gros contrat d’export, il prend une garantie COFACE, consortium bancaire qui lui garantit le risque de fabrication (industrielle) en cas de défaillance du client (mais pas les commissions). L’industriel est donc obligé de déclarer le contrat « nu » hors commission.
En tant que Ministre du budget, Sarkozy devait donner son accord pour le versement des commissions. Il a nécessairement vu passer les contrats de commissions.

Il y a également une autonomie du droit fiscal. Les impôts veulent savoir qui sont les intermédiaires afin d’imposer leurs revenus que ceux-ci soient licites ou pas. Il y a un « bunker » à Bercy où sont les contrats de tous les intermédiaires. Sarkozy avait la responsabilité en tant que ministre du budget de ce « bunker ». « Il est fort probable que Sarkozy proche de Balladur devait surveiller d’assez près les contrats générateurs de rétro-commissions » rapporte un ancien haut-fonctionnaire.

Au même moment, la gauche elle même est empêtrée dans le dossier des frégates de Taïwan. Une explication possible de la décision du Conseil Constitutionnel de valider les comptes de campagne de Balladur contre l’avis des rapporteurs. Un deal entre les deux camps ?

A l ‘époque, ces pratiques sont largement connues dans les milieux de la défense mais couvertes du sceau du silence. Après l’arrêt des rétro-commissions, lors d’une réunion, un haut fonctionnaire osera demander « qu’est devenu l’argent des rétro-commissions non versées? ».
Un ange passe. Il n’obtiendra jamais aucune réponse.



 

 

 

 

 

Tag(s) : #Politique française
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