C'EST UN PARTISAN INCONDITIONNEL
DE L'UNION EUROPEENNE
QUI IRONISE SUR LE TRAITE UE-CANADA...
29 OCTOBRE 2013
Les amateurs de contes de fées ou les fans des Bisounours ont dû être comblés en lisant le communiqué de presse publié par la Commission européenne le 18 octobre expliquant en cinq pages « l’accord économique et commercial global » conclu le jour même avec le Canada.
C’est simple, ce traité, c’est l’avenir radieux de l’humanité transatlantique.
La preuve ? Les experts de la Commission nous annoncent que le commerce bilatéral va s’accroitre de « 22,9 %, soit 25,7 milliards d’euros » et le PIB de l’UE augmenter de « pas moins de 11,6 milliards par an ». Un degré de précision proprement stupéfiant alors que Bruxelles n’arrive pas à prévoir la croissance à six mois…
Surtout, toujours selon ce communiqué, l’Union n’aurait fait aucune concession au Canada. Ainsi, l’ouverture des marchés agricoles va permettre aux Européens d’exporter en quantité leur vin et spiritueux ainsi que leurs produits agricoles préparés. Toronto va reconnaître les normes automobiles européennes, promesse d’une explosion de nos exportations. L’ouverture des marchés canadiens des services financiers, des télécoms, de l’énergie, du transport maritime, des marchés publics, y compris des États fédérés, est une promesse d’expansion pour nos entreprises. Les Canadiens ont même dû se résoudre à réformer leur droit de la propriété intellectuelle et à reconnaître les indications géographiques (feta, roquefort, etc.).
À se demander si le Canada a des services, une agriculture, une industrie…
Bref, c’est la mondialisation heureuse qui n’aurait que des effets positifs. Ce monde merveilleux, on y croit dur comme fer à la Commission. Comment s’étonner qu’elle ne comprenne pas pourquoi certains grognent et s’inquiètent du futur accord de libre-échange avec les États-Unis (le Canada puissance dix) dont la négociation a été lancée en juin et qui aura pour modèle, comme l’a annoncé José Manuel Durao Barroso, le président de la Commission, le traité conclu avec le Canada ?
Peut-être parce que la réalité est sans doute un rien différente. Sans doute, car il y a un hic : ni les États membres, ni le Parlement européen, ni les Parlements nationaux et encore moins l’auteur de ces lignes n’ont pu lire cet accord qui ferait 70 pages et compterait 1000 pages « d’annexes »…
Pour l’instant, on n’en sait que ce que veut bien en dire la Commission. « C’est invraisemblable sur le plan démocratique », tonne José Bové, le vice-président de la Commission agriculture du Parlement européen. La seule chose de sûr est qu’il s’agit d’un accord de « nouvelle génération » qui va bien au-delà des habituelles baisses des droits de douane ou de levée des restrictions aux importations. Il vise, en effet, à rendre compatibles les normes canadiennes et européennes (techniques, juridiques, comptables) afin de faciliter la circulation des marchandises et des services, les investissements ou encore l’accès aux marchés publics.
Cet accord, là aussi c’est sûr, est un clou de plus dans le cercueil de l’OMC totalement paralysé depuis l’échec du cycle de Doha : « on fait en bilatéral ce qu’on n’a pas pu faire en multilatéral, notamment parce que les émergents n’entendaient pas se voir imposer, à tort ou à raison, le modèle occidental », explique José Bové. Car ce qui est au cœur de ces accords dit « OMC+ », ce sont les normes et pas les droits de douane : l’idée est de les harmoniser au maximum afin de faciliter les échanges et d’en faire des normes mondiales comme l’explique sans fard Karel De Gucht.
Les Américains partagent cet objectif et négocient de leur côté avec les pays du Pacifique un accord de libre-échange du même type. Le problème est qu’il n’y a pas une norme occidentale, mais plusieurs systèmes normatifs, plus ou moins protecteurs.
Et c’est là où le bât blesse : est-ce la norme la plus ambitieuse ou la moins ambitieuse qui l’emporte au final ?
Avec le Canada, on ne sait pas encore. Avec les États-Unis on peut subodorer qu’un compromis ne se fera contre leurs intérêts. Surtout, les instances arbitrales mises en place dans ces accords vont permettre aux entreprises de poursuivre les États : « à l’OMC, c’était État contre État, avec ces nouveaux accords, c’est entreprises contre États ». Et l’on peut craindre que par ce biais, le « big business » ne parvienne à imposer ses règles aux États. Une crainte que la Commission écarte d’un revers de main.
Photos: Reuters (je n'ai pas pu résister...)