Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Marianne2 2012

Un sortant de plus en Europe !

Dimanche 6 Mai 2012 
Rédacteur en chef de Bastille-République-Nations,
mensuel progressiste radicalement eurocritique
Sarkozy s'en va et confirme une tendance: en Europe, les présidents sortants ne sont pas reconduit au pouvoir. Et ce quel que soit le bord politique. Un «mécanisme bien connu» selon notre blogueur associé Pierre Levy.

(Nicolas sarkozy n'est pas réelu - SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA)
(Nicolas sarkozy n'est pas réelu - SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA)
Il n’y aura pas eu d’exception française. Au soir du 6 mai, Nicolas Sarkozy a été battu, comme le furent depuis deux ans la plupart des pouvoirs sortants au sein de l’Union européenne, et ce, quelle que soit leur couleur politique (Hongrie, Royaume-Uni, Pays-Bas, Irlande, Finlande, Portugal, Danemark, Espagne, Slovénie, Slovaquie, et Grèce aujourd’hui). Le mécanisme est bien connu : les électeurs se voient proposer, pour défouler leur colère, de renvoyer l’équipe en place ; et les politiques menées continuent dans la même direction, puisqu’elles sont définies en commun par les uns et les autres en un lieu hors de la souveraineté des peuples – en l’occurrence à Bruxelles. Cela s’appelle l’« alternance », et même, pour les humoristes postmodernes, « la démocratie ». 

Notons qu’en France, il n’en a pas toujours été ainsi. La question d’un changement de société était, jusqu’à la fin des années 1970, l’enjeu majeur des affrontements électoraux, avant que ne s’impose le modèle politique européen, où, entre le « centre-gauche » et le « centre-droit », les citoyens sont invités à choisir la décoration de l’abattoir. 

Force est cependant de constater que, bien souvent, les majorités social-démocrates dépassent leurs rivales conservatrices en matière de reculs sociaux, de réformes libérales et/ou de privatisations. L’exemple le plus caricatural vient de Grèce, où c’est sous l’égide d’un premier ministre resté président de l’Internationale socialiste que les plans les plus régressifs ont été mis en œuvre. En Allemagne, c’est bel et bien sous le règne de Gerhard Schröder que la République fédérale a connu la remise en cause la plus brutale de la protection sociale (Harz IV) et la mise en place massive de la précarité. 

Ce qui n’a empêché ni le président français sortant, ni son concurrent victorieux de vanter le « modèle allemand » et sa « compétitivité ». Du reste, ce sont bien des gouvernements « de gauche » qui ont, en France, déréglementé les marchés financiers et battu les records de privatisations. François Hollande va-t-il poursuivre cette noble tâche ? Au moins ne pourra-t-on pas lui reprocher de renier ses promesses. Il ne s’est nullement caché de vouloir – pour respecter les normes bruxelloises et éviter les sanctions afférentes – opérer des coupes budgétaires de 50 milliards d’euros. 

Le nouvel élu a bénéficié, pour schématiser, du cumul de trois électorats : le noyau dur des électeurs socialistes, qui ne doutent pas un instant qu’une politique « de gauche » va être appliquée ; le large renfort de citoyens obnubilés par la volonté de « dégager » Nicolas Sarkozy, mais qui ont déposé leur bulletin dans l’urne « sans illusion », c’est-à-dire malgré leur conviction que cela n’allait pas changer grand-chose ; enfin, une frange non négligeable de la moyenne-grande bourgeoisie, qui a voté Hollande précisément parce qu’elle savait que cela n’allait rien changer sur le fond, tout en donnant au pays un pouvoir mieux à même de faire accepter les futures potions amères bruxelloises. C’est l’esprit de la prise de position de François Bayrou en faveur du candidat socialiste. 

Tout cela constitue en quelque sorte l’arrière-plan, essentiel, et les lignes de force, déterminantes, des développements à venir. Cependant, la politique, ce sont aussi des circonstances, qui rendent le système instable. Ces circonstances se caractérisent aujourd’hui par la convergence de deux phénomènes, au demeurant liés. Le premier est la succession, en l’espace de quelques mois, de scrutins (ou de crises politiques déclenchant des scrutins) qui, à un titre ou à un autre, mettent en cause la maîtrise d’œuvre européenne. Ce sont souvent des partis classés « populistes » ou d’« extrême-droite » qui en tirent profit – mais à qui la faute, si ce n’est à ceux qui ont rangé la souveraineté des peuples (c’est-à-dire la démocratie, au vrai sens du terme) au rayon des vieilleries sulfureuses ? 

L’autre phénomène n’est autre que l’amplification prévisible de la crise, dans ses dimensions économique, financière, budgétaire et monétaire – et bien sûr sociale. A cet égard, le projet de traité européen (TSCG) pourrait bien devenir une bombe à retardement, et s’avérer un redoutable piège pour Angela Merkel et ses amis : s’il entre finalement en vigueur, le traité pourrait bien entraîner les économies européennes dans un gouffre récessif d’une profondeur sans précédent, et sans issue de secours ; s’il s’enlise, c’est la crédibilité de Berlin et de Bruxelles qui en sortira profondément ébranlée, et l’existence même de la monnaie unique (donc de l’intégration européenne) qui sera mise en cause. 

Une nouvelle « ruse de la raison », en quelque sorte.

Un sortant de plus en Europe !

 

Tag(s) : #Europe
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :