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ETAT DES LIEUX

des forces qui se réclament en France,

du COMMUNISME

 

Vous trouverez ci-dessous la septième et avant dernière partie de la longue brochure de Francis Arzalier relative à la crise du communisme. Elle est disponible en totalité si vous consultez

le site du collectif communiste polex.

http://www.collectif-communiste-polex.org/mouvement%20communiste/Communistes%20de%20France%202.html

 

"Les communistes en France sont aujourd'hui éparpillés en de multiples organisations, groupes, chapelles, plus occupées parfois à réciproquement s'excommunier, voire à s'encombrer d'adhérents relevant d'une autre mouvance, pour se donner l'illusion du nombre, qu'à convaincre une opinion désinformée. A ce niveau d'effritement, d'inefficacité autre qu'occasionnelle, la nébuleuse n'est plus une image adéquate. On penserait plutôt à un champ d'immeubles explosés, où s'agitent de ci, delà, quelques survivants préoccupés surtout d'eux-mêmes. Et pourtant, les communistes en France sont nombreux, dizaines de milliers de toutes conditions, qui portent en eux ce rêve singulier, que tous ses contempteurs ne cessent de vouloir tuer, après l'avoir décrété mort.

Le PCF en « risque » d'implosion

Grand corps malade depuis fort longtemps, riche de son histoire et son ancrage populaire, de ses lambeaux de communes plus très ouvrières, envahi de métastases opportunistes, le PCF, avec ses cent trente mille adhérents ( ?) , est encore celui où s'accrochent des milliers de communistes envers et contre tout. Aux dernières élections internes à l'organisation, préparant en 2008 son congrès, le texte redondant et mou proposé par la direction pour concilier les courants contraires, n'a recueilli que soixante pour cent des votes militants ; quatre sur dix se sont au contraire retrouvés autour des « critiques de gauche », opposés aux dérives opportunistes et à l'alignement sur le PS (« La Riposte » et ceux réunis avec André Gérin, député-maire de Vénissieux). Les plus droitiers au sein du PCF, cornaqués par l'ancien secrétaire général Robert Hue et Marie- Pierre Vieu, « idéologues » de l'allégeance à « la gauche »
 libérale, avaient si peu confiance en leur audience interne qu'ils ne proposaient pas leur texte propre au vote, et tinrent un congrès concurrent face à celui du PCF officiel. Le mode de fonctionnement étant au parti, ce qu'il est, que croyez-vous qu'il arriva ? A l'issue du congrès, une nouvelle direction, « conseil national » resserré ( ?) fut « choisie ». Les partisans de quarante pour cent de militants n'en sont pas, sauf deux ou trois, peu connus. Les droitiers, partisans d'une «large ouverture » au social-libéralisme qui firent mine d'en partir, peuplent massivement le conseil national, bien au-delà de ce qu'ils représentent en militants. Triste confirmation pour certains d'entre nous que la stratégie de reconquête interne du PCF est, par sa nature fonctionnelle, condamnée à l'échec.

D'autant que le PCF persiste et signe en 2009, à l'occasion des élections européennes. Alors que les partis de gauche, pourtant opposants aujourd'hui, s'obstinent à ne bêler qu'un message inaudible ; que le PS, définitivement droitier, a pour seul programme électoral les erreurs qu'il attribue à la droite sarkozienne, et son désir d'accéder à nouveau au pouvoir par défaut ; le PCF eut pu, si le bon sens l'avait saisi, constater que la majorité des français avaient voté contre « l'Europe » des banquiers, trafiquants de main d'œuvre et pourvoyeurs de bas salaires.

Il lui suffisait donc, pour surfer sur la vague, de se présenter en seul adversaire, opiniâtre, de l'Europe supranationale : elle fut au service du capitalisme dès sa naissance, et ne peut que le devenir un peu plus chaque jour, au gré du rapport de force actuel. Au lieu de ce discours très clair, le PCF s'est dépensé à prôner « l'autre Europe » ( ?), et a désarçonné encore un peu les électeurs qui restent. En s'alliant à un transfuge du PS, il se décolorait encore un peu en « Front de Gauche », risquant d'atteindre un score minuscule, bien en deçà de ce qu'il est encore, l'espoir toujours vivant d'un univers nouveau pour des milliers de communistes authentiques.

Bien qu'affichant depuis sa création un monolithisme sans failles, baptisé « centralisme démocratique », le PCF, organisme vivant, a toujours réuni des sensibilités diverses : durant la guerre d'Algérie, par exemple, ou quelques adhérents allaient jusqu'à porter les valises du FLN, quand d' autres, réticents, rechignaient à la fin de l'empire français. Le grand public, les électeurs, la majorité des militants même, s'en tenaient à la version majoritaire et réaliste, un parti uni dans sa « lutte de masse », pour imposer la paix en Algérie, par la négociation avec les nationalistes algériens.

Cet objectif, susceptible de convaincre une opinion française encore favorable aux thèses coloniales, était largement partagé par les adhérents : les minorités internes réticentes, colonialistes ou impatients, étaient faibles, isolées, et quittaient sans un mot le navire.

Toute autre est la situation depuis l'affaiblissement du parti, tiraillé aujourd'hui en groupes multiples, idéologiquement inconciliables. Si le mot « tendances » est proscrit, la réalité est bien présente, et fluctuante.

Ne nous attardons pas sur la réalité droitière, matricielle, de la dérive opportuniste de l'ensemble, qui conduisit le PCF « en mutation » sous la direction, quelques années, de Robert Hue. En font partie, autour de lui, d'anciens ministres PCF de la gauche, alors que d'autres, comme Fiterman, ont poussé la « logique unitaire » jusqu'au ralliement au PS ; et surtout de multiples permanents professionnels influents dans les régions, Ile de France ou Languedoc en alternance, comme Blotin ou Gayssot. Leur vulgate tactique tient en quelques principes : s'assurer l'appui électoral du PS en ne s'éloignant pas trop de ses croyances, en refusant par exemple l'idée de manifester contre la guerre israélienne à Gaza, ou celle des USA contre l'Irak.

Cette tendance rêve d'élargir le parti à d'autres sensibilités, écologistes, féministes, humanistes, pour en transformer la substance, à l'image revendiquée des « ex-communistes » d'Europe centrale et du sud. Cela bien sûr tout en gardant les clés de la « vieille maison », ses locaux, l'audience qui lui reste, quitte à l'engluer dans un financement extérieur, d'Etat ou d'entreprise. L'objectif n'est pas qu'ébauché, il est assuré de soutiens peu nombreux mais influents à tous niveaux de l'organisation, comité national, fédérations.
D'ores et déjà, une fondation dite « Péri », aux ressources abondantes et occultes, contrôlée par Robert Hue et ses fidèles, a repris la gestion de revues survivantes du PCF, et d'échanges internationaux (Afrique, Chine) que le parti n'assume plus. Ce phagocytage du parti par sa frange « gauche plurielle » va bon train depuis le congrès ; handicapé par sa faiblesse numérique en militants, il est redoutablement efficace par le contrôle des leviers de pouvoir dans l'appareil. 

L'ultime décennie du vingtième siècle a vu se déployer une palinodie presque surréaliste : à Moscou, Gorbatchev dissolvait sans autre forme de procès le PC d'Union soviétique dont il était le secrétaire général ; à Paris, son admirateur avoué Robert Hue jouait les fossoyeurs bonasses d'un PCF en déshérence, avant de devenir, quelques années plus tard, « la nouvelle coqueluche d'un PS en détresse » (Le Monde des 12 et 13 juillet 2009).

Dans le Landerneau 2009 du petit monde de la gauche française le résultat calamiteux des élections européennes devrait servir d'électrochoc : un PS définitivement ancré dans ses certitudes libérales, et réduit au choc des ambitions internes, ne peut plus prétendre phagocyter ses partenaires opposants de Sarkozy quand il ne réunit que 16 % des votants ; le PCF ne peut empêcher en son sein de voir surgir enfin quelques envies de rompre avec l'ascendant du PS, de faire naître une force nouvelle, une coalition de gauche anticapitaliste, liée aux luttes sociales et à l'anti-impérialisme, sans plus de concessions d'opportunisme électoral.

C'est à cette occasion que Robert Hue qui fut Président du PCF dont il n'est plus l'adhérent, se pose en défenseur de l' « Union de la Gauche », au sein d'une assemblée de dirigeants socialistes ; sénateur du Val d'Oise, grâce déjà aux suffrages du PS, il tient à le rester et se fait le porte - paroles des élus du PC tributaires du même parcours, des mêmes compromis politiciens ; ce faisant, il est très lucide : son « appel pour un pacte unitaire de progrès au-delà des appareils politiques  », réunissant des notables élus « communistes de gouvernement », PS, Verts, ou syndicalistes réformistes, est le seul moyen d'assurer la réélection des « cent quatre vingt cinq conseillers régionaux sortants » (du PCF).

Le choix est en effet pour les années qui viennent en France de la constitution d'un pôle anticapitaliste capable d'attirer à lui tous ceux qui rêvent d'une France socialiste, égalitaire, démocratique et pacifique refusant fermement tout accord organique avec les partisans du capital, qu'il ait pour maître - queue Strauss-Khan, Cohn-Bendit, Bayrou ou Sarkozy ; choix de rupture donc avec la stratégie de l' « Union de la Gauche », qui en 30 ans a démontré qu'elle était le masque idéal de la régression sociale, de la destruction des services publics, de l'aliénation monarchique et médiatique des esprits. Pour cela, le PCF devra effectivement perdre quelques centaines d'élus nationaux, régionaux ou locaux : sa renaissance révolutionnaire est à ce prix, qui n'a rien d'excessif.

Quels que soient par ailleurs le dévouement et les qualités de certains de ses membres, cette cohorte élue a-t-elle réussi à stopper les méfaits des pouvoirs successifs en place, privatisations, régressions sociales ? En fait, ces notables élus que Robert Hue défend sont devenus les cadres régionaux, locaux et nationaux du PCF, ses véritables dirigeants, par-delà les congrès et la volonté des adhérents : ils sont donc l'obstacle essentiel à la rénovation de ce parti sur une base anticapitaliste.

La direction du PCF a indéniablement le soutien de la majorité des adhérents, « légitimistes », quel que soit par ailleurs son manque total de charisme, y compris nombre de communistes authentiques, peu informés de l'histoire du parti dont ils sont adhérents sincères. Ce qui les paralyse et les confine à une prudence excessive, à un modérantisme parfois timoré, est l'attachement quasi religieux, irrationnel, à ce que fut en d'autres temps un bonus militant, et n'est plus qu'une duperie politique : « sauvegarder, par tous les moyens, l'unité du parti ». Au lieu donc de favoriser sa reconquête par les communistes, ils se résignent à admettre les compromis constants avec le réformisme le plus plat, y compris dans leurs rangs. Mieux, ils en redemandent, confondant élargissement de l'influence et compromis idéologique, navigation à la godille et plus grande ouverture d'esprit.

Les marges « rouges » du PCF

Le renouveau ne pourrait venir évidemment que de ces communistes à la gauche du PCF, qui sont d'accord pour refuser la « mutation » opportuniste du parti. Ils sont finalement nombreux, mais disparates, eux que la presse malintentionnée à leur égard (Monde, Figaro, Libération) a baptisé, curieusement, les « orthodoxes » : orthodoxes de qui, de quoi ?...

Une partie de ces mouvances a choisi délibérément de rester dans le PCF, et d'y lutter pour un objectif qu'elle croit, malgré l'expérience, plausible : la reconquête interne du parti, conçue comme un retour à la lutte de classes, l'anti-impérialisme et la fin des concessions opportunistes. Ils ont parfois, à l'aide d'un leader local bien implanté en tissu militant, réussi à devenir majoritaires : ce fut le cas des années durant, en Pas-de-Calais, avant que la direction fédérale réintègre le giron protecteur de Marie-George Buffet. C'est encore aujourd'hui, le fait d'une « section » du 15ème arrondissement parisien, de celle plus modeste de Béziers en Hérault, dont le représentant au conseil national proclamait son désir d'employer le scrutin à « faire péter (exploser) l'Europe ». C'est surtout le choix de Vénissieux, en Lyonnais, qui confère au député, André Gérin, un rôle reconnu de porte-voix des opposants à la
 gauche du PCF. Evincé des instances nationales de direction au dernier congrès, il a clamé un vigoureux refus de l'Europe institutionnelle : l'Humanité, journal qui s'affirme toujours communiste « sans dépendre du PCF », l'a passé en tribune libre ! Un autre groupe aussi est né d'un ancrage local, autour d'Aubervilliers en Seine Saint Denis, département en pleine mutation socio-politique. Il fut autrefois « ceinture rouge » de Paris, parsemé de « forteresses ouvrières » en voie de démantèlement : Saint Denis, Montreuil, Aubervilliers, où bureaux et logis de standing remplacent aujourd'hui ateliers et taudis lépreux, ont vu leurs mairies passer aux hérauts de « l'union de la gauche », ou aux « Verts », et le conseil général basculer au PS. André Karman, élu d'Aubervilliers, et ses amis, ont à contre courant, créé « la gauche communiste », qui ambitionnait d'essaimer dans les régions de France, et y parvint parfois,
localement.

Ajoutons pour être plus complet, sinon exhaustif, dans ce tableau mouvant des sensibilités organisées à la gauche du PCF, qu'elle peut se prévaloir du soutien de militants prestigieux, et âgés, proches des « vétérans », comme les héros de l'anti-colonialisme communiste, Henri Martin, Henri Alleg, les anciens députés Pranchère et Georges Hage Ces noms évoquent au PCF un passé glorieux : la direction les ménage quand ils contestent, comme on hésite à matraquer femmes et enfants, placés au premier rang des manifestants.

Ils sont en quelque sorte le lien ténu entre générations de militants, entre les groupes précédents, et ceux, très structurés, présents un peu partout en France, issus tous deux de ce qu'on nommait en 2000 « Coordination communiste ». Brisée par les divergences tactiques vis-à-vis de la direction du parti, et par des conflits personnels, elle a donné naissance au PRCF, animé notamment par le théoricien marxiste Gastaud, et à son émule concurrent l'URCF, dont Jean-Luc Sallé est l'un des dirigeants. Très actifs dans certains conflits socio-politiques locaux, ces militants le sont aussi beaucoup pour dénoncer la criminalisation du communisme européen. Ces actions assurent leur impact, notamment auprès de militants âgés nourris de leur rôle historique. Elles font aussi leur faiblesse, quand elles révèlent en style et analyses, une indéniable nostalgie a-critique du « socialisme réel », continent englouti pour les générations
 nouvelles.

Autre groupe influent à l'intérieur du PCF, « La Riposte », avec Greg Oxley, dont le texte programme fut approuvé par près d'un militant sur cinq, lors du vote préparatoire au congrès. L'analyse des résultats révèle l'aspect récurrent de certains clivages prétendument indépassables, pour des marxistes historiques. « La Riposte » a fait un succès attendu dans son fief toulousain, parmi les étudiants, mais aussi, à la surprise de beaucoup, parmi les salariés syndicalistes de Bastia, en Corse, ou d'Alès en Cévennes, qui se sont reconnus dans un discours axé sur la lutte des classes, qu'ils espéraient. Le paradoxe étant que « La Riposte » est le seul mouvement trotskiste organisé, affilié à un vaste panel de partis de la même obédience, d'Amérique en Asie et Europe de l'Est : en 2009, la querelle Trotski-Staline relève fort des vieilles lunes, et entre pour peu dans les choix des prolétaires de Bastia

Ces groupes sont en tout cas à la jonction entre ceux restés adhérents du PCF avec l'espoir de le changer, et la foule des communistes, aussi nombreux peut-être, qui croient cette lutte interne illusoire, comme le groupe Combat, animé par Guy Poussy en Val de Marne, ancien suppléant de Georges Marchais ; ou les « Rouges vifs », organisés à Paris et en banlieue, notamment par des militants de grandes entreprises (aéroport d'Orly, banques et journaux du 2ème arrondissement, cheminots des gares d'Austerlitz et d'ailleurs). D'autres « Rouges vifs » fort dynamiques, ont vu aussi le jour à Marseille, entraînés par le leader bouillonnant de la CGT des chômeurs, Charles Hoareau. D'autres collectifs communistes locaux existent en Loir et Cher, en Seine Maritime, etc, et drainent une audience locale, ou par le biais du net

Au sein de ce kaléidoscope, la donne eut pu être changée vers l'an 2000 par un journal mensuel, « Le Manifeste », dont l'ambition était de dépasser ces différences. Il vit le jour et atteignit quelques milliers de lecteurs, puis il mourut, de l'incapacité d'être autre chose que la voix des quelques uns qui notamment le finançaient.

Dans cet esprit « d'œcuménisme communiste », on peut citer « le collectif communiste Polex », groupe de réflexion sur les questions internationales, dont le nom se réfère à la « section de politique extérieure » active près de la direction du PCF jusqu'à son démantèlement par Robert Hue, aux temps de « mutation ». Ambitionnant ouvertement de réunir des communistes en dehors de tout groupe, pour confronter leurs analyses et lutter mieux contre l'impérialisme, il y est modestement parvenu, lors de débats animés, réfléchis, auxquels participaient des militants européens ou africains, des tenants officiels du PCF et leurs critiques, adhérents ou non de ce parti, défenseurs de Cuba, de la Chine, sans la moindre réserve, ou mesurés : le kaléidoscope actuel des communistes, en quelque sorte, pour raviver l'action militante. Une voie vers l'issue, peut être, mais elle reste bien lointaine Fils de Marx, de Trotski et Bakounine ?

Le conflit Staline-Trotski, transposé en luttes sans pitié entre troisième et quatrième Internationales à l'échelle du globe, a été quatre-vingts ans durant, une des guerres internes à la famille communiste, d'une rare intensité de haine et de furie. Fusillades et liquidations à Barcelone en 39, délations et exécutions réciproques, entre résistants anti-nazis en France, victoire « stalinienne » d'après guerre et marginalisation « trotskiste » : ne serait-il pas temps d'enterrer la hache de guerre, entre protagonistes qui n'ont jamais eu totalement raison ? Il est sain pour les historiens de Russie et des révolutions du monde, de questionner, encore aujourd'hui, les vieux débats vitaux de l'URSS, révolution mondiale permanente ou en un seul pays, état bureaucratique issu du peuple ouvrier ou technocratie politique. Le débat a été tranché dans les faits, et il ne répond guère aux questions d'aujourd'hui, sauf à forcer un peu
 le trait : Staline, le vainqueur, ne fit certes pas dans la dentelle en gouvernant.

Mais qu'eut fait à sa place Trotski, le créateur de l'Armée Rouge, qui eut tout de même avant sa chute, le temps de militariser les syndicats soviétiques, d'en faire les courroies de transmission des oukazes d'état ?

La discussion, donc, est forclose. Redouter les déviations d'état bureaucratiques ou policières n'est pas une spécialité trotskiste, mais un principe communiste à mettre en œuvre. Une majorité des militants actuels du NPA, de LO, du PT, n'ont d'ailleurs lu ni Trotski, ni Staline, et fort peu Lénine au demeurant ; pas plus d'ailleurs, pas moins, que ceux du PCF, qu'on le regrette ou pas.

Le NPA d'aujourd'hui est un nouvel habit : il fut durant quarante ans la Ligue Communiste, dont il faut rappeler la genèse. Surgeon du PCF à partir des années 60, elle est née dans ce chaudron existentiel qu'était alors le Quartier Latin étudiant, ponctué de hauts lieux le long du Saint Michel, rue d'Ulm et la Sorbonne, librairie Maspero et local de « Clarté », place Paul Painlevé. Les « étudiants communistes » parisiens (UEC) avaient alors tué le père, en rejetant la tutelle du parti, et de son délégué auprès d'eux, l'apparatchik dandy Roland Leroy. Bardés de citations de grands auteurs marxistes, ils se disputaient sous l'égide d'icônes imaginées, Trotski, Mao Ze Dong, Che Guevara. Les uns, dits « italiens » lorgnaient vers Rome et un PCI plus « ouvert » que celui de France ; d'autres voyaient déjà la Grande Muraille ou la Sierra Maestra en bords de Seine.

Cette cacophonie recouvrait toutefois la conviction commune « anti-parti », anti-soviétique, des turpitudes de Staline et de ses successeurs moscovites, embourgeoisés, trop conciliants avec l'impérialisme occidental. Le PCF fit le ménage à l'UEC, avec l'aide des étudiants plus mesurés de province, de Montpellier, Lille, etc qui expulsèrent les trublions. Telle fut l'origine des groupes trotskistes ou maoïstes qui, rejetés, se constituèrent en petits partis d'activistes intellectuels, de façon plus ou moins pérenne. Ils eurent leur heure de gloire en mai 68, quand les murs de Sorbonne occupée s'ornaient des portraits de tous les grands ancêtres, Marx et Engels, Bakounine et Blanqui, Mao, Staline, Gramsci et Trotski. Ces images, imberbes ou barbues, présidaient aux diatribes enflammées dont n'étaient exclus que les « stals » et les « fafs » de la droite extrême, les gros bras de la rue d'Assas.
Cela pendant que les usines étaient en grève, ou dans la rue. Une fois la fête finie, chacun rentré « chez son automobile » comme le disait Nougaro, ces groupes qu'on disait gauchistes ont mal vécu les atteintes du temps. Quelques uns des tenants de Mao et Lin Piao se sont perdus en combats clandestins sans issue. La plupart ont, c'est bien connu, rejoint le camp qu'ils combattaient, peuplant aujourd'hui le Medef, les grands médias conservateurs. Certains trotskistes aussi se sont déshonorés au fil des ans, ceux par exemple assidus à former de nombreux dirigeants du PS, comme Jospin. Les seuls méritant le respect, pour leur fidélité durant des décennies aux convictions premières, furent ceux de la Ligue Communiste, avec Krivine et Bensaïd. Elle ne fut, durant ce laps de temps, qu'un groupe structuré, militant et actif, mais inapte à jouer dans la cour des grandes organisations françaises : un effectif limité d'adhérents, aucun
 impact électoral notable, peu d'influence, à l'exception de quelques enseignants syndicalistes La « divine surprise » arriva pour la Ligue après l'année 2000, grâce au déclin opportuniste du PC français, son géniteur. Besancenot, intellectuel cultivé au bagout remarquable, fort d'une image télévisée de « facteur PTT à Neuilly » quand tant d'autres leaders étaient professionnels de la promesse électorale, fit bondir les scores de la Ligue aux élections, alors que Robert Hue dégringolait. De nombreux communistes, électeurs habituels du PCF, écoeurés par les palinodies réformistes de l'ex « parti des travailleurs » prirent dès lors l'habitude de voter pour « le facteur », l'un d'entre eux, qui disait enfin aux médias ce que le PCF devrait dire : que le PS était accroché à l'idéologie de droite, que la tactique « union de la gauche » relevait de l'escroquerie politique, que seules les luttes populaires étaient l'issue

Prenant parfois ces ralliements de circonstance pour une adhésion à leurs thèses, voire à l'héritage trotskiste ( ?), les leaders de la Ligue en firent hara-kiri, la baptisant en 2008 « Nouveau Parti Anticapitaliste », en profitant des bons sondages du « facteur » auprès de la jeunesse, des salariés déçus par « la gauche réelle ». L'avenir dira si l'opération réussit, si le NPA deviendra demain le grand mouvement de transformation socio-politique souhaité, ce n'est pas encore le cas. Mais surtout l'opération n'est pas sans risques politiques et idéologiques : supprimer le sigle communiste, le remplacer par une définition négative, tout droit sortie des grandes messes alter mondialistes, prônant un autre monde sans savoir lequel, n'est-ce pas risquer l'affadissement du projet, pour le seul objectif d'être les plus nombreux ? La Ligue a été protégée de la dérive opportuniste parce qu'elle n'avait pas d'élus à préserver : ce
 mal guette le NPA quand il a pour seul but aux élections européennes de 2009 de dépasser définitivement le PCF. Quand, pour « élargir » son audience, il s'en tient lui aussi à prêcher pour une « autre Europe », isolat de bonheur progressiste dans un continent capitaliste. A l'issue des élections européennes, le NPA doit constater l'inanité de son espoir : il ne saurait remplacer le PCF, héritier d'une longue histoire, saura-t-il en tirer les conséquences, arrêter de rêver à la mort du père ?

On trouve aussi des communistes indéniables à Lutte Ouvrière, qui fut longtemps le pendant concurrent de la Ligue, elle aussi d'origine trotskiste. Militante et active malgré son nombre limité d'adhérents, elle eut, plus que la précédente, des liens réels avec les luttes sociales en entreprise, notamment par le biais syndical. Mais ce n'est pas faire injure à certains de ses militants, dévoués comme on savait l'être au PCF il y a vingt ans, de noter comme un handicap un langage trop souvent connoté des années d'après guerre, voire une propension de quelques uns à la clandestinité sectaire.

Mêmes limites et mêmes qualités, dans le Parti des Travailleurs, relevant lui aussi des chapelles trotskistes antagonistes. Cela n'interdit pas toujours d'animer des luttes efficaces, localement, quand ses militants parviennent à se dépouiller de leur haine sectaire, originelle, obsessionnelle, du PCF et des autres fils putatifs de l'inventeur de l'Armée Rouge.

Reste à réintégrer à la famille communiste, malgré tous les fossés qu'a pu creuser l'histoire entre eux, ceux des anarchistes qui n'ont pas effacé l'héritage de Marx et de la 1ère Internationale. Il est vrai que l'individualisme libéral régnant aujourd'hui s'accommode très bien d'un libertarisme de salon, dénonce l'Etat quand il protège les plus faibles, et confond liberté et loi de la jungle marchande. Vrai aussi que depuis Ravachol, la violence irraisonnée a toujours été le meilleur argument du conservatisme social. Le procédé n'est pas usé : provocateurs stipendiés ou naïfs, les « Black Blocks »en ravageant récemment un quartier pauvre de Strasbourg, sous le regard complaisant de la police, ont réussi à déconsidérer la manifestation franco-allemande contre l'Otan.

Si ceux-là sont toujours le terreau des provocations politiques, il n'en reste pas moins que le temps est peut-être venu de réintégrer dans la galaxie communiste, une planète longtemps excentrée, souvent rétive à tout alignement, faite de militants syndicaux et parfois associatifs, qu'inspire l'anarchisme politique. On ne peut oublier une réalité bien longtemps occultée : qui sait encore qu'en banlieue nord de Paris, à Argenteuil en 1919, des anarchistes formèrent un soviet, inspiré de la révolution russe, embryon du futur PCF ? Pourquoi cacherait-on le grand nombre d'anarcho-syndicalistes, qui firent en 1920 au Congrès de Tours, sortir un PCF aligné sur les bolcheviks, d'un PS englué dans « l'Union Sacrée » opportuniste et « patriote » ? En 1921 encore, Moscou en révolution fit de grandioses funérailles à Kropotkine, le prince rouge et noir. Puis commencèrent les ruptures : elles durent encore. Il existe pourtant nombre de
 militants qui se disent eux-mêmes des « communistes libertaires », lutteurs sans compromis contre l'impérialisme guerrier, pour les immigrés sans papiers soumis aux caprices de la police et des patrons. Tout ostracisme communiste à leur égard est une perte de substance, pour un ensemble de courants pas encore en ordre de bataille.

On ne saurait exclure de la nébuleuse communiste, la petite cohorte de philosophes ou sociologues médiatisés, bien que nourris de convictions marxiennes ; ils sont capables d'analyses stimulantes et souvent pertinentes, quand ils savent se dégager de la bulle universitaire ou académique, qui leur laisse ignorer la réalité sociale en mouvement ; à condition aussi de ne pas prendre le petit monde d'internet sur lequel on cultive son ego pour le sel de la terre ; le petit peuple des trains de banlieue, si aliéné soit-il aujourd'hui, est le seul à pouvoir accoucher tôt ou tard de révolution sociale et politique, quand il conviendra de sa nécessité ; elle ne peut venir de seuls cénacles réservés à « l'élite intellectuelle », si critiques soient-ils."

"canempechepasnicolas" ouvre le débat,

à partir du constat établi par Francis Arzelier, sur les conditions et les moyens pour qu'un grand parti révolutionnaire, se réclamant du communisme, puisse renaître et se développer  en France, afin de développer un vaste mouvement majoritaire de masse prônant la rupture franche avec le capitalisme et la construction d'une société nouvelle ayant pour objectif la satisfaction des besoins collectifs et individuels des citoyens.

Tag(s) : #Lutte de Classe
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