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Dimanche 1 août 2010

Fête de l'Unità à Rome durant le mois de juillet ? 

que reste-t-il de ce qui était la fête historique des communistes italiens?

 

Article et reportage AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/


dm-festa-de-l-unita

Durant tout le mois de juillet, cette année comme chaque année depuis 1945, Rome accueille la « Festa dell'Unità », patronée par le journal qui était jusqu'en 1991, l'organe officiel du Parti communiste italien (PCI).


Depuis la dissolution du PCI, transformé en Parti de gauche, d'abord PDS (parti des démocrates de gauche) puis PD (Parti démocrate), l'Unità – comme journal et comme fête – se fait la voix de la gauche la plus réformiste existant en Italie. Pour le visiteur pour qui la « Fête de l'Unità » n'est ni plus ni moins que la « Fête de l'Humanité » italienne, le choc n'en est que plus saisissant. Encore que l'état actuel de l'animation politique à la Fête de l'Unità peut être une mise en garde contre certaines dérives récentes constatées par les camarades à la Fête de l'Huma.


En flânant dans les allées de cette fête en taille réduite qui se déroule désormais à quelques pas du Cirque Maxime et des Thermes de Caracalla (transformées en Opéra durant l'été), on se raccroche à tout ce qui peut nous rappeler la vieille Fête de l'Unità.

Que reste-t-il de la fête politique communiste?

Presque rien si ce n'est un peu de folklore, des jeunes arborant parfois t-shirts avec les symboles communistes d'un Parti qu'ils n'ont jamais connu, le portrait du Che omniprésent mais vidé de son sens, un stand cubain réduit à la vente de Mojito et à la salsa et quelques unes historiques de l'Unità, notamment celles de la Libération censées inscrire l'Unità actuelle dans une continuité historique.

Que reste-t-il même d'une fête politique?

Pas grand-chose non plus. Si le PD contrôle désormais entièrement la fête, les stands proprement politiques sont rarissimes: quelques sections, le stand du PD-Rome et c'est presque tout. L'immense majorité des stands sont des stands de restauration – parfois gérées par des coopératives –, des stands de livres où peut se trouver des vieux livres politiques communistes qui par leur simple consultation nous renseigne sur la pauvreté théorique de l'état actuel de la gauche italienne, des stands de marchands de tout et de rien, des vêtements au bijoux de pacotille. Dans cette fête où la politique est réduite à sa part congrue, les débats sont rares et tous contrôlés par le PD et ses caciques: chaque soir est rythmé par un débat sur le stand PD sur les questions urbaines contrôlé par un responsable du parti local et un autre plus politique sur la grande scène avec comme plateau récurrent des intellectuels de gauche, une figure du « mouvement social », un leader du PD et un élu municipal démocrate.

Où sont les mots d'ordre de lutte

contre la politique du patronat et du gouvernement?

 

Il n'est pas excessif de dire que l'opposition de fond du PD au gouvernement Berlusconi est plus timide que celle du PS en France au gouvernement Sarkozy. Aucune pancarte, banderole, aucun débat ou presque sur la question de la résistance à cette politique et la question de l'alternative, en particulier après le plan d'austérité (la "manoeuvre") adopté par le gouvernement il y a quelques mois qui va toucher durement fonctionnaires et familles populaires.


festa dell unita 2010(2)La fête était placée sous le signe des 150 ans de l'unité italienne avec comme mot d'ordre: « Una festa per i suoi 150 anni. unita e democratica », ce qui pourrait être un message fort contre les vélléités fédéralistes et autoritaires de la droite revancharde mais qui perd presque beaucoup de sa crédibilité adossée à une « Miss Italia » au sourire éclatant, un bouquet de fleurs à la main.


Multipliant les slogans plus publicitaires que politiques comme les déclarations d'amour à Rome rappelant les affiches de l'Office du Tourisme, le PD se révèle un parti d'opposition plus que conciliant pour le pouvoir. Dans le même temps, dans les débats, les drapeaux et banderoles, dominent des préoccupations qui donnent un vernis de gauche à moindre coût: anti-racisme et mise en avant des « communautés », pacifisme au rabais (limités aux fameux drapeaux « PACE » arc-en-ciel), valorisation des « différences » et de la « diversité », tolérance et valorisation de diverses associations culturelles alternatives.

Il peut être étrange à celui qui ne connaît pas la réalité italienne de constater que ces valeurs empruntées à une certaine gauche radicale puissent cohabiter avec une pratique la plus réformiste qui soit. En réalité, c'est une vieille tradition en Italie, datant des dernières années du PCI et reprise tant par le PDS que par Refondation Communiste: le « minestrone idéologique » censé mélanger toutes les « luttes », toutes les « questions » pour n'en faire ressortir qu'une bouillie informe susceptible d'être dissoluble dans l'idéologie dominante.

Que reste-il de l'Unità,

publication historique des communistes?

Depuis 1991 et peut-être avant,l'Unità n'a cessé de glisser à droite, affirmant ouvertement vouloir devenir d'abord le référent de toute « la gauche » puis au moins celui de la « gauche responsable », s'alignant même un temps sur les idées du « New Labour » de Tony Blair. Hélas pour elle, dans ce créneau, les concurrents sont nombreux et ne trainent pas le « boulet » de l'histoire glorieuse de l'Unitàcommuniste. Tant par sa qualité actuelle que par ce qu'elle véhicule comme représentation dans le sens commun, l'Unitàne peut soutenir la comparaison au centre-gauche avec la Repubblica par exemple et ne survit actuellement que par l'aide que lui apporte le PD qui a besoin de la légitimité historique de ce journal pour capter ce qu'il reste de l'héritage PCI. A coté de l'Unità, d'autres publications ont vu le jour ces dernières années, à la diffusion extrêmement limitée et qui restent des vitrines pour le PD. Leurs noms sont tout un programme: le quotidien du PD Europaet sa revue supposée théorique: Left. A ces publications, le soin de trouver une cohérence théorique dans le minestrone idéologique qui est celui du PD

De minces espaces de liberté tout de même

pour des voix plus combatives...


eutelia protesta fi--400x300Comme dans toute fête de ce genre, un espace de liberté limité est laissé à des voix plus combatives. Au fond de la fête, quelques rares petits stands semblent porter un message plus politique comme le « Réseau pour la défense de la recherche publique » et surtout un stand des travailleurs syndiqués à la FIOM d'Eutelia (informatique) rappelant la lutte de 2 000 salariés licenciés après une sordide opération financière qui les a vu changer deux fois de propriétaire jusqu'à tomber entre les mains d'une société fantôme dont le but était ouvertement de faire couler les entreprises rachetées.

 

L'affaire Eutelia est alors devenue une affaire nationale, les patrons condamnés, mais les travailleurs d'Eulitalia ne veulent qu'une chose: trouver un repreneur, rouvrir l'usine et reprendre le travail.


A une autre scène dans le fond, documentaires et animations culturelles militantes animent une Fête de l'Unità plus conviviale et politique. Ainsi, dans la soirée du 24 juillet était diffusé en première partie le documentaire de Sabina Guzzanti Draquila, sur la récupération politique du drame de l'Aquila par le gouvernement Berlusconi. Si le film a le mérite de mettre à jour pour un public assez large les dessous du tremblement de terre: les liens étroits entre gouvernement, hauts fonctionnaires et patronat; l'utilisation politique anti-démocratique de l'état d'urgence étendu à toute situation, il souffre aussi d'une mise en scène parfois douteuse. Sur la forme, où Guzzanti multiplie les effets spectaculaires donnant peu de force de persuasion supplémentaire au documentaire. Et sur le fond surtout, où en condamnant la personnalisation à outrance autour de Berlusconi, Guzzanti semble ne parvenir qu'à paradoxalement qu'à renforcer cette personnalisation. Sans oublier même quelque raccourci déplacé entre Berlusconi et des « dictateurs » comme Fidel Castro, et la tribune politique qu'elle offre aux élus PD, Italia dei Valori et aux journalistes du PD (Left, L'Unità) avec de bien timides remises en cause de la collusion de la gauche modérée avec les pouvoirs établis.


fabrizioEn seconde partie de soirée, les travailleurs en lutte d'Eutelia ont proposé un spectacle de grande qualité: lecture de poèmes de grands écrivains du XXème siècle: Pier Paolo Pasolini, Cesare Pavese, Salvatore Quasimodo, Alda Merini et surtout interprétation de chansons d'un des plus grands chanteurs à texte italiens: Fabrizio de André, véritable poète Génois inspiré par Brassens entre autres, et dont les textes profondément humains et engagés politiquement ont bercé toute une génération d'Italiens. Allant du thème de l'amour et de la rupture à celui de la lâcheté du « sens commun » des « gens normaux » (à propos de l'assassinat de Pasolini), de la lutte contre toutes les guerres à la mémoire de la résistance anti-fasciste, émaillés de petits a-parte politiques sur la guerre en Afghanistan ou les desseins de réhabilitation du fascisme en Italie dernièrement, le spectacle qui a commencé avec deux heures de retard à cause de la représentation d'Aida aux Thermes a été un grand succès et la centaine de courageux qui sont restés jusqu'à 2h du matin près du Cirque Maxime ne l'ont pas regretté.



TEXTE REPRIS

sur
 BANDERA ROSSA

Tag(s) : #Lutte de Classe
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