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L'Egypte s'oppose
à une intervention internationale en Syrie

Le gouvernement égyptien, sous influence du général Abdel Fattah Al-Sissi, le ministre de la défense, redoute qu'une intervention américaine ne complique ses efforts visant à stabiliser le pays et à consolider son pouvoir

Contrairement aux monarchies du golfe arabo-persique et de plusieurs pays du Printemps arabe, comme la Tunisie et la Libye, qui appellent à punir le régime de Bachar Al-Assad pour avoir utilisé l'arme chimique contre sa population, les nouvelles autorités égyptiennes ont pris position, jeudi 29 août, contre toute attaque occidentale en Syrie.

Le ministre des affaires étrangères égyptien, Nabil Fahmy, a déclaré que son pays"ne participerait à aucune frappe militaire""conformément à son opposition à toute intervention étrangère en Syrie".

Le Caire refuse d'imputer à Damas le bombardement qui a fait des centaines de morts par suffocation, mercredi 21 août, dans la Ghouta, un bastion de la rébellion en lisière de la capitale, aussi longtemps que la mission d'enquête de l'ONU, à pied d'œuvre en Syrie, n'a pas rendu ses conclusions.

FAÇADE DE MODÉRATION ET DE LÉGALISME

Le communiqué mis en ligne sur le site du ministère des affaires étrangères stigmatise l'usage de la violence dans les relations internationales, sauf dans les cas d'auto-défense ou de vote au Conseil de sécurité des Nations unies d'une résolution sous chapitre 7, la clause de la charte onusienne qui autorise le recours à la force.

Ce positionnement marque un virage à 180 degrés avec la ligne suivie parMohamed Morsi, l'ex-président issu des Frères musulmans et renversé par l'armée égyptienne début juillet. Après des efforts de médiation vite avortés, celui-ci avait adopté un ton beaucoup plus offensif, au point de paraître se rallier, quelques semaines avant sa destitution, aux appels au djihad en Syrie, très populaires dans la mouvance extrémiste sunnite. Initialement hostile à l'idée d'une intervention occidentale, M. Morsi avait fini par appeler à la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne, comme le réclame la rébellion anti-Assad.

En en revenant au mantra de la "non ingérence" dans la guerre civile syrienne – une position qui fait fi de l'implication du Hezbollah et de l'Iran au côté des forces gouvernementales –, la nouvelle direction égyptienne se rapproche de la ligne défendue par la Russie. Comme Moscou, fidèle soutien de Damas sur la scène internationale, Le Caire martèle que la solution à la crise syrienne ne peut être que négociée.

Les responsables égyptiens s'accrochent à l'espoir d'un Genève 2 – cette conférence de paix, brièvement évoquée au printemps, qui réunirait les deux camps autour d'une même table –, seul moyen selon eux de "préserver l'unité de la Syrie".

Derrière cette façade de modération et de légalisme se cachent des calculs depolitique intérieure. Le gouvernement égyptien, sous influence du général Abdel Fattah Al-Sissi, le ministre de la défense, redoute qu'une intervention américaine ne complique ses efforts visant à stabiliser le pays et à consolider son pouvoir, après les violences consécutives au coup d'Etat de juillet.

RELANCER LE TOURISME SUR LES BORDS DU NIL

Bien qu'encore lointaine, la perspective d'un effondrement du régime Assad et d'une victoire de l'opposition, où les islamistes jouent un rôle de premier plan, ne peut qu'embarrasser un régime qui, depuis deux mois, réprime les Frères musulmans sans ménagement. D'autant que la propagande anti-barbus qui sévit sur les écrans de télévision égyptiens, entretient une forme de suspicion à l'égard des milliers d'opposants syriens installés au Caire, ainsi que des Palestiniens qui y séjournent, immédiatement assimilés au Hamas, le mouvement islamiste aupouvoir à Gaza.

Dans cette ambiance délétère, les dirigeants égyptiens n'ont rien à gagner àsoutenir une opération militaire, qui est susceptible d'accroître l'afflux de réfugiés à leurs frontières. Ils redoutent par ailleurs qu'une vague de bombardements américains sur la Syrie ne plonge la région dans le chaos, réduisant à néant leurs chances, déjà maigres, de relancer le tourisme sur les bords du Nil.

POSTURE NATIONALISTE ARABE

L'opposition du Caire aux plans d'attaque américains est aussi le produit de la posture nationaliste arabe qu'affecte le nouveau pouvoir. Une idéologie anti-impérialiste et panarabiste, qui a connu son apogée entre 1958 et 1961, sous Gamal Abdel Nasser, période durant laquelle l'Egypte et la Syrie s'unirent sous l'appellation de République arabe unie. Dans un communiqué sur son site Internet, le mouvement de jeunes Tamarrod, instigateur des méga-manifestations à l'origine du renversement de M. Morsi, affirme ainsi, dans le plus pur stylenassérien, que les "Etats-Unis sont un Etat impérialiste, qui a détruit l'Irak et cherche à détruire la Syrie et à intervenir dans les affaires égyptiennes".

Dans l'hypothèse d'une attaque occidentale, notamment dans le cas de dégâts collatéraux importants, cette attitude qui flatte l'anti-américanisme naturel de la rue arabe, pourrait consolider l'assise de la coalition militaro-libérale au pouvoir au Caire.

Mais elle pourrait aussi lui valoir quelques soucis, en ce qu'elle la place en porte-à-faux avec ses principaux alliés dans la région, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Paradoxe symptomatique du grand chambardement arabe, les deux pétro-monarchies sont à la fois les premiers bailleurs de fonds du Caire et les plus chauds partisans d'une offensive contre Damas.

Benjamin Barthe

Tag(s) : #Contre l'impérialisme
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