QUAND UN VIEL ACTEUR
REMONTE SUR LES PLANCHES
SARKOZY SUR FRANCE2
Par Jean LEVY
Chacun se souvient – du moins les plus anciens – du sketch de Pierre Dac en duo avec Francis Blanche, où le premier, fakir en représentation, répond à chacune des questions impossible du second « Je peux le faire ! », affirmation répétée admirativement par son duettiste, sans que jamais Pierre Dac ne donne la moindre contenu à son assurance assumée…
Dimanche soir, Nicolas Sarkozy s’est livré en permanence à la même stratégie. A toutes les questions politiques ou économiques concrètes posées par Laurent Delahousse, le journaliste de France 2, l’ancien président procède à l’esquive « Je vais vous répondre… » sans jamais donner suite à son affirmation péremptoire.
C’est donc à son seul autoportrait satisfait que s’est livré Nicolas Sarkozy pendant quarante minutes à la télévision, tout en jouant les modestes :
« Je ne me considère pas comme pas comme un ‘l’homme présidentiel’… » Cependant, en se portant candidat pour initier un nouveau rassemblement, il répond dit-il, à « l’envie » qu’il avait de jouer ce rôle : « Je n’avais pas le choix… ! »
Et de singer le général de Gaulle, posant ironiquement la question lors d’une conférence de presse en mai 1958 « Croyez-vous qu’à soixante-sept ans, je commence une carrière de dictateur ? », Nicolas Sarkozy, lui, répondant à une question sur les multiples affaires judiciaires où son nom est mêlé, rétorque « Croyez-vous que si je me sentais coupable d’un moindre délit, je me mettrais au premier rang de la vie publique ? ».
Une seule fois, pris dans son élan polémique, il se déjuge lui-même. Stigmatisant l’action de du gouvernement PS, Sarkozy lance : « La fonction de ministre de la République ne s’invente pas ! » alors que vendredi dans son message sur facebook, il écrivait, invoquant la situation, celle-ci: « nous oblige à nous réinventer profondément »…
C’est donc que dans son passé ministériel, il s’était lui-même "inventé"…
Alors, pourquoi cette mise en scène, ce cirque médiatique ?
Ce qui est certain, c’est que le retour au premier rang de la vie publique
de Nicolas Sarkozy n’est pas le seul fait de son ambition personnelle.
Le rappel d’urgence d’un acteur déjà usé sur les planches comme vedette d’un nouveau spectacle, répond aux craintes de ceux qui manent les ficelles de la politique, les oligarques du capital, inquiets d’une situation qui leur échappe. Le rejet généralisé de la ‘classe politique’ par la population, le vide qui en résulte, peuvent conduire le pays à des réactions violentes, incontrôlées, conduisant la France à un chaos préjudiciable « aux affaires », en France, avec ses répercussions lourdement négatives, sur leur terrain de jeu, l’Union Européenne.
A ce jour, le Front national semble en mesure d’emporter la mise. La nature extrêmement droitière de cette option ne trouble pas le capital, on s’en doute, mais le choix fait par Marine Le Pen de surfer sur le rejet de « l’Europe » par des millions de Français, sur l’exaspération de ceux-ci, face à la mise en coupe réglée sociale dont ils sont l’objet, inquiète l’oligarchie, du fait de l’espérance sociale que ces positions, fussent-elles démagogiques, qui en résulte.
Aussi, la finance en est réduite à remettre en selle Nicolas Sarkozy, un cheval de retour, qui a fait ses preuves, mais aujourd’hui, largement démonétisé.
A lui de contrer le FN sur son terrain, le désespoir populaire, pour tenter une nouvelle expérience au service des puissants, le loup se déguisant en berger.
C’est dire l’angoisse des tenants du capital.
Mais face à celui-ci, aucune force populaire et nationale n’est crédible
Va-t-on laisser notre peuple otage pris entre deux feux ?
Qui va initier, comme recours national, « une politique patriotique de gauche », comme le PCP s’en fait le champion au Portugal ?
Telle est la lancinante question dont dépend la survie démocratique de la France.