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Le Blog d'Olivier Berruyer 

 

 

1.2 L’Histoire des frontières

Dans l’Antiquité, la steppe de l’Ukraine n’est qu’une terre de passage.

L’Ukraine est en fait le berceau de la civilisation slave car au VIe siècle, des tribus slaves arrivent du Nord et s’installent le long des rives des principaux fleuves.

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Voici le premier État slave de l’histoire : « la Rous’ de Kiev » (ou Rus’), qui a existé du IXe au XIIIe siècle et était alors le plus vaste et le plus puissant des États d’Europe, stratégiquement placé à un important carrefour commercial.

Les princes de Kiev vont jusqu’à assiéger Constantinople en 911 et à obtenir un traité de commerce avec l’empire byzantin.

Cet État prospéra pendant trois siècles, avant de se dissoudre sous le double effet de luttes intestines de successions et de l’essor de l’empire mongol. La Russie se voit comme une descendante de la Rous’. Pour elle, la Rous’ perdure et la Russie doit en rassembler les héritiers. C’est la raison pour laquelle ils appellent l’Ukraine, Malo Russia, « petite Russie ».

C’est un point très important pour les Russes :

« Permettez-moi de dire très franchement que ce qui se passe actuellement en Ukraine nous touche profondément, et qu’il est douloureux pour nous de voir la souffrance de la population et son incertitude sur la façon de s’en sortir aujourd’hui et sur ce qui l’attend demain. Nos préoccupations sont compréhensibles parce que nous ne sommes pas simplement de proches voisins, mais, comme je l’ai dit plusieurs fois déjà, nous sommes un même peuple, une même nation. Kiev est la mère des villes russes. La Rus’ de Kiev ancienne est notre source commune et nous ne pouvons pas vivre l’un sans l’autre. » [Vladimir Poutine, 18 mars 2014] À lire en intégralité ici sur ce blog

Depuis près de mille ans, cette partie de l’Europe a été au cœur des luttes d’influence et de constitution des grands ensembles européens.

Après la disparition de la Rous’, l’Ukraine est est écartelée entre les puissances de l’époque et devient le jouet de leurs luttes.

Le mongol Batu Khan, petit-fils de Gengis Khan, détruit alors Kiev en 1240 ; il devient alors le premier khan du nouveau royaume de la Horde d’Or. Cetet date est l’acte de séparation du peuple de la Rus’ de Kiev en deux peuples distincts : les Russes qui ont fui vers le Nord et l’Est et qui vont organiser la reconquête sur les Mongols à partir du 14ème siècle, et les Ukrainiens restés sur place et qui seront soumis à la Lituanie et la Pologne. C’est pourquoi la Russie a montré une tendance, depuis, à « réunifier » le peuple russe, tandis que les Ukrainiens ont eu l’impression d’entrer dans la sphère occidentale avec la conversion des nobles lituaniens au catholicisme.

Invasion Mongole
Invasion Mongole

 

Prise de Kiev en 1240 - Miniature Russe
Prise de Kiev en 1240 – Miniature Russe
La Horde d'Or vers 1300
La Horde d’Or vers 1300

La pression mongole fait naître une multitude de principautés qui peinent à demeurer indépendantes. La Galicie est ainsi autonome au XIIe siècle. Elle s’unit ensuite à la Volhynie et le prince de Galicie-Volhynie reconnait l’autorité de Rome en 1253. La première tradition catholique sur une terre ukrainienne nait alors dans sa frange occidentale. La dynastie s’éteint et l’invasion lithuanienne fait disparaitre cette principauté en 1340.

Les Lithuaniens repoussent les Mongols au-delà du Dniepr et occupent Kiev en 1362, constitutant le Grand duché de Lituanie, en occupant la majeure partie de l’Ukraine.

Puis en 1385, la Pologne s’empare de la Volhynie et de la Galicie. La Lituanie se trouve alors (déjà…) au centre de la lutte entre le monde russe-orthodoxe et le monde polonais-catholique.

En 1569, l’Union de Lublin consacre l’union du royaume de Pologne et du Grand-duché de Lituanie (dite « République des Deux Nations »). L’Ukrainien est désormais en situation d’infériorité dans une société très stratifiée :

  • l’aristocratie polonaise domine et assimile peu à peu une partie de la noblesse ukrainienne ;
  • la bourgeoisie demeure un mélange de peuples essentiellement non ukrainiens (Juifs, Allemands) ;
  • la paysannerie, seule, demeure ukrainienne mais ne dispose d’aucun droit ni politique, ni civil ; elle est totalement dépendante des seigneurs – situation qui laissera des rancunes tenaces.

Au niveau religieux, le catholicisme gagne les élites aristocratiques ukrainiennes polonisées tandis que les paysans demeurent fidèles à l’orthodoxie. En 1596, le concile de Brest-Litovsk reconnait l’autorité du Pape : c’est la naissance de l’Église ukrainienne gréco-catholique, dite uniate, qui marque le début de tensions religieuses fortes (soulignons que ce catholicisme ukrainien est de rite grec qui est « intermédiaire » entre le catholicisme polonais et l’orthodoxie russe). Chaque parti cherche des appuis extérieurs : les catholiques vers la Pologne et les orthodoxes vers la Moscovie.

Ces derniers trouvent un relais chez les Cosaques zaporogues qui naissent dans les steppes du bas Dniepr ; ceux-ci s’organisent avec un gouvernement autonome et qui élit un chef, l’hetman. La Pologne leur reconnait une certaine autonomie en 1572.

C’est alors que l’hetman cosaque, Bogdan Khmelnitsky, pour s’opposer à la domination polonaise, recherche la protection de la Moscovie et signe alors le traité de Pereislav en 1654. Le Tsar reconnaît les droits des hetmans et les libertés cosaques. En fait, les Russes y trouvent l’occasion de réunifier la Rous’ sous leur domination et de vassaliser l’Ukraine, cette Petite-Russie. Après la mort de Khmelnitsky, ils s’entendent rapidement avec les Polonais lors de la paix d’Androusovo en 1667, pour se partager l’Ukraine de part et d’autre du Dniepr et dissoudre toute velléité d’autonomie. La plus grande partie, vingt-deux millions d’habitants, est soumise à l’autocratie russe. Cet État centralisé et patrimonial met sous dépendance la Petite-Russie, partie intégrante de l’Empire.

Un protectorat, l’hetmanchthina, laisse subsister une certaine autorité aux hetmans mais leurs prérogatives sont progressivement rognées ; le bref État cosaque, très réduit, a pris le nom d’Ukraine – signifiant « Notre pays » en ukrainien. L’Eglise orthodoxe ukrainienne est soumise à l’autorité du patriarcat de Moscou. En 1720, toute publication en ukrainien est interdite. L’intégration complète de l’Ukraine à la Russie est réalisée par le Tsar Pierre le Grand. En 1722, elle n’est qu’une simple province russe et les hetmans disparaissent.

En parallèle, la Russie affirme son emprise sur la paysannerie ukrainienne. Il est interdit aux paysans de quitter la terre et donc de fuir vers les terres libres des steppes. Les terres riches sont distribuées et constituent de grands domaines où les paysans sont soumis à la corvée. Catherine II poursuit cette politique de dépendance ; son oukase du 3 mai 1783 introduit le servage en Ukraine. La liberté séculaire du paysan ukrainien disparaît et toute mobilité sociale est de facto interdite.

La Russie ne peut cependant pas laisser libre les steppes du sud de l’Ukraine. Les Tsars cherchent donc à reconquérir ces territoires et à obtenir ainsi un débouché sur la Mer Noire. La Russie affronte alors l’empire ottoman et en 1771, les Russes conquièrent la Crimée. La paix de Kouchouk-Kainardj avec la Turquie en 1774 donne l’indépendance à la Crimée, mais dans l’orbite russe, et avalsie l’occupation russe.

À suivre dans le billet suivant sur l’Ukraine

 

 

 


Tag(s) : #Europe
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