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66 jours
avant le premier
numéro de Ruptures

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Un coup de gueule des journalistes bruxellois contre le tout-anglais

Un coup de gueule en faveur du français, voilà qui n’est jamais malvenu. Quand il vient de la section française de l’Association des journalistes européens (AJE), il mérite particulièrement attention.

A l’occasion de la journée de la francophonie, nos confrères en poste à Bruxelles pour suivre les institutions de l’UE viennent d’adresser une lettre (évoquée par le site spécialisé B2) au président de la Commission européenne, à celui du Conseil européen, ainsi qu’au Haut représentant pour la politique extérieure. Ils alertent sur l’abandon constaté de l’utilisation du français par les différents organes communautaires.

Théoriquement, l’UE compte vingt-quatre langues officielles, trois d’entre elles – le français, l’allemand et l’anglais – ayant même le statut de langue de travail. Dans les faits, il en va tout à fait différemment. L’anglais acquiert de plus en plus un quasi-monopole de fait, en particulier pour les communications officielles ou à la presse. Le courrier note ainsi que certains sites – par exemple celui de la direction du « marché intérieur », celui de la direction des « migrations et affaires intérieures » – sont disponibles exclusivement dans la langue de Shakespeare. Enfin, c’est beaucoup dire, tant le jargon bruxellois constitue un improbable et lointain bâtard de celle-ci.

La lettre de l’AJE pointe plusieurs conséquences de cet enfermement linguistique. La première d’entre elles concerne, précisément, « la mise en place et la conservation d’un ‘jargon’ qui n’a qu’un lointain rapport même avec la langue anglaise ». Elle souligne par ailleurs que cette tendance encourage « une concentration des médias et des journalistes anglophones au détriment d’une diversité médiatique européenne ». Et les signataires s’émeuvent du « différentiel de compétitivité entre les médias anglo-saxons et les autres ». Le tout partant du « postulat (selon lequel)l’ensemble des citoyens européens maitrise totalement cette langue, ce qui est faux ».

Il faut cependant garder à l’esprit que ces critiques, légitimes, proviennent de journalistes qui, pour l’essentiel, sont d’ardents défenseurs de « l’idée européenne ». Du coup, la conclusion est savoureuse : ces derniers mettent en garde contre l’usage généralisé de l’anglais qui « est doublement pénalisant pour les idées européennes : celles-ci paraissent l’apanage d’une minorité technocratique et élitiste ; le discours anti-européen professé dans la langue nationale paraît supérieur au discours pro-européen ».

« Paraissent l’apanage », « paraît supérieur »… Voilà bien de dangereuses apparences… Et si celles-ci reflétaient tout simplement la réalité ? Car si on peut se féliciter de leur protestation, nos confrères évitent de s’interroger sur les causes de cette emprise linguistique. Il faudrait pour cela établir un lien entre les idées et la langue : peut-être n’est-ce pas un hasard si l’UE s’exprime dans la langue de la mondialisation, puisqu’elle ne cesse d’en vanter les charmes.

Good luck, dear colleagues ! (*)

(*) Bonne chance, chers collègues…

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