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Des manifestants anti-gouvernement brûlent des pneus en signe de protestation à Bamako, le 10 juillet.

Ce week-end, des manifestations à l’appel du Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) ont eu lieu à Bamako, la capitale malienne, pour demander la démission du président  Ibrahim Boubacar Keita (IBK). C’était la troisième manifestation organisée par ce mouvement, après celles des 5 et 19 juin.

Au moins 11 personnes dont un mineur de 15 ans, sont mortes au cours des manifestations et au moins 80 manifestants ont été blessés lors de la répression par les forces de sécurité. Les forces de l’ordre ont usé d’une force excessive et létale contre les manifestants, en tirant à balles réelles. La FORSAT (Force Spéciale Antiterroriste) s’est semble-t-il particulièrement illustrée dans cette répression ; rappelons que cette force est formée par l’EUCAP Sahel organisation financée par l’UE et à laquelle la France contribue activement en particulier par l’envoi de gendarmes. La FORSAT est donc détournée de sa mission de lutte anti-terroriste pour servir de force de répression d’un régime corrompu et aux abois.

Plusieurs leaders du M5-RFP dont Kaou Issa Ndjim, coordonnateur de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Dicko, Me Mountaga Tall, Choguel Kokalla Maiga, l’imam Oumarou Diarra, président de la commission mobilisation et organisation du M5-RFP et Adama Ben Diarra, un des porte-voix de la contestation ont été interpellés entre le 10 et le 11 juillet.

La décision de perturber l’accès à Internet et aux réseaux sociaux comme Facebook, WhatsApp, Twitter ou Messenger pendant les jours de manifestations constitue une violation du droit à la liberté d’expression. Quelle est en particulier la responsabilité du fournisseur d’accès dans ces coupures et perturbations ?

La vigilance doit toutefois rester de mise vis-à-vis de l’imam wahhabite, Mahmoud Dicko, qui a certes  su fédérer un ensemble d’oppositions,  constituer le M5-RFP et organiser de grandes  manifestations de masse à Bamako mais qui n’en est pas moins un personnage controversé et potentiellement dangereux.

Le Parti de Gauche réaffirme son soutien à la lutte du peuple malien et demande un changement radical de la politique française vis-à-vis du régime en place.

Le Parti de Gauche réaffirme son soutien au parti SADI dont nous publions ci-après le communiqué, dans son combat pour un Mali uni, démocratique et laïque.

Pierre Boutry

MALI : Onze morts et plus de cent blessés au Mali dans des manifestations contre le pouvoir. Ssoutien au peuple en lutte
Onze morts et plus de cent blessés au Mali dans des manifestations contre le pouvoir

La bataille se durcit entre le président, Ibrahim Boubacar Keïta, et l’opposition menée par l’imam Mahmoud Dicko.

Il a des gestes maladroits d’enfant agitant son soda pour en vider les dernières gouttes. Agenouillé dans la poussière, l’adolescent remplit la bouteille d’essence et de sable. Sous le regard de grands frères attentifs, il prépare un cocktail Molotov. Un peu plus loin, un camarade compose le même mélange dans un bocal de mayonnaise. Autour de lui, des adultes en qamis arrachent des pavés à la pioche, scient des branches d’arbre, dégondent des panneaux de circulation qu’ils amassent en barricades.

Il est 18 heures dans le quartier de Badalabougou à Bamako ce samedi 11 juillet. Des volutes de fumée noire masquent le soleil couchant. Les remparts de bric et de broc qui ont été dressés par les manifestants doivent protéger la mosquée de l’imam Mahmoud Dicko, principal chef de file du mouvement politico-religieux qui conteste, depuis le 5 juin, le pouvoir du président, Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK ». Les rumeurs d’un assaut de la police pour arrêter le prédicateur dans sa résidence ont mis ses disciples en ébullition. L’ambiance est insurrectionnelle. Les journalistes sont violemment repoussés, accusés d’être des espions.

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Une heure auparavant, des coups de feu ont retenti dans cet arrondissement central et résidentiel de la capitale malienne. Quatre manifestants qui jetaient des pierres sur la maison de Manassa Danioko, la présidente de la Cour constitutionnelle, ont été tués par les balles de la police. Deux étaient mineurs. Une vidéo montre un jeune homme au sol, le visage ensanglanté. Un manifestant tente de lui refermer les yeux mais doit détaler face à la charge des forces de sécurité.

La colère déborde

Durant ce week-end marqué par un durcissement de la confrontation entre le gouvernement et l’opposition, onze manifestants sont morts, et 124 blessés. Dimanche, les Nations unies, l’Union africaine et l’Union européenne, dans un communiqué commun, ont condamné « l’usage de la force létale dans le cadre du maintien de l’ordre ». Une mission de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est attendue pour servir d’intermédiaire dans les négociations, afin de dégager une issue à cette crise qui pourrait passer par des législatives partielles dans les circonscriptions contestées.

En attendant, la colère déborde. Aux violences du Nord, où les djihadistes, chaque mois, ôtent la vie à des dizaines de civils et de soldats maliens, à celles du centre, où la raréfaction des ressources alimente des conflits intercommunautaires, s’est ajoutée l’exaspération face à une corruption persistante et à l’inertie d’une économie freinée par l’état d’urgence sanitaire lié au Covid-19.

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Finalement, ce sont les élections d’avril qui ont fait exploser la poudrière. La Cour constitutionnelle est soupçonnée d’avoir favorisé le parti présidentiel, le Rassemblement pour le Mali (RPM), en lui accordant plus de sièges de députés que ce que laissaient présager les premiers résultats, notamment dans la capitale. La colère s’est muée en manifestation de masse, agrégeant les frustrations. Depuis, une improbable coalition s’est constituée, le M5-RFP (Rassemblement des forces patriotiques) mêlant anciens ministres, militants anticorruption et sympathisants de l’imam rigoriste Mahmoud Dicko.

Réseaux et messageries au ralenti

C’est vendredi 10 juillet, après le troisième grand rassemblement de cette opposition éclectique sur la place de l’indépendance, que la situation a basculé. Les organisateurs ont décidé de déborder l’autorisation de manifester. Ordre est donné d’occuper les principaux ronds-points et ponts qui relient les deux rives de la capitale. Un acte de « désobéissance civile pacifique », justifie le mouvement dans une déclaration.

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Chauffée par les discours d’Issa Kaou Djim, bras droit politique de l’imam Dicko, une foule s’est massée devant l’Assemblée nationale. Le bâtiment est caillassé. Les protestataires incendient des pneus et des planches. L’Office de radio et télévision du Mali est pris pour cible, accusé d’être la voix d’un Etat oppresseur. Sur les ponts, des gamins montent des barrages. L’opportunisme du moment conduit certains à réclamer quelques dizaines de milliers de francs CFA (dizaines d’euros) comme « droit de passage ».

Ce jour-là, la police, débordée, mal équipée en matériel antiémeute, fait usage de munitions létales. Trois jeunes sont tués, entraînant une radicalisation du mouvement qu’amplifie encore l’arrestation de quatre leaders politiques : Issa Kaou Djim et Clément Dembélé sont interpellés vendredi, les anciens ministres Choguel Kokala Maïga et Mountaga Tall le lendemain, au siège du M5. Les locaux sont saccagés, les téléphones des militants saisis.

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Alors que Bamako étouffe dans les vapeurs de lacrymogène et de pneus brûlés, les réseaux sociaux et la messagerie WhatsApp tournent au ralenti. Un test sur place conduit par l’ONG NetBlocks a permis de déterminer que les opérateurs de téléphonie, notamment Orange, ont volontairement freiné le trafic sur plusieurs plates-formes numériques. Munis de VPN, de nombreux Maliens ont toutefois réussi à contourner ces blocages, comme en témoignent les vidéos postées tout le week-end sur les réseaux sociaux.

« Un progrès pas encore suffisant »

Samedi, peu avant minuit, il ne restait que des ombres à Badalabougou, lorsque le président s’est adressé – pour la quatrième fois en un mois – à une nation en deuil. Barbe blanche, traits tirés par des semaines de conflits sociaux, Ibrahim Boubacar Keïta a affirmé « s’incliner devant les victimes », se posant en père de famille protecteur mais fustigeant « des actes de vandalisme à nul autre pareil ! Le pillage des biens d’honnêtes citoyens ! »

Il a promis une « dissolution de fait » de la Cour constitutionnelle, abrogeant les décrets de nomination des juges, pour « trouver les solutions aux contentieux issus des élections législatives ». Une mesure que les opposants du M5 ont vu comme « un progrès mais pas encore suffisant » : les opposants réclament la dissolution de l’Assemblée nationale et la formation d’un gouvernement de transition dont ils choisiraient le premier ministre.

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Les protestataires prévoient de maintenir « les dix commandements de la désobéissance civile » qui passent notamment par des blocages pacifiques des rues, des ponts, des bâtiments d’Etat, prévus tout au long de la semaine. Dimanche soir, l’imam Dicko a, lui, appelé les Maliens au « calme et à la retenue », en précisant que « la lutte continue ». Aux abords de sa mosquée, les douilles de la veille brillaient encore dans la terre détrempée.

 

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