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Le patron de la multinationale française LVMH, Bernard Arnault, et ses collaborateurs ont vu leur fortune plus que quintupler entre 2009 et la mi-2020, pour atteindre 378 milliards d’euros, sous l’effet de l’appétence asiatique pour les produits de luxe de marque française et d’un boom immobilier mondial alimenté par la faiblesse des taux d’intérêt. REUTERS

Covid-19 : Quand les milliardaires français profitent des opportunités de la pandémie

De tous les milliardaires du monde, à l’exception de ceux de Chine, ce sont les Français qui viennent de vivre leur décennie la plus lucrative, selon une nouvelle étude UBS/PwC.

Le patron de LVMH Moet Hennessy Louis Vuitton, Bernard Arnault, et ses collaborateurs ont vu leur fortune plus que quintupler entre 2009 et la mi-2020, pour atteindre 378 milliards d’euros, sous l’effet de la soif asiatique de produits de luxe de marque française et d’un boom immobilier mondial alimenté par des taux d’intérêt très bas. La France est le pays de ce que l’écrivain Pascal Bruckner appelle le « bolchevisme-mou », où on déteste la richesse en public mais où on l’amasse en privé.

Alors que la pandémie COVID-19 semble marquer le début d’une décennie nettement moins brillante, il est probable que les riches saisiront les opportunités de cette crise.

De nouveaux clivages darwiniens dans le monde des entreprises révèlent une sorte d’inégalité dorée au sommet de la société. Les entreprises technologiques en plein essor sont peu affectées par la distanciation sociale, contrairement aux entreprises de la vieille école. Depuis le début de l’année, la fortune d’Arnault a chuté de 16 milliards d’euros en raison de la chute du tourisme et du shopping, bien qu’il reste le cinquième homme le plus riche du monde, selon les données de Bloomberg. Françoise Bettencourt Meyers, de L’Oréal, doit maintenant faire face à une rude concurrence pour son titre de femme la plus riche du monde, de la part de Mackenzie Scott, l’ex-femme de Jeff Bezos.

En France, la crise du coronavirus a poussé les ultra-riches à prendre conscience de la nécessité de participer davantage, même dans un pays où la philanthropie à l’américaine est généralement considérée comme l’affaire de l’Etat. Hermès International a fait un don de 20 millions d’euros à l’Assistance publique – hôpitaux de Paris en mai ; LVMH a donné des respirateurs et fabriqué des masques. On ne peut pas ignorer aussi facilement le poids de l’opinion publique, comme l’a montré le tollé provoqué par les dons des milliardaires pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame l’année dernière.

Dans ce monde de concurrence acharnée, chaque petite victoire d’entreprise compte. L’épisode le plus visible de l’opportunisme à propos du coronavirus a été la tentative de LVMH de prendre le contrôle du joaillier américain Tiffany & Co. pour 13 milliards d’euros après la chute du cours de son action. Même si Arnault échoue, il aura gagné du temps [L’aquisition est suspendue par le ministère des Affaires Etrangères francais, sur fond de négociation de la hausse des droits de douanes américains sur les produits de luxe prévue le 6 janvier 2021, NdT]. Ailleurs, la chute de la valeur d’Altice Europe, le vaisseau-amiral du magnat des télécoms Patrick Drahi, a conduit le milliardaire franco-israélien à racheter aux petits actionaires leurs actions au prix opportunément bas de 2,5 milliards d’euros, provoquant leurs hurlements. [Devenant seul propriétaire d’Altice Europe, via Next Private BV qu’il contrôle, il sort ainsi de la cotation boursière, NdT]

Le climat actuel offre même aux magnats l’occasion idéale d’acquérir plus de pouvoir et d’influence, comme Lagardère SCA, le conglomérat industriel autrefois puissant qui a connu des situations diverses sur la scène médiatique et commerciale sous la houlette de l’héritier familial Arnaud Lagardère.

Sous la pression de l’activiste Amber Capital, les milliardaires français ont fait la queue pour prendre position : Vincent Bolloré de Vivendi SA, Marc Ladreit de Lacharrière et Arnault de LVMH ont tous acheté des actions récemment, doublant ainsi presque le prix de l’action Lagardère. Alors qu’au début, cela ressemblait à une opération défensive pour aider Arnaud Lagardère, il est maintenant de plus en plus clair qu’Arnault et Bolloré sont en concurrence pour en prendre le contrôle. Que cherchent-ils au juste ? La société possède l’ancêtre des magazines sur papier glacé, Paris Match, l’éditeur Hachette, des stations de radio et des journaux politiquement influents.

Les milliardaires ont toujours été attirés par les médias, et ils ont déjà beaucoup d’influence auprès du président Emmanuel Macron. Mais à l’approche de l’élection présidentielle française de 2022, la pandémie leur offre une opportunité de profit unique.

Tout cela peut sembler assez étrange par rapport aux ambitions spatiales de Jeff Bezos et d’Elon Musk. La jet-set française, de plus en plus du genre Jurassic, [Allusion au jeu vidéo, NdT] préfère les stations de radio aux fusées. Mais c’est en partie parce que le monde rapetisse pour les élites parisiennes en herbe. Si les choses ne marchaient pas chez eux, ils auraient peut-être rêvé un jour de faire du commerce d’accessoires dans la City de Londres ou de lancer une start-up dans la Silicon Valley. Mais les voyages transfrontières ne semblent plus aussi sûrs. L’avenir de la richesse française se trouve en France, et non sur Mars.

Ce n’est pas seulement un phénomène français : de toutes les stratégies commerciales et d’investissement des milliardaires du monde, la moins populaire est la délocalisation vers un autre pays, selon l’étude d’UBS/PwC. Pourtant, dans une crise comme celle-ci, il n’y a pas d’endroit comparable à Paris.

Lionel Laurent est un chroniqueur de Bloomberg Opinion qui couvre l’Union européenne et la France. Il a travaillé auparavant chez Reuters et Forbes.

Source : The Japan Times, Lionel Laurent, 11-10-2020

Tag(s) : #Oligarchie
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