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Image d’archive (discours CGT) extraite du Souffle de Martha. « Lorsque je parle d’elle, j’aborde toute l’histoire de la classe ouvrière, de son émancipation, de ce qu’elle a mis en œuvre et apporté à la société et notamment aux femmes au XXe siècle », François Perlier.

Martha Desrumaux, une ouvrière dès 9ans, une militante de la CGT une résistante, une communiste

Elle s’est syndiquée dès l’âge de 13 ans, ce n’est pas si courant…

Ce n’est pas la seule femme à s’être engagée autant mais, comme le souligne l’historienne Michelle Perrot, elle avait quelque chose d’exceptionnel. Ce n’est pas banal de développer si jeune une conscience politique et d’acquérir des responsabilités dans les combats et les grèves. Martha Desrumaux avait un fort caractère, une grande gueule, était très courageuse et a donc été repérée par les syndicats et le Parti communiste. Son père avait une sensibilité anarcho-syndicaliste, son frère était engagé également. Elle est née dans le syndicalisme du début de siècle, a baigné dans ce milieu socialiste. Son engagement est donc le fruit de la rencontre entre un caractère très fort et une époque singulière.

Elle a continué de lutter, y compris après sa déportation dans le camp de Ravensbrück, en 1942…

Je pense que la Résistance était alors un geste de survie. Dans les camps, elle a retrouvé des camarades communistes, déportées bien avant et qui avaient pensé l’organisation. Assez vite, elles sont entrées en contact car elles ont compris que c’était une militante communiste. Entre femmes qui vivaient déjà depuis des années dans la clandestinité, la répression et la lutte, elles avaient les méthodes, le courage et l’organisation. C’est aussi la solidarité qui a permis à beaucoup de femmes, dont Martha Desrumaux, de s’en sortir.

“Le Panthéon ne compte que cinq femmes. Il ne s’y trouve aucune ouvrière.”

Au retour des camps, elle a été désignée pour intégrer l’Assemblée consultative au côté de quinze autres femmes. Pourquoi a-t-elle été choisie ?

Il fallait représenter la Résistance communiste en Europe contre les nazis. Martha Desrumaux était une femme résistante, communiste, rescapée de Ravensbrück et avec une telle aura… Elle était « célèbre » pour avoir été la première femme interrogée au retour du camp en gare de Lyon. En termes de profil et de notoriété, elle correspondait.

En réalité, c’était une désignation plutôt symbolique puisqu’elle n’a pas vraiment siégé, notamment parce qu’elle avait le typhus. Je pense qu’elle devait être assez fière d’être une ouvrière communiste désignée députée. Le symbole est important. Il n’existe pas les mêmes potentialités d’ascension sociale aujourd’hui.

Le fait que Martha Desrumaux soit moins célébrée que d’autres figures masculines emblématiques de la lutte ouvrière a-t-il eu un impact sur la quantité et la qualité des archives que vous avez pu trouver ?

Forcément ! Les seules images qui nous restent des années 1920-1930 sont celles des grosses archives comme celles de Pathé-Gaumont. Ces groupes ne filmaient le plus souvent que des personnages publics illustres ; pour ainsi dire seulement des hommes. Martha Desrumaux est la première femme élue au comité central du Parti communiste français. Ce n’était visiblement pas suffisant pour figurer parmi ces archives.

Cela en dit long sur les inégalités de représentation dans l’histoire. Les archives concernant les mines comportent infiniment plus d’images d’hommes, de même dans l’industrie textile, alors que la main-d’œuvre était majoritairement féminine. Les archives historiques sont représentatives de l’ordre de la société.

Pierre Outteryck, historien et biographe de Martha Desrumaux, qui a milité pour son entrée au Panthéon dès 2018, revendique un « droit de mémoire » et non un devoir de mémoire. Que comprenez-vous par là ?
 

Quand Pierre Outteryck parle de « droit de mémoire », il évoque un manque de reconnaissance de la classe ouvrière, qui n’est pas du tout estimée ni reconnue dans l’Histoire. C’est également ce qui m’a motivé à réaliser ce documentaire. Lorsque je parle de Martha Desrumaux, j’aborde derrière elle toute l’histoire de la classe ouvrière, de son émancipation, de ce qu’elle a mis en œuvre et apporté à la société et notamment aux femmes au XXe siècle. Le Panthéon ne compte que cinq femmes, dont trois admises très récemment. Surtout, il ne s’y trouve aucune ouvrière. Maintenant que nous avons du recul et une conscience du rôle de la classe ouvrière dans la construction du modèle social français au XXe siècle, cela semblerait symboliquement judicieux.

 

Tag(s) : #Histoire
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