15 jours après la grève historique qui a touché l’intégralité des sites d’Amazon Logistique en France, la direction tente de jouer la carte de la division. Pourtant, la colère est toujours profonde, et les quelques « concessions » de la direction sont loin des revendications initiales des grévistes. C’est pourquoi un nouvel appel à la grève pour ce lundi 2 mai a été lancée par l’intersyndicale.
Début avril, les ouvriers de l’ensemble des 8 sites d’Amazon Logistique de l’hexagone entamaient une grève inédite sur la question des salaires. L’objectif ? Obtenir à minima 5 % d’augmentation générale, ce qui dans un contexte de forte inflation et de croissance à 0 % est un combat pour ne pas perdre du salaire dans un secteur où la norme est au bas salaire et au recours massif aux contrats précaires.
De part son ampleur et sa simultanéité, le mouvement de grève a surpris jusqu’à la direction d’Amazon. « Il y a eu un basculement. Des collègues qui ont 10 ans de boite ont fait grève pour la première fois. Ça a été le mépris de trop » nous explique ainsi Robin, militant CGT sur le site de Montélimar. En soi, la grève de début avril chez Amazon témoigne d’un premier « réveil ouvrier » dans un secteur, la logistique, où les traditions de lutte sont encore à construire. Toutefois, ce mouvement s’inscrit aussi dans d’autres mouvements de la logistique à l’international. On peut penser aux grèves victorieuses du nord de l’Italie en 2011-2013 ou, plus récemment, à la victoire historique que représente la création du premier syndicat Amazon aux États-Unis. Un événement majeur qui témoigne d’un « changement de conscience dans la jeunesse précarisée » outre-Atlantique.
Face à la situation, la direction d’Amazon a revu sa position, proposant dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO) du 14 avril dernier, une augmentation de 3.5 % au lieu des 3 % initialement mis sur la table. « Les négociations de cette année, c’était pour ne pas perdre, c’est là que c’est inadmissible » dénonce Antoine Delorme, délégué syndical CGT de Amazon Logistique à Châlons-sur-Saône, avant de poursuivre : « On nous a annoncé un doublement de la prime de départ en retraite, de 1500 à 3000 € brut. Mais jusqu’à maintenant c’était une prime interne appelé « The Offer » qui est à hauteur de 8000€ brut à partir de 5 ans d’ancienneté. La direction propose aussi le 13ème mois pour tous et le statut d’agent de maîtrise pour les techniciens informatiques. Mais ces « acquis » ne concerneraient qu’une centaine de salariés et, surtout, ces prétendues « avancés » sont déjà inscrites dans la convention collective ».
En parallèle de ces propositions, la direction d’Amazon Logistique a fixé un ultimatum : les organisations syndicales doivent signer, ou non, l’accord avant le 3 mai. Et dans le cas de figure où les NAO ne débouchaient pas sur un accord, la direction laisse planer la menace du passage en force… en revenant à la proposition faite avant la grève de 3 % d’augmentation ! Une honte lorsqu’on sait que les 3.5 % sont très loin des aspirations des salariés et qui s’apparente à une tentative de faire subir une défaite « à contre-temps » aux grévistes.
Avec cette stratégie, la direction vise avant tout à semer la division. En effet, l’une des grandes forces du mouvement, et qui a été un élément important dans la réussite de la grève, c’est que l’ensemble de l’intersyndicale, regroupant la CAT, la CFDT, la CFE CGC, Force Ouvrière la CGT, la SNATT et Sud, avait conjointement appelé à la mobilisation début avril. L’objectif est assez limpide : accentuer la pression afin de diviser le front syndical et étouffer la colère qui est encore forte. Dans le même temps, il est clair que la « contre-offensive » de la direction d’Amazon Logistique vise à diviser plus largement les grévistes dans leur ensemble, en cherchant à clore le débat en laissant dans le paysage la perspective d’une « avancée » de façade.
En ce sens, l’appel à une nouvelle journée de débrayage et de grève de l’Intersyndicale, publiée ce 1er mai, à la veille de la fin des négociations est un point positif permettant d’affiché une unité dans l’action face à la direction. Tout l’enjeu réside dans la consolidation de cette unité et son élargissement pour permettre de contre-carrer les manœuvres de la direction et de répondre d’une seule et même voix.
Une unité qui dépasse les frontières syndicales et soit celle de l’ensemble des grévistes, syndiqués ou non. Dans ce cadre, l’organisation d’assemblée générale regroupant l’ensemble des salariés afin de collectivement débattre du cours du conflit et de décider des suites permettrait de défaire la stratégie de division de la direction. L’ensemble des organisations syndicales peuvent à ce titre jouer à plein le rôle « d’outil au service des salariés », participer au débat tout en s’engageant à respecter les décisions des assemblées générales. Ce premier pas d’auto-organisation permettrait non seulement de contre-carrer l’offensive de la direction, mais pourrait aussi permettre de répondre fermement et ainsi ouvrir la perspective d’une satisfaction des revendications de l’ensemble des grévistes.