Après les régionales en Italie (1):
Comprendre la base sociale
de la droite berlusconienne et de la Ligue du Nord
Classe ouvrière et blocs sociaux
Au lendemain des régionales italiennes caractérisées par la montée inquiétante de la droite fascisante – hégémonie de l'ensemble de la droite dans le Nord industriel, le rééquilibrage au profit de la Ligue du Nord au sein même de la droite; et à gauche, par la faiblesse mais surtout la soumission tant idéologique que concrète des dirigeants du PD, souvent ex-PCI (pensons à Napolitano, d'Alema, Veltroni etc.), et la convalescence de communistes pris entre des tendances schizophréniques à une nouvelle liquidation du communisme (le projet Fédération de Gauche) et à la reconstruction du Parti Communiste (le projet de réunification des communistes dans un seul PC), les analyses mettant en avant la domination Berlusconienne sur les médias italiens ne vont pas manquer d'affluer à gauche.
Incontestable, cet analyse du berlusconisme comme phénomène médiatique n'en est pas moins réductrice, et bien peu marxiste. Elle occulte le fait que le succès du berlusconisme et du Leghisme (Ligue du Nord) repose avant tout sur la création d'un bloc social que l'on pourrait appeler 'bloc des producteurs' liant non seulement petits patrons et grands patrons autour d'un poujadisme anti-Étatique et anti-fiscal mais aussi, particulièrement pour la Ligue, petits patrons et salariés de ces petites entreprises, autour des mêmes thèmes.
C'est la thèse de notre camarade Domenico Moro, économiste du PdCI (Parti des Communistes Italiens), que nous avons eu le plaisir de rencontrer le 6 mars dernier à Paris, dans le cadre d'une conférence sur l'actualité de la pensée Marxiste pour penser la crise capitaliste actuelle. Cette conférence faisait écho à l'ouvrage de vulgarisation dont il est l'auteur: « La crise du capitalisme et Marx » (Ed. Delga), dans lequel il propose une actualisation des concepts du Capital de Marx dans le contexte de la crise capitaliste de ce début de XXIème siècle, et que nous recommandons.
Cette piste de réflexion – la base sociale populaire d'une droite libérale et autoritaire – nous permet tant de comprendre la complexité de la situation sociale et politique italienne que d'affiner notre analyse, chez nous, des phénomènes sarkozystes et frontistes.
Mais, en négatif, c'est aussi le portrait d'une démission de la gauche qu'il dessine. Avant tout, de l'ex-Parti Communiste Italien et de ses dirigeants liquidateurs. L'héritage du PCI – tant idéologique qu'organisationnel – dilapidé, il n'est pas étonnant que le PD actuel – ex-PCI, ex-PDS, ex-DS – ait vu son bloc social se désagréger à tel point que la droite peut maintenant venir mordre sur ses plates-bandes et récupérer même une partie de l'électorat communiste traditionnel.
Mais autant que la critique des dirigeants liquidateurs du PCI de 1991, aujourd'hui à la tête d'un parti centriste, c'est celle de ceux qui ont récupéré son héritage pour mieux le liquider une seconde fois qu'il faudra faire.
Le Parti de la Refondation Communiste de Bertinotti n'a pas voulu renouer avec la classe ouvrière, reconstruire l'organisation communiste sur les lieux de travail, refonder le Parti Communiste sur des bases idéologiques et organisationnelles saines. Elle a préféré le magma informe de la fondation d'un Parti de gauche a-communiste, sans base sociale ni organisation, et a laissé la classe ouvrière à l'abandon.
Elle porte une lourde responsabilité dans l'attaque continue dont est victime la classe ouvrière en Italie depuis 20 ans. Et dans les menaces de mort qui pèsent sur la démocratie ainsi que sur l'unité italienne face à la montée (ir)-résistible du berlusconisme et du leghisme.
AC