Santé pour tous...
mais priorité pour certains !
Généralement, quand on fait un malaise, on appelle le Samu.
Dans le monde des V.I.P., on double son coup de fil au 15 d'un coup de fil sur le 06 d'un toubib influent. C'est l'assurance d'un lit rapidement disponible dans un service hospitalier au top en s'épargnant les tours de périph à la recherche d'un brancard dans n'importe quel couloir d'hôpital.
Si tous les patients ont une carte Vitale d'une affligeante banalité, seuls quelques-uns possèdent ce sésame qui ouvre en un clin d'oeil les portes des hôpitaux de la rive gauche de la Seine.
«Tout est réglé», s'entendent ainsi dire, parfois, les ambulanciers venus secourir un patient manifestement pas comme les autres. Il arriverait même que, dans des services déjà pleins, le «patron» demande à faire place nette pour son V.I.P.... quitte à virer celui qui a l'outrecuidance de squatter son lit !
«La règle, dans les hôpitaux, c'est égalité de traitement pour tous», rappelle, à toutes fins utiles, Christophe Prudhomme, médecin urgentiste syndiqué à la CGT.«Dans les faits, cela n'existe pas. A mesure que l'accès aux soins se complique, les passe-droits se multiplient.»
Politiques, chefs d'entreprise, journalistes : tous ceux qui ont la chance d'avoir dans leur répertoire téléphonique le numéro personnel d'un ponte ou du directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) peuvent user, voire abuser, de passe-droits et s'éviter les affres du service public.
Ancien directeur de la politique médicale au siège de l'AP-HP, Jean-Yves Fagon reconnaît avoir reçu, à ce poste de direction, «des appels pour la grand-mère, le fils de tel ou tel ministre». Des demandes de coupe-file hospitaliers, impossibles à quantifier, qui, nous assure-t-on, ne se font pas au détriment des patients lambda, sans réseau... Ou obligés de s'endetter pour s'offrir l'illusion d'être un V.I.P. en intégrant le service privé avec dépassements d'honoraires.
Par ici, les émirs !
Dernier-né de l'AP-HP, l'hôpital européen Georges-Pompidou a été conçu, dès le départ, avec une poignée de chambres de luxe – jusque dans le service des urgences. «On voulait mettre en place une filière pour des patients étrangers très riches qui paient très cher pour l'excellence française», raconte Jean-Yves Fagon.