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Le blog d' Eva, R-sistons à l'intolérable

 

L'Europe politique "à l'agonie" ?
par

Pierre Charasse,
Ancien Ambassadeur de France


Il était naïf de croire que grâce à un simple coup de peinture, l’UE deviendrait un poids lourd politique mondial. Pendant des années, nombreux ont été ceux qui ont cru a une « Europe-puissance » autonome sur la scène internationale. L’entrée des nouveaux membres depuis les années 90 a fait basculer les rapports de force internes et tué définitivement les velléités de ceux qui rêvaient d’une Europe politiquement forte. C’est donc le schéma anglo-saxon qui s’est imposé, une Europe de plus en plus réduite à une zone de libre-échange très intégrée dans un ensemble politico-économique transatlantique au sein duquel ce qui faisait la force et l’originalité du « modèle européen », cède chaque jour un peu plus de terrain devant l’avancée des conceptions les plus ultralibérales.

À ce titre, il est devenu désormais politiquement incorrect de défendre la notion de service public, le rôle de l’Etat comme régulateur de la société et protecteur de plus faibles. Quoi qu’en disent les gouvernements, il y a accord sur cette évolution de fond, de même que sur le renforcement du lien transatlantique.

JMV – Selon vous l’Europe peut-elle encore échapper à un destin qui semble désormais “programmé” (pour ne pas dire “scellé”), à savoir se fondre dans un vaste marché commun Nord-atlantique avec les États-Unis et le Canada (un “espace” fusionnel qu’appelle ardemment de ses vœux l’ancien Premier ministre Édouard Balladur) et subséquemment assurer des fonctions militaires supplétives au sein de forces occidentales coalisées au sein de l’Otan et dédiées essentiellement à conduire les politiques anglo-saxonnes d’expansion et de conquête ?

PC : Depuis la disparition de l’Union Soviétique, l’espace de liberté dont disposait l’Europe s’est singulièrement rétréci. Les idéologues du marché ont imposé leur vision, celle d’un monde occidental triomphant qui allait propager son modèle au monde entier. Au lieu de s émanciper de la tutelle américaine, l’Europe s’est au contraire crue obligée de « coller » aux positions américaines. Ce « partenariat transatlantique » déjà explicite a été proclamé avec force après les attentats du 11/9. Dans sa Stratégie Européenne de sécurité adoptée par le Conseil Européen de décembre 2003, l’Europe reprend à son compte la vision américaine du monde, y compris la notion de guerre préventive et la lutte manichéenne du « bien contre le mal ».
Ce texte est ahurissant, mais il est passé comme une lettre à la poste ! Dans ce même document, il est clairement fait mention du lien entre l’UE et l’OTAN. L’UE est par conséquent le volet économique européen d’un ensemble politico-militaire regroupé au sein de l’OTAN. Le Traité de Lisbonne officialise ce rapprochement puisqu’il spécifie dans son art. 28 A que « les engagements et la coopération dans ce domaine (la politique européenne de défense et de sécurité) demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre." Ceci veut dire l’UE renonce à une défense européenne autonome. Le retour de la France dans l’organisation militaire intégrée de l’OTAN ne fait que parachever cette imbrication UE-OTAN.

Que ce soit sur l’Afghanistan sur l’Iran ou sur le conflit israélo-palestinien, l’Europe n’est ainsi, de facto, plus perçue comme un acteur autonome. Sa crédibilité est faible et elle pèsera de moins en moins face à la montée en puissance de pays dits émergents comme la Chine, l’Inde ou le Brésil. En outre, son côté « donneur de leçons » irrite les opinions publiques de nombreux pays tant ses prises de positions sont sélectives. Sur les grands débats qui s’ouvrent sur le climat et l’énergie, il est certain qu’il y a en Europe une très grande « sensibilité ». Mais il est probable que les nouvelles autorités européennes chercheront à éviter la confrontation avec les Etats-Unis. Solidarité atlantique d’abord


JMV – Vous avez préfacé la monographie dont le titre est “Europe, chronique d’une mort annoncée”. Un diagnostique qui peut sembler paradoxal alors même qu’avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la construction de l’Europe politique semble avancer maintenant à grands pas... Ou bien, l’Union masquerait-elle, derrière une façade institutionnelle sans défaut apparent, de sinistres lézardes ? Ou pire, cette façade ne serait-elle qu’un décor à la Potemkine ? Qu’en pensez-vous ? De bien mauvaises esprits ont mis au regard l’une de l’autre, la représentation de la Tour de Babel peinte par Peter Bruegel et l’architecture de l’actuel Parlement de Bruxelles. L’analogie architectonique est frappante entre l’imaginaire du peintre flamand et la vision architecturale contemporaine. Ainsi, serait-il loisible de voir dans ce surprenant parallélisme autre chose qu’une pure coïncidence, quelque chose qui pourrait ressortir d’une vision “prémonitoire” en quelque sorte ?

PC : Je crois en effet que l’Europe politique est à l’agonie. Elle est au moins en état de mort cérébrale, même si le corps fonctionne encore. C’est la fin d’un beau projet, mais qui n’était plus partagé par une majorité d’Européens. Il faut bien voir que pour tous les nouveaux membres d’Europe centrale et orientale, l’entrée dans l’UE représentait une sorte « d’assurance sur la vie », entre autres sur le plan économique, l’essentiel pour eux étant la sécurité offerte par les Etats-Unis via l’OTAN face à une Russie toujours considérée comme une menace.
Dans une certaine mesure, on a mis fin à un malentendu entre certains européens et les États-Unis. La France en particulier a vécu pendant des années, sous Mitterrand et Chirac, dans l’idée d’une Europe indépendante de l’Amérique du nord. Cette perspective a été abandonnée, les Américains en vérité ne l’ont jamais acceptée, la voie est finalement désormais tout à fait libre pour consolider l’ensemble euro-atlantique
(surtout avec Lellouche, note d'Eva)

Au fond, le président Sarkozy a clarifié les choses en proclamant avec force l’appartenance de la France à la « famille occidentale » et en traduisant concrètement son engagement atlantiste par le retour de la France dans la structure de commandement intégré de l’OTAN. Même confrontée aux dures réalités des théâtres d’opération, l’OTAN prétend étendre indéfiniment sa zone d’intervention en Asie, tout comme les Etats-Unis souhaitent que l’UE s’étende toujours plus à l’Est (Turquie, Ukraine, Caucase

L’image d’un Parlement Européen-Tour de Babel me paraît assez pertinente, elle exprime bien une réalité, la difficulté de communiquer. Dans la Genèse, en détruisant la Tour de Babel Dieu avait puni la vanité des hommes qui voulaient s’élever jusqu’à lui.
Soyons rassurés : avec des institutions aussi confuses et un président aussi falot, Dieu ne risque rien et laissera les européens s’épuiser en débats abscons et stériles et sans impact sur la marche du monde !

extraits:
http://www.observatoiredeleurope.com/L-Europe-politique-a-l-agonie_a1320.html?preaction=nl&id=12794777&idnl=60523&   

Tag(s) : #Contre l'impérialisme
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