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Le premier blog – webnews francophone consacré à la Politique étrangère de l'UE et l'Europe de la Défense

18 mars 2012
difficile et risquée
par Paulo Sergio Pinheiro, ONU
Paulo Sergio Pinheiro à l'ONU sur la Birmanie - septembre 2011 (crédit: ONU)
 
(BRUXELLES2) Paulo Sergio Pinheiro, le président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie était à Bruxelles, jeudi (15 mars), devant la presse (dont B2). Mandaté par le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, le professeur Pinheiro – universitaire brésilien qui dispose d’une longue expérience dans ce genre de commissions d’enquêtes internationales -, a insisté sur le caractère humanitaire de la crise en Syrie. Une situation qui « s’est sensiblement détériorée depuis novembre 2011 ». Même l’accès à l’information devient difficile et cela a été un obstacle « important » à l’enquête. Il le reconnaît. La commission « n’a pas eu accès au territoire syrien. (…) Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas eu accès à des informations venant de Syrie ». Mais le rapporteur de l’ONU se montre, malgré tout, opposé à toute forme d’intervention militaire ou même d’armement de l’opposition qui pourraient augmenter le risque de violences, prônant davantage une solution politique.
 
L’aide humanitaire n’arrive pas partout en Syrie
   
Pour Paulo Sergio Pinheiro, « le problème est l’accès. (…) La première chose à faire est maintenant est d’ouvrir l’accès à l’aide humanitaire ». Cependant « il n’y a pas de crise humanitaire dans toute la Syrie », explique-t-il ; l’ONU est déjà active en Syrie en termes d’aide humanitaire.
Mais « seulement là où elle à accès ». Il faut donc ouvrir des couloirs humanitaires. Le problème est que cela ne peut être fait que par des forces armées étrangères, remarque Mr Pinheiro.
 
Une intervention militaire ne peut réussir, la Syrie n’est pas la Libye
 
Cependant cette option militaire est rapidement exclue par M. Pinheiro. « Nous ne pensons pas qu’une intervention militaire puisse réussir », d’autant que le nombre de victimes serait alors « en milliers, pas en centaines ». Le professeur met en garde: « ne regardons pas la Syrie en pensant à la Libye ». Un argument important contre l’idée d’une telle intervention: l’armée syrienne n’est pas l’armée libyenne: elle n’est peut-être pas très moderne, dit-il, mais « bien organisée (et) la chaîne de commande est intacte », ou presque: « deux généraux, quelques capitaines » ont déserté. Ce qui n’était pas le cas en Libye où « des bataillons entiers ont déserté ». De plus « la Libye était un Etat en périphérie » alors que la Syrie est dans une position géostratégique autrement plus complexe, en étant entourée notamment par l’Iran ou Israël.
 
Armer l’opposition ? : pas une bonne idée

Une autre option envisagée est d’armer l’opposition, qui  « essaie de protéger la population civile ». Là aussi, « ce n’est pas une bonne idée » selon le rapporteur car « ce serait un désastre total de transformer la situation en guerre civile ».
D’autant que selon la commission d’enquête, il existe trop de dissensions internes à l’opposition. Si les déserteurs de l’armée se sont organisés en Armée Syrienne Libre (ASL), il existe de nombreux groupes armées, se revendiquant ou pas de l’ASL, et le rapport déclare que « la direction de l’ASL réside à l’étranger et la commission ne voit pas très bien quel contrôle elle exerce sur les différents groupes de l’ASL dans le pays ».
« ce serait un désastre total de transformer la situation en guerre civile »
 
Une opposition divisée, parfois extremiste
 
Durant son intervention, Mr Pinheiro a insisté la nécessité pour l’opposition de s’unir et d’adopter un projet commun vis-à-vis de l’avenir, notamment en ce qui concerne l’équilibre entre les différentes communautés. D’autant qu’au sein des différentes factions de l’opposition, il semblerait qu’il existe des « groupes extrémistes », armés, y compris des membres d’Al Qaida selon certaines sources, même si « la commission n’a pas pu vérifier les informations sur la composition, l’origine et les opérations de ces groupes ». Et le professeur d’ajouter à ce propos: « Nous devons être prudents (car) il est difficile d’avoir des informations ».
 
Avis mitigé sur les sanctions
Sur les sanctions, M. Pinheiro est plutôt sceptique : elles « ne sont pas une stratégie en soi, elles sont un élément de stratégie. S’il y a une stratégie, alors on peut se baser sur des sanctions » explique-t-il doutant de leur efficacité à elles seules. Il a l’expérience de la Birmanie – il a été rapporteur spécial sur la situation des droits de l’Homme en Birmanie en 2001 – la transition dans ce pays « n’est pas la conséquence des sanctions ». Et il met en garde contre « les effets négatifs pour les droits de l’homme. »
Une option très clairement affirmée dans le rapport : « La commission d’enquête n’est pas favorable à l’imposition de sanctions économiques qui exerceraient des effets négatifs sur les droits de l’homme de la population, des groupes vulnérables en particulier ». (…)
D’ailleurs, selon m. Pinheiro « Le mot lui-même [de sanctions] est dévastateur quand vous êtes en train de négocier ».
 
L’option du dialogue politique
 
M. Pinheiro préconise donc une solution « plus sophistiquée ». La commission d’enquête appelle ainsi « à l’ouverture d’urgence d’un dialogue politique », « recommande à la République arabe syrienne de procéder à des profondes réformes politiques, de la justice et du secteur de la sécurité » et « de solliciter à l’Organisation des Nations Unies et du HCDC en particulier, une assistance technique pour procéder aux réformes et au processus de consultation ».
« Deux heures de discussion » entre Kofi Annan et Bachar Al-Assad ne sont « pas suffisantes »
Laisser du temps à la mission Annan
 
Le professeur Pinheiro a tenu à défendre l’option politique en soutenant pleinement l’approche de Kofi Annan, émissaire conjoint de l’ONU et de la Ligue Arabe. Une « mission impossible".
S’énervant même contre les critiques qui ont été faites envers cette approche et les premiers échecs des négociations, il demande qu’on lui laisse du temps, qu’évidemment « deux heures de discussion » entre Kofi Annan et Bachar Al-Assad ne sont pas suffisantes. De fait, les positions de Mr Annan et de Me Pinheiro sont sensiblement similaires. Kofi Annan avait lui aussi donné la priorité à la crise humanitaire en déclarant: « Il faut commencer par arrêter les meurtres, le malheur et les violences qui se déroulent aujourd’hui et ensuite donner du temps [à la recherche d'une] solution politique" .
 
Tag(s) : #Contre l'impérialisme
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