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Vendredi 3 octobre 2014

Un  texte de Ludo Martens

contre le trotskisme (1992)

Texte conseillé par Gilbert Rémond. Le trotskisme tel qu'il est dénoncé par LM est très semblable aujourd'hui au courant "refondateur" multicéphale qui a fini par phagocyter complètement le PCF, en ce qu'il combat la réalité socialiste au nom de l'idéal communiste :

 

Le trotskisme au service de la CIA contre les pays socialistes

 

20 octobre 1992

Ludo Martens

Après le triomphe de la contre-révolution bourgeoise en Europe de l’Est et en Union soviétique, il ne peut plus guère y avoir de divergences d’opinion parmi les communistes quant à la véritable nature du trotskisme.

Le développement du processus contre-révolutionnaire à l’Est et en Union soviétique permet de vérifier la signification de classe du discours que les trotskistes tiennent depuis soixante ans. Il est maintenant facile de voir à travers leur verbiage de « gauche », la véritable nature et le véritable but de ce courant. Il suffit simplement de relire les déclarations trotskistes d’il y a deux ou trois ans, pour que la vérité vous saute à la figure.

Le trotskisme est un courant idéologique dont le nœud est l’anticommunisme forcené, un courant qui recrute des éléments progressistes de la petite-bourgeoisie pour les endoctriner dans sa ligne anticommuniste, un courant qui ne mène qu’un seul combat avec persévérance, continuité et conviction: le combat contre le marxisme-léninisme et contre le mouvement communiste international.

Nous prouverons ces affirmations à travers l’étude des positions trotskistes lors des contre-révolutions de velours qui ont conduit à la restauration du capitalisme en Europe de l’Est et en Union soviétique.

« La restauration du capitalisme est impossible! »

Au cours des années trente, Staline avait soulevé une question essentielle. Lorsque le socialisme, en tant que dictature des masses travailleuses, a été établie dans un pays, est-ce que la restauration capitaliste reste possible?

Trotski répondait que la restauration capitaliste était impossible sans une insurrection armée de la bourgeoisie et sans une guerre civile prolongée. Sa thèse de l’impossible restauration servait à détruire toute vigilance politique et idéologique et à promouvoir une attitude de conciliation envers l’opportunisme à l’intérieur du parti et envers l’ennemi de classe dans la société.

Depuis la Révolution Culturelle, les marxistes-léninistes ont réaffirmé qu’un parti communiste peut dégénérer politiquement, qu’il peut être envahi par des conceptions et des théories bourgeoises et petites-bourgeoises. Le révisionnisme, c’est l’adoption des idées de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie, enveloppées de paroles « marxistes-léninistes ». Quand le révisionnisme réussit à dominer définitivement un Parti communiste, celui devient l’instrument principal d’une restauration bourgeoise progressive dans le domaine idéologique, politique et économique.

Souvent, Mandel, le principal chef de la soi-disant Quatrième Internationale, nous a crié au visage que c’était là une théorie aberrante, « stalinienne », servant uniquement à justifier l’arbitraire. Il tient beaucoup à cette idée-maîtresse de Trotski.

« Seuls des sots manifestes... »

En 1934, Staline avait montré que la ligne du groupe opportuniste Zinoviev-Kamenev aboutirait nécessairement au rétablissement capitaliste en Union soviétique. L’histoire a prouvé que les critiques de Staline contre Trotski, contre le groupe Zinoviev-Kamenev et ensuite contre le groupe Boukharine, étaient tout à fait pertinentes. La réfutation de leurs idées au cours des années vingt et trente a permis de maintenir la dictature du prolétariat et d’édifier le socialisme, puis de forger les forces politiques et militaires nécessaires pour défendre victorieusement le socialisme contre l’agression fasciste.

Un demi-siècle plus tard, les révisionnistes Khrouchtchev et Brejnev ont repris un grand nombre d’idées de Trotski, de Zinoviev et de Boukharine. Puis, deux années à peine après la réhabilitation officielle de toutes leurs idées opportunistes par Gorbatchev, la restauration capitaliste était un fait accompli.

Mais il faut se rappeler qu’en 1934 Trotski répliqua à Staline: « Des sots manifestes seraient seuls capables de croire que des rapports capitalistes, c’est-à-dire la propriété privée des moyens de production, y compris la terre, pourraient être rétablis en URSS par la voie pacifique et mener au régime de la démocratie bourgeoise. En réalité, le capitalisme ne pourrait - s’il le pouvait en général - se régénérer en Russie qu’en résultat d’un violent coup d’Etat contre-révolutionnaire qui exigerait dix fois plus de victimes que la Révolution d’Octobre et la guerre civile. » (1)

Dix fois plus: cela fait entre 50 et 90 millions de morts pour que le capitalisme puisse être réintroduit en Union soviétique...

1989: « La restauration impossible à moyen terme »

Même en 1989, au moment où les forces ouvertement contre-révolutionnaires se déchaînaient, Mandel jurait que le spectre de la restauration capitaliste n’était qu’un mensonge « stalinien » pour justifier la « répression ». En 1989, la Pologne et la Hongrie avaient déjà basculé dans le camp de l’impérialisme.

Pourtant, Mandel écrit: « La bourgeoisie, petite et moyenne, n’est plus qu’une minorité réduite de la société dans chacun des Etats ouvriers bureaucratisés. Elle jouit d’un appui, d’ailleurs fort limité, du grand capital international. Mais dans l’ensemble, cette convergence d’intérêt est insuffisante pour pouvoir imposer, à bref ou moyen terme, une quelconque restauration du capitalisme. » (2)

Les marxistes-léninistes ont identifié depuis longtemps les quatre forces sociales qui constituent la base de la restauration: la couche de bureaucrates, de technocrates et d’éléments corrompus au sein du parti et de l’appareil d’Etat, deuxièmement les forces politiques et idéologiques des anciennes classes réactionnaires; troisièmement, les nouveaux éléments bourgeois et exploiteurs surgis au sein de la société socialiste et enfin les forces de l’impérialisme qui agissent ouvertement ou clandestinement dans les pays socialistes. Depuis Reagan, l’ingérence et l’infiltration de l’impérialisme ont redoublé dans les pays socialistes. Mandel nie l’existence des deux premières forces et il minimise les deux dernières.

Il a d’ailleurs sorti le même argument pour soutenir la contre-révolution en Union soviétique: « Où va l’URSS de Gorbatchev? Excluons de prime abord l’éventualité d’une restauration du capitalisme en URSS. Autant le capitalisme ne peut être graduellement supprimé, autant il ne peut êtregraduellement restauré. » (3)

Les trotskistes ont propagé bruyamment leur théorie de l’impossible restauration, aussi longtemps qu’il pouvait y avoir la moindre résistance de la part du Parti communiste et de l’appareil d’Etat contre les forces anticommunistes. Depuis les années trente, cette « théorie » leur a servi de justification au soutien de tous les courants opportunistes ou contre-révolutionnaires. Au cours des années trente et quarante, ils ont soutenu tous les courants et fractions opportunistes qui ont entamé la lutte contre la direction marxiste-léniniste du parti.

En 1956, ils ont applaudi à « l’antistalinisme courageux » de Khrouchtchev, ils se sont fait les propagandistes du réactionnaire tsariste Solsjénitsine, ils ont appuyé toutes les forces nationalistes réactionnaires et fascistes, tous les dissidents pro-occidentaux, ils ont propagé tapageusement toutes les théories anticommunistes de l’entourage de Gorbatchev, jusqu’à remplir deux tiers de leur journal avec des articles droitiers repris dans les Nouvelles de Moscou et de Spoutnik. (4)

Bref, au nom de la théorie de l’impossible restauration, les trotskistes ont soutenu tous les contre-révolutionnaires, jusqu’au jour où plus rien ne subsista des idées révolutionnaires et des institutions socialistes créées et défendues par Lénine et Staline.

Une fois la bataille terminée, Mandel mentionne, en passant, hypocritement, l’hypothèse d’une restauration. Le 12 octobre 1989, dans une même interview, il réussit à défendre les deux positions... « J’exclus un rétablissement graduel, pacifique, imperceptible du capitalisme. C’est une illusion réformiste. On devra briser la résistance de la classe ouvrière. » 

Plus loin, il cite la trotskiste Catharine Samary qui affirme qu’une restauration n’est à exclure, mais qu’elle se fera « uniquement sur le modèle turc... » (5) Mais cette évocation d’une possible restauration, n’a aucune influence sur la politique trotskiste, qui reste ferme sur le principe: destruction totale de tout ce qui rappelle le communisme. Ainsi, trois mois plus tard, fin décembre 1989, au moment de l’assaut final de la contre-révolution, les trotskistes lancent un mot d’ordre en première page: « Solidarité avec la révolution qui commence à l’Est! » (6)

D’un côté « la bureaucratie », de l’autre « les masses »

Cette thèse de l’impossible restauration, a servi, pendant soixante ans, de feuille de vigne, permettant aux trotskistes de passer décemment du côté des anticommunistes.

En effet, Staline et, après lui, Mao Zedong, ont toujours maintenu que la lutte de classe continue sous le socialisme, que la lutte entre la voie socialiste et la voie capitaliste existe sur une longue période historique et que la restauration capitaliste est donc toujours possible. Le socialisme, pour pouvoir se maintenir et progresser, a besoin d’un Parti communiste authentiquement marxiste-léniniste, un parti qui épure, à intervalles réguliers, ses rangs des courants opportunistes. Le socialisme doit se défendre contre ses ennemis, contre les bribes des anciennes classes réactionnaires, contre les nouveaux éléments bourgeois qui naissent sous le nouveau régime et contre les agents de l’impérialisme.

En attaquant ces idées, Mandel et les trotskistes ont développé une « théorie » originale, qui affirme que la lutte de classe existe bel et bien sous le socialisme....mais qu’elle oppose la « bureaucratie » aux "masses populaires" .

Dénonçant la « bureaucratie » avec une violence égalée uniquement par les fascistes, les chefs trotskistes soutiennent toutes les oppositions réactionnaires contre le socialisme, affirmant qu’elles expriment la volonté des "masses populaires" .

Se faisant les avocats de toutes les forces bourgeoises et anticommunistes, les trotskistes placent d’un côté la « bureaucratie » qui veut « supprimer les libertés démocratiques » et de l’autre côté les forces de la « révolution politique » qui aspirent aux « vrai socialisme« .

Ainsi, Mandel écrit en octobre 1989: « L’enjeu principal des luttes politiques en cours n’est pas la restauration du capitalisme. C’est soit l’avance vers la révolution politique antibureaucratique, soit la suppression partielle ou totale des libertés démocratiques acquises par les masses au cours de la glasnost. La lutte principale n’oppose pas des forces pro-capitalistes à des forces anticapitalistes, mais oppose la bureaucratie aux masses populaires. »(7)

En prétendant que la lutte « oppose la bureaucratie aux masses populaires », Mandel soutien ouvertement et explicitement des forces libérales, sociales-démocrates, monarchistes et fascistes dans leur lutte contre les derniers vestiges du socialisme.

« La glasnost, c’est du trotskisme.... »

Au moment où la bourgeoisie internationale reconnaissait déjà que le rétablissement du capitalisme en URSS, était pratiquement achevé, Mandel a eu les honneurs de la presse anticommuniste soviétique. Il a poussé l’impudence jusqu’à affirmer que Gorbatchev était un grand révolutionnaire qui a rejoint les thèses trotskistes.

Puis Mandel poursuit: maintenant, tous les communistes du monde comprennent mieux qui sont les véritables révolutionnaires et qui sont les véritables contre-révolutionnaires. Trotski, les trotskistes, Gorbatchev et les gorbatchéviens sont dans le camp de la révolution, Staline et les staliniens sont dans le camp de la contre-révolution. Staline représente « une contre-révolution violente », dira-t-il à Managua. (8)

Heureusement, grâce à l’effort conjoint de Mandel et de Gorbatchev, nous voilà partis en cette année bénie de 1990, pour la révolution, la vrai.

Voici la déclaration de Mandel aux Temps Nouveaux.

« Temps Nouveaux : Mikhaïl Gorbatchev, ne proclame-t-il pas que la perestroika est une véritable nouvelle révolution? »

« Ernest Mandel : Oui, il le proclame effectivement, et c’est de nouveau fort positif. Notre mouvement avait défendu la même thèse depuis 55 ans, on l’avait qualifié pour cette raison de contre-révolutionnaire. Aujourd’hui, on comprend mieux, en URSS et au sein d’une bonne partie du mouvement communiste international, où se trouvaient les véritables contre-révolutionnaires et où se trouvaient les véritables révolutionnaires. » (9)

Il ne faudra pas attendre deux ans pour voir l’Union soviétique tomber dans les mains d’une maffia tsariste et pro-américaine, pour voir une montée des forces fascistes et tsaristes en Russie et dans les Républiques et pour assister à des guerres civiles réactionnaires entre différentes fractions bourgeoisies.

Ce qui éclaire parfaitement le visage des « révolutionnaires » de la glasnost et de la perestroika et ce qui montre pour quelles forces politiques travaille un Mandel, cet anticommuniste professionnel.

Catherine Samary, une autre étoile de la IVe Internationale trotskiste, a affirmé dans la presse soviétique que Gorbatchev appliquait le programme développé par Trotski! Elle fit l’éloge de la glasnost en ces termes: « Dans votre pays, on n’a toujours pas publié la Plate-forme de l’Opposition de gauche qui a combattu Staline et proposé une voie alternative pour la construction du socialisme. En fait, vous êtes maintenant en train d’adopter ses idées: construire la démocratie socialiste authentique et l’autogestion. » (10)

Le soutien de Mandel à Eltsine

Tout en étant un partisan ardent de la glasnost de Gorbatchev, Mandel considérait de son devoir de soutenir les forces encore plus « à gauche » que Gorbatchev, et c’est de Eltsine et de Sakharov que Mandel se fit le porte-parole!

Début 1989, Mandel présente Eltsine comme le représentant des travailleurs, l’homme de la démocratisation qui exprime les idées de la couche politiquement consciente de l’URSS!

Dans son livre sur Gorbatchev, il écrit: « L’élimination de Eltsine(le 11 novembre 1987) comme dirigeant du PCUS représente un grave recul du processus de démocratisation en cours en URSS. » (11) « Eltsine est aujourd’hui la personnalité politique la plus populaire parmi les travailleurs soviétiques. (...) Des dizaines de milliers de badges avec l’inscription ‘Réinstallez Eltsine!’ ont été spontanément fabriqués. Tout cela indique la volonté d’une couche politiquement consciente de conserver et d’élargir les libertés démocratiques partielles obtenues au cours des années 1986-1988. » (12)

Le 3 avril 1989, Mandel salue « l’apparition d’une gauche plus radicale et plus massive. Trois lignes de force, progressistes, se dégagent de la plate-forme de Eltsine et de Sakharov: contre les privilèges de la bureaucratie; pour d’avantage d’égalité; pour un système pluriparti. » (13)

Sakharov, ce représentant de la « gauche radicale », avait depuis de longues années pratiquement le statut d’agent officiel de la CIA en Union soviétique. Il avait soutenu avec enthousiasme l’agression américaine au Vietnam. Il estimait que les Américains auraient pu gagner cette guerre « si on avait fait preuve de davantage d’esprit de décision et de suite sur le plan militaire et surtout politique. » (14)

Quant à Eltsine, lors de son premier voyage aux Etats-Unis, la presse internationale avait amplement commenté ses propos élogieux sur le capitalisme américain et rapporté ses contacts avec la CIA. Même un journal de droite comme De Gazet van Antwerpen, trouva que Eltsine avait exagéré en déclarant: « Le capitalisme n’est pas en train de pourrir, au contraire, il s’épanouit. Tu peux acheter tout pour peu d’argent. Dans la rue, le soir, on ne court pas le moindre danger. Même chez les sans-abri, j’ai trouvé une approche optimiste de la vie. » (15)

Après avoir tenu des propos aussi outrancièrement antisocialistes, Eltsine sera toujours salué par Mandel comme la « gauche radicale-démocratique » du Parti communiste de l’URSS!

En effet, début 1990, la presse trotskiste manifeste une fois de plus son soutien à l’aile « radicale-démocratique » de l’opposition en Union soviétique. « La Moskovskaia Pravda du 23 février 1990 a publié la ‘plate-forme démocratique’ de l’opposition radicale-démocratique dirigée par Boris Eltsine. La plate-forme réclame l’exercice du pouvoir par des soviets élus sur la base d’un système pluriparti l’abolition du ‘rôle dirigeant du PC’ et l’adoption d’une loi légalisant le système multiparti. » (16)

On notera que les trotskistes continuent à insister sur les points développés par Eltsine qui concordent avec leur ligne « révolutionnaire ».

Mandel ira jusqu’à déclarer que Eltsine est le nouveau...Trotski. « A l’heure actuelle, le réformateur Boris Eltsine représente la tendance qui est en faveur de la réduction de l’énorme appareil bureaucratique. Ainsi, il marche sur les traces de Trotski. » (17)

Lorsque Yannaiev improvisa, en août 1991, son coup farfelu, Eltsine monta, en professionnel, un véritable coup d’Etat qui détruisit toute la légalité du système en place; il fut soutenu par une mobilisation internationale effrénée de toutes les forces impérialistes.

Mandel et les trotskistes étaient, bien sûr, du côté de Eltsine.

« La mobilisation galvanisée par Eltsine et le rejet de l’ancien système expliquent l’échec de ce qui apparaît comme un coup de force, plus qu’un coup d’Etat. Il fallait sans hésiter s’opposer au coup et, à ce titre, lutter aux côtés de Eltsine. Le développement de l’auto-organisation, du pluralisme politique et de la totale liberté d’expression sont les seules garanties d’une démocratie sur les choix essentiels à venir. Nous sommes pour la nationalisation des biens du Parti communiste et des syndicats officiels. » (18)

A ce moment, il était évident pour tous les anticapitalistes honnêtes que Eltsine représentait la fraction ultralibérale et pro-américaine de la nouvelle bourgeoise russe, qui s’apprêtait à réhabiliter l’héritage tsariste.

Pourtant, les trotskistes ont acclamé le coup d’Etat contre-révolutionnaire de Eltsine parce qu’il ouvrait le chemin de « l’auto-organisation », c’est-à-dire l’organisation des masses contre le Parti communiste et parce qu’il introduisait le « pluralisme », c’est-à-dire la liberté pour les partis libéraux, sociaux-démocrates, fascistes et tsaristes... Liberté pour les partis bourgeois, accompagnée de l’inévitable répression contre les organisations communistes, conduisant éventuellement à leur interdiction, comme cela se fait dans tout système bourgeois « pluraliste ».

Une année plus tard, plus personne, même parmi la grande bourgeoisie internationale ne pouvait nier la nature extrême droite et pro-impérialiste de Eltsine.

En véritables provocateurs anticommunistes, les trotskistes osaient alors titrer: « Boris Eltsine: sur les traces de Joseph Staline? » (19)

Cette exemple montre bien que ces anticommunistes ne reculent devant aucune bassesse ni crapulerie: ils ont soutenu le libéral Eltsine jusqu’au bout dans son combat anticommuniste, en le comparant au chef révolutionnaire vénéré, le grand Trotski; mais quelques mois plus tard, la restauration capitaliste étant achevée et Eltsine ayant salué la mémoire des anciens Tsars, les trotskistes diront que Eltsine, en fait, ressemble à leur pire ennemi: Staline.

« Un grand soupir de soulagement »

En avril 1989, Mandel publia un livre pour dire tout le bien qu’il pense de Gorbatchev, de Eltsine et surtout de la glasnost. On se rappelle qu’à l’époque, la bourgeoisie cachait à peine son enthousiasme devant les changements introduits par Gorbatchev. Madame Thatcher s’était déjà écriée qu’elle était une partisane convaincue de la glasnost et de la perestroika.

La bourgeoisie annonçait la fin du communisme et le début d’une grande ère de paix, de démocratie et de liberté. Avec son langage de « gauche » perfide, Mandel, comme toujours, appuyait le courant bourgeois à la mode. Dans son livre, il écrit: « Le cauchemar du stalinisme et du brejnévisme est définitivement dépassé. Le peuple soviétique, le prolétariat international, l’humanité toute entière peuvent pousser un grand soupir de soulagement. » (20)

A l’époque, nous avons souligné que la contre-révolution en Europe de l’Est et en Union soviétique constitua une victoire stratégique pour l’impérialisme, qu’elle causera un désastre pour les peuples des ex-pays socialistes, qu’elle renforcera l’oppression du Tiers Monde dont les peuples seraient les premières victimes des changements en cours, et qu’elle accentuerait toutes les contradictions du monde capitaliste. Les trotskistes titraient alors: « La folie de la direction du PTB s’accentue. » (21) Dans le même journal, il expliquait le « soupir de soulagement de l’humanité », en promettant un avenir sans interventions militaires impérialistes pour les peuples du Tiers Monde! « Les mouvements de masse en Europe de l’Est constituent aussi une menace...pour l’impérialisme. Une intervention étrangère de l’impérialisme dans le Tiers Monde devient maintenant plus difficile. » (22)

Et lorsqu’une année plus tard, les forces coalisées de l’impérialisme lançaient leur agression barbare contre l’Irak, les trotskistes claironnaient qu’ils se battaient, eux, aussi bien contre Sadam Houssein que contre les Alliés. Entre-temps, en Europe de l’Est et en Union soviétique, le « soupir de soulagement » s’avérait être un cris d’horreur devant le chômage, la misère, la pauvreté, le nationalisme réactionnaire et la guerre civile.

Développant son idée du « soupir de soulagement du peuple soviétique », Mandel avait imaginé un beau point d’orgue à son livre.

En voici, en résumé, la dernière page.

« L’évolution en cours confirme que l’analyse et la prédiction faites par Léon Trotski il y a un demi-siècle, s’avéreront bien plus réalistes et bien plus vraisemblables: ‘Avec la venue du prolétariat à l’activité, l’appareil stalinien restera suspendu en l’air. S’il tente malgré tout d’opposer de la résistance, il y aura à appliquer contre lui non pas des mesures de guerre civile, mais plutôt des mesures d’ordre policier. Il s’agit, en tout cas, non d’une insurrection contre la dictature du prolétariat, mais de l’ablation de l’excroissance pernicieuse qui se trouve en elle.’ »

Et encore: « La révolution que la bureaucratie prépare contre elle-même, ne sera pas sociale comme celle d’Octobre 1917: il ne s’agira pas de changer les bases économiques de la société, de remplacer une forme de propriété par une autre. Ainsi sera-t-il. » (23)

Il est méritoire de la part de Mandel d’associer à son analyse de la glasnost (qui servira, à peine une année plus tard, à le démasquer comme un anticommuniste irréductible), le vieux Trotski. En effet, les menées contre-révolutionnaires grotesques de Mandel poussent à leurs ultimes conséquences les propos antibolcheviques plus sophistiqués de Trotski.

Après trois cents pages d’analyses, Mandel conclut que la « prédiction » de Trotski peut maintenant être réalisée grâce à la glasnost. Il y a un demi-siècle, Trotski s’efforça de provoquer une insurrection antibolchevique.

Comme la dictature du prolétariat était fermement établie, comme le Parti bolchevique mobilisait avec énergie les masses ouvrières et paysannes, Trotski dut recourir à une démagogie de « gauche » alléchante: quand on renversera le parti « stalinien », la dictature du prolétariat restera intacte, on aura seulement coupé « une excroissance bureaucratique« .

L’insurrection enlèvera un parasite sur un corps sain. Il n’y a plus de classes réactionnaires et revanchardes dans le corps de la société soviétique, ni de nouvelles forces bourgeoisies: le corps socialiste se soulèvera contre le parasite stalinien.

Et Trotski dut assurer les travailleurs que son insurrection, bien sûr, ne changerait pas les bases économiques du socialisme, pas question de rétablir la propriété privée. Bien sûr.

Cinquante années plus tard, Mandel donnera les mêmes assurances en utilisant cette citation comme conclusion de son livre: la glasnost et la « démocratisation » de la société soviétique, poussées à bout, maintiendront et amélioreront la dictature du prolétariat et ne changeront pas la base économique de la société. Deux années plus tard, nous avons pu voir les bouleversements contre-révolutionnaires criminels qui ont été introduits et justifiés par ces propos mielleux.

La « Révolution politique antibureaucratique » trotskiste

Depuis soixante ans, les trotskistes prétendent qu’ils veulent renverser « la bureaucratie » dans les pays socialistes par une « révolution politique« . La haine de Trotski pour le système socialiste, éclate dans ses qualifications de la direction bolchevique de l’Union soviétique: la « caste des parvenus rapaces », « l’oligarchie totalitaire », la « nouvelle aristocratie », « le gang criminel de Staline »,(24) « la nouvelle caste oppressive et parasitaire », « la bureaucratie totalitaire », « la clique autocratique » , « la hiérarchie d’asociaux et de déchets ». (25)

Ce langage, on le retrouve à la fin des années trente dans la littérature fasciste.

Selon Trotski, la mobilisation de toutes les forces opposées à la « bureaucratie », conduira à la « révolution politique » qui débarrassera la société socialiste authentique des usurpateurs et des parasites de la bureaucratie.

Cette théorie constitue, selon les affirmations du groupe Mandel lui-même, le nœud de la doctrine trotskiste: « La théorisation de la dégénérescence bureaucratique de l’URSS et de la révolution politique, est l’acquis programmatique le plus important du mouvement trotskiste. La Révolution politique et les tâches qu’implique sa préparation, sont les véritables raisons d’être de la IVe Internationale. » (26)

Des provocations au profit des nazis

La signification réelle de la théorie de la « révolution politique » a déjà été vérifiée au cours des luttes des années 1930. Toute la bourgeoisie occidentale a exprimé alors son appréciation positive des « analyses pénétrantes de la révolution trahie », faites par Trotski.

En réalité, Trotski s’est exprimé comme un enragé de l’anticommunisme et ses propos contre le Parti bolchevique et contre Staline ont été applaudis et continuent d’être applaudis par les idéologues de l’impérialisme.

Limitons-nous à un exemple hautement significatif.

En 1982, Henri Bernard, professeur émérite de l’Académie Militaire Royale de la Belgique, publie un livre pour alerter l’opinion publique contre le danger d’une agression soviétique. Il nous dit ceci: 1939 ressemble à 1982, les nazis d’alors sont les communistes d’aujourd’hui, l’antifasciste Einstein a trouvé un successeur en l’anticommuniste Solsjénitsine. (27)

Pour nous conduire à la menace terrifiante qui pèse sur l’Occident, en 1982, Henri Bernard a jugé utile de nous guider à travers toute l’histoire de l’Union soviétique, depuis 1917.

Voici quelques phrases, cueillies le long du parcours. « Lénine, sur la plan privé, était, tout comme Trotski, un être humain. Sa vie sentimentale ne fut pas dénuée de finesse. Trotski devait normalement succéder à Lénine. Malgré quelques divergences d’opinion, Lénine était resté plein d’affection pour Trotski. Il pensait à lui comme successeur. Il trouvait Staline trop brutal. Sur le plan intérieur, Trotski s’érigeait contre la bureaucratie effarante qui paralysait la machine communiste. Enfin, Trotski affirmait qu’un régime ne pouvait s’épanouir qu’avec une plus grande liberté d’opinion et un esprit critique constructif. Artiste, lettré, non-conformiste et souvent prophète, il ne pouvait s’entendre avec les dogmatiques primaires du Parti. » (28)

Voilà dans quel esprit un des principaux chefs des services de renseignement militaire parle des « mérites » de Trotski.

Dès 1938, au moment où l’agression hitlérienne pesait comme une menace constante sur l’Union soviétique, au moment où le Parti communiste menait une lutte décisive contre tous les éléments défaitistes et capitulards, au moment où le Parti mobilisait toutes ses forces pour la bataille gigantesque à venir, Trotski a fait de l’agitation comme un provocateur dont les propos devenaient des armes aux mains des agents nazis.

En 1938, tous les communistes et tous les patriotes soviétiques se dévouaient corps et âme à la réalisation des préparatifs politiques et militaires en prévision de l’agression nazie. Les appels démentiels de Trotski à l’insurrection armée ne pouvaient trouver un écho que parmi les pires ennemis du socialisme.

Voici quelques-uns des propos tenus par Trotski en 1938-1940.

« On ne peut assurer la défense du pays autrement qu’en détruisant la clique autocratique des saboteurs et des défaitistes. » - 3 juillet 1938. (29) A ce moment, devant la menace nazie, les tensions étaient déjà très fortes en Union soviétique. Certains groupes opportunistes, pour qui les sacrifices pesaient trop lourd, et certains groupes de contre-révolutionnaires, avaient conçu des projets de coup d’Etat.

L’épuration, tout à fait nécessaire en prévision de la guerre de résistance, était dirigée contre ces forces. Trotski leur offrait un nouvel argument pour appuyer leur agitation contre le Parti: la défaite de l’URSS contre les nazis est certaine, si Staline et les « staliniens » restent au pouvoir. Par conséquent, il faut détruire, par une insurrection, la direction actuelle du Parti et du pays. Ces propos correspondent exactement aux intentions des nazis qui voulaient provoquer une guerre civile interne pour réaliser plus facilement leurs plans de conquête.

« Seul le renversement de la clique bonapartiste du Kremlin peut permettre la régénération de la puissance militaire de l’URSS. Quiconque défend directement ou indirectement le stalinisme, quiconque exagère la puissance de son armée, est le pire ennemi de la révolution, du socialisme et des peuples opprimés. » -10 octobre 1938. (30)

Notons que les nazis allemands ont cru à cette propagande, qui les a confortés dans leur détermination d’en finir avec le bolchevisme. Mais après six mois de guerre, ils ont du avouer qu’ils avaient gravement sous-estimé le potentiel militaire et la combativité soviétiques...

« Seule une insurrection du prolétariat soviétique contre l’infâme tyrannie des nouveaux parasites peut sauver ce qui subsiste encore, dans les fondements de la société, des conquêtes d’Octobre » - 14 novembre 1938. (31)

« Les conquêtes de la Révolution d’Octobre ne serviront le peuple que s’il se montre capable d’agir envers la bureaucratie stalinienne comme il le fit jadis envers la bureaucratie tsariste et la bourgeoisie. (...) Cela ne peut être fait que d’une seule façon: par les ouvriers, les paysans et les soldats de l’Armée rouge qui se dresseront contre la nouvelle caste d’oppresseurs et de parasites. Pour préparer cette levée en masse, il faut un nouveau parti, la Quatrième Internationale. » - Mai 1940. (32)

Le lecteur aura noté la date à laquelle cette prose délirante a été produite: mai 40. Depuis sept mois déjà, la France et l’Angleterre ont déclaré la guerre à l’Allemagne hitlérienne; deux mois auparavant, la Finlande, alliée à l’Allemagne, a capitulé devant l’Union soviétique après trois mois de guerre. Staline essaie par tous les moyens de gagner du temps, mais il sait que, désormais, l’agression nazie peut se produire à tout moment.

C’est dans ces conditions que Trotski lance ses provocations les plus infâmes, les plus criminelles: il appelle à une insurrection populaire, puis à une insurrection de l’armée contre « la nouvelle caste des parasites », termes très populaires à l’époque chez les hitlériens. Comment les bolcheviks pouvaient-ils ne pas conclure que Trotski avait dégénéré au point d’agir comme un agent direct des hitlériens?

Par toutes ses déclarations anticommunistes de 1938 à 1940, Trotski et les petits groupes de ses acolytes étaient devenus des provocateurs, consciemment et inconsciemment, au service des nazis. Mais ils n’ont pas pu exercer la moindre influence sur le déroulement des combats. Grâce à un travail titanesque d’organisation de la population et de mobilisation pour l’Armée rouge et pour les formations de partisans armés, grâce à des efforts surhumains dans le domaine de la production militaire, de la construction de nouvelles usines, les bolcheviks ont été en mesure de préparer efficacement le pays à l’affrontement inévitable avec les criminels nazis.

A la fin de la guerre antifasciste, un peu partout dans le monde, les multiples petites cliques trotskistes, étaient complètement déconsidérées et isolées.

C’est Khrouchtchev qui a permis aux anticommunistes trotskistes de relever la tête, en attaquant l’œuvre gigantesque du camarade Staline dans des termes repris à la réaction mondiale. Aujourd’hui, la ligne de Khrouchtchev, approfondie et développée par Brejnev et Gorbatchev, a abouti à la restauration totale d’un capitalisme sauvage.

Aujourd’hui, nous pouvons dire que celui qui n’est pas capable de reconnaître le caractère provocateur, anticommuniste et profasciste des propos cités de Trotski, n’a rien d’un communiste.

Mandel soutient les nazis ukrainiens

Voyons maintenant quelles forces politiques et sociales les trotskistes ont soutenu, au nom de leur « révolution politique », depuis la seconde guerre mondiale.

Lorsque les nazis, en 1941, ont occupé une partie de l’Union soviétique, ils ont créé et appuyé en Ukraine un mouvement nationaliste d’obédience nazie qui a massacré des centaines de milliers de Juifs, de Polonais et de communistes. En 1944, les nazis, lors de leur retraite, ont laissé des groupes fascistes ukrainiens, encadrés par des officiers allemands, derrière les lignes de l’Armée Rouge.

Le groupe Mandel a acclamé cette contre-révolution nazie comme faisant partie de la « révolution politique antibureaucratique! » Incroyable? Jugez vous-même.

 

En 1988, le groupe Mandel écrit ceci: « Durant la Seconde guerre mondiale, la IVe Internationale a gravement sous-estimé les potentialités révolutionnaires du mouvement nationaliste ukrainien. L’Internationale a pris conscience de l’existence du mouvement révolutionnaire de libération nationale en Ukraine seulement cinq ans après la guerre, lorsque les guérilleros ukrainiens menaient leur dernier combat. » (33)

Ici, les trotskistes s’affichent ouvertement comme des provocateurs au service direct des nazis. Les trotskistes ont repris, pour l’occasion, le mensonge répandu par les services secrets américains dès 1945, selon lequel les nationalistes ukrainiens auraient lutté « contre Hitler et contre Staline. » Qu’en est-il en réalité?

Dans une revue des anciens combattants du Front de l’Est, un officier allemand de la Waffen-SS expose son expérience en Ukraine. Il avoue que la population ukrainienne avait été « très déçue par la politique allemande pendant l’occupation ».

Avant de se retirer, l’armée allemande avait formé la Division Galicie de la Waffen-SS, composée d’Ukrainiens...et encadrée par des officiers allemands. Le chef de l’Armée Insurrectionnelle ukrainienne, Melnik, prenait « la décision très responsable de lutter sur deux fronts, contre les Soviets et contre les Allemands. » (Contre les Allemands... qui étaient en train de se retirer.) L’officier nazi décrit alors les combats qu’il a livrés, avec « ses Ukrainiens », contre l’Armée Rouge en juillet 1944. « Le fait que des soldats ukrainiens et allemands se sont battus ensemble contre un ennemi commun, a donné une nouvelle dimension à l’histoire des relations germano-ukrainiennes. » (34)

Elle est réellement merveilleuse, la « révolution politique » trotskiste, lorsqu’elle a la Waffen-SS comme avant-garde!

Avec la contre-révolution à Berlin et à Budapest

La grande majorité de la population allemande a activement soutenu le régime hitlérien tout au long de la guerre. Cinq années après la défaite, l’influence des nazis était encore très présente, aussi bien en Allemagne de l’Est qu’en Allemagne de l’Ouest. A l’Ouest, des anciens nazis et collaborateurs des nazis restaient à la tête des grandes entreprises, de la magistrature et de l’armée.

La guerre froide, déclenchée par les Etats-Unis et l’Angleterre, maintenait l’anticommunisme parmi les nostalgiques de l’Ordre Nouveau en RDA.

Lorsqu’en 1953 éclate à Berlin-Est une émeute dirigée par d’anciens nazis et soutenue par les réseaux du général Gehlen, ancien chef des services secrets nazis passé à la CIA, Mandel acclame cette « lutte antibureaucratique. » « La caste bureaucratique ne recule pas devant les crimes les plus révoltants. Cette leçon de l’histoire a déjà écrit par le sang sur les murs de Berlin en 1953. » (35)

En Hongrie, le régime fasciste de Horthy avait dominé le pays sans interruption de 1919 à 1944. En 1956 éclate la contre-révolution hongroise, lancée par les fascistes avec le soutien de la CIA, Mandel applaudira: « La révolution hongroise d’octobre-novembre 1956 est allée le plus loin dans la voie de la révolution politique antibureaucratique pleinement épanouie. » (36)

Ajoutons que ceux qui, à Budapest, en 1989, ont proclamé le règne de l’entreprise libre et demandé l’adhésion à l’Otan, déclaraient réaliser ainsi le programme de l’insurrection anticommuniste de 1956. Ils ont salué la mémoire du « héros national » Imre Nagy, qui, le 31 octobre 1956, avait rompu avec le Pacte de Varsovie et décrété la « neutralité » de la Hongrie...ce qui était exactement le mot d’ordre le plus avancé, formulé par Radio Free Europe. (37)

La presse trotskiste a salué les grandes manifestations anticommunistes de l’été 1989 en Hongrie. Ainsi, Mandel écrit: « Cette semaine, un million de personnes ont manifesté à Budapest pour rendre hommage à la mémoire du camarde Imre Nagy, le chef communiste du gouvernement de cette révolution qui a été fusillé par les staliniens. » (38) (Entre parenthèses, la presse fasciste, elle aussi, a salué la mémoire de Nagy, cet éminent nationaliste exécuté par les stalinistes...)

Plus loin, le même journal trotskiste affirmera: « Imre Nagy a payé de sa vie son action courageuse à côtés des Conseils ouvriers du Grand Budapest de sa vie. Ces Conseils exigeaient la démocratie dans le cadre du socialisme. » (39)

Nous avons consacré un chapitre à la l’analyse de la contre-révolution armée de 1956 en Hongrie dans le livre L’URSS et la contre-révolution de velours.

Avec Solidarnosc, le « pouvoir ouvrier »

En Pologne, Solidarnosc a été présenté par les trotskistes comme une organisation engagée dans le combat contre la bureaucratie stalinienne et pour le socialisme prolétarien!

La IVe Internationale écrit en 1980: « Solidarnosc fonctionne objectivement de plus en plus, du moins sur le plan local et régional, comme un organe de double pouvoir; la révolution politique antibureaucratique a, en fait, déjà commencé en Pologne. L’expérience polonaise illustre le contenu prolétarien révolutionnaire des revendications démocratiques et nationales dans les Etats ouvriers bureaucratisés. » (40)

Toujours en 1981, les trotskistes se plaignent que Solidarnosc ne veut pas prendre le pouvoir, quoi qu’elle représente un pouvoir alternatif, celui des travailleurs. « Les gens sont désarmés par l’incapacité de Solidarnosc de prendre le pouvoir.(...) Il serait particulièrement tragique en ce moment que la haine du totalitarisme puisse servir à désarmer les travailleurs confrontés à la dictature totalitaire. Un pouvoir a surgi contre l’Etat: le pouvoir des travailleurs polonais. » (41)

Et lorsqu’en 1989 Solidarnosc, forte du soutien de Reagan, de Bush, de madame Thatcher et de tous les services secrets occidentaux, s’apprête à prendre le pouvoir, Mandel n’a toujours pas changé d’opinion sur la nature de Solidarnosc et il affirme: « La législation de Solidarnosc est une victoire pour la classe ouvrière. » (42)

Avec la CIA, en Tchécoslovaquie

En 1990, en Tchécoslovaquie, le collaborateur notoire de Radio Free Europe et de la CIA, Vaclav Havel prend le pouvoir; il fera du trotskiste Petr Uhl le directeur de l’Agence de presse tchécoslovaque, porte parole officielle du nouvel Etat bourgeois pro-américain! Uhl écrit alors: « On pourrait discuter dans quelle mesure la théorie de Trotski sur la révolution politique a été justifiée. Je pense que c’est en Tchécoslovaquie que la réalité est la plus proche de cette théorie. » (43)

Le 12 novembre, Mandel développe la même pensée qu’il pousse jusqu’à l’absurde (ou près qu’au sordide, comme vous voulez): il compare la contre-révolution tchécoslovaque...à la grande révolution d’Octobre!

Dans leur compte-rendu, les trotskistes écrivent: « Plus pétillant que jamais, notre camarade Ernest Mandel réaffirme qu’aucun doute n’est possible: ‘Ce que nous vivons en RDA et en Tchécoslovaquie est une véritable révolution, avec une ampleur et une profondeur sans précédant depuis la révolution russe de 1917’. » (44)

Petr Uhl a aussi donné une excellente description de la « révolution politique » en Tchécoslovaquie en tant que révolution anticommuniste, réalisé par le front de toutes les forces réactionnaires. Uhl déclare: « Il y avait ceux qui voyaient dans la Charte 77 un pas en direction de la révolution politique - c’était mon cas; d’autres voyaient un moyen de propager la parole de Christ. C’était un véritable laboratoire de tolérance. » « Tant qu’il s’agit de dire qu’on est contre le ‘communisme’, contre le stalinisme, contre la bureaucratie, tout le monde est d’accord. » (45)

Belle description du front regroupant les clérico-fascistes, les nationalistes réactionnaires, les sociaux-démocrates, les agents de Radio Free Europe et les trois trotskistes de service.

Ajoutons que les trotskistes nous apprenaient, en décembre 1989, que « l’histoire a pris en Tchécoslovaquie une revanche éclatante: Dubcek est réhabilité. » (46) Quoique les communistes authentiques aient pu diverger d’opinion quant à savoir si l’intervention soviétique de 1968 était justifiée ou pas, ils sont unanimes dans leur analyse du « Printemps de Prague » comme contre-révolution de type social-démocrate.

Nous avons consacré un chapitre à la Tchécoslovaquie entre 1968 et 1989, dans l’URSS et la contre-révolution de velours. Le lien entre les idées sociales-démocrates de Dubcek, en 1968, et les idées de la « révolution de velours » de Havel-Uhl y est analysé.

Nous y discutons les points de vue de Castro, qui soutint l’intervention, et de Mao, qui la condamna.

La révolution prolétarienne en RDA!

A partir de septembre 1989, la bourgeoisie revancharde de l’Allemagne Fédérale soutient, avec ses moyens financiers énormes, avec ses stations de télévision et ses radios, l’agitation anti-communiste en RDA. Le groupe de Mandel prétend « qu’une véritable révolution politique commence ». (47)

Deux semaine plus tard, Mandel salue la « révolution prolétarienne » en RDA ! « La montée du mouvement de masse qui secoue la RDA a pris l’ampleur d’une véritable révolution. Ce mouvement dépasse tout ce qu’on a vu en Europe depuis mai 1968, sinon depuis la révolution espagnole. Le caractère prolétarien de la révolution qui a commencé en RDA, est attesté par l’énorme ébullition dans les entreprises. » (48)

Un mois plus tard, en décembre 1989, l’excitation de Mandel atteindra son comble. « Je suis réellement excité par tout ce qui se passe à Berlin. Tout ce que Rosa Luxembourg, Trotski et Lénine ont toujours espéré peut maintenant être réalisé. La première révolution, depuis la révolution des Pays-Bas au XVIe siècle, qui n’est pas menacée par une intervention militaire étrangère.

Nous nous trouvons ici en face de la première génération allemande, depuis près de deux cents ans, qui soit totalement antimilitariste et antinationaliste.

Ce qui stimule mon enthousiasme c’est l’ampleur et la force exceptionnelle de ce mouvement populaire. Sur les cinq cent mille habitants de Leipzig, deux à trois cent mille sont descendus chaque lundi dans les rues, pendant huit semaines d’affilée. En Allemagne de l’Est, la tendance antisocialiste est particulièrement faible. Sur ces sept mille slogans, il n’y en avait pas un pour-cent qui était antisocialiste.

Personne ne peut dire si la prochaine révolution aura lieu en Russie, en France, en Afrique du Sud ou en Espagne, mais il est certain que les révolutions est-allemande et tchèque feront encore des petits. » (49)

Pour illustrer le caractère « socialiste » du mouvement en cours, la IVe Internationale cite une déclaration... d’un groupe social-démocrate. Or, la social-démocratie allemande est une force de choc de l’impérialisme allemand, puissance montante et expansionniste. La stratégie et la tactique mises en œuvre par Willy Brandt pour infiltrer, influencer, diviser et détruire le Parti communiste de la RDA, ont joué un grand rôle dans la dégénérescence opportuniste du SED.

Voici le texte cité par les trotskistes: « La démocratisation nécessaire de la RDA présuppose une contestation du monopole du pouvoir et de la prétention à la vérité du parti dominant. Pour nous, la formation d’un Parti social-démocrate est très importante. Nos orientations programmatiques: Etat de droit; démocratie parlementaire et pluripartisme; économie sociale de marché avec une rigoureuse interdiction du monopole; liberté de créer des syndicats indépendants. » (50)

Ainsi, les trotskistes vont jusqu’à présenter un programme qui prône ouvertement le régime bourgeois, comme illustration du caractère « prolétarien » de la « révolution politique » en cours... Et Mandel qui affirma que moins d’un pour cent des slogans étaient contre le socialisme!

Glasnost et multipartisme contre les « staliniens »

Mandel a défini trois critères pour distinguer les partisans du « stalinisme » des forces favorables à la marche vers le « socialisme démocratique et autogestionnaire »: l’attitude envers la glasnost de Gorbatchev, envers le rôle dirigeant du Parti communiste et envers la répression sur la place Tien An Men. (51)

Vive la Glasnost!

« Nous définissons la glasnost comme le processus de changements politiques qui élargit le champs d’exercice des libertés démocratiques », écrit Mandel. (52)

Dans le livre L’Union soviétique et la contre-révolution de velours, nous avons consacré un chapitre entier à la démonstration que cinq années de glasnost ont préparé systématiquement les esprits à la restauration capitaliste intégrale, que la glasnost a ressuscité les idéaux de la grande bourgeoisie russe d’avant 1917, que la glasnost a donné la parole à tous les anticommunistes, à des hommes de la CIA comme William Colby, son ancien directeur ou au révérend Moon, à des adeptes du tsarisme et de l’Eglise orthodoxe tsariste, aux anciens collaborateurs avec les nazis, aux hommes de Vlassov et de Bandera.

Mandel parla de « libertés démocratiques » en général, sans caractère de classe, au moment où Gorbatchev accordait la liberté à tous les contre-révolutionnaires qui voulaient enterrer définitivement les dernières structures et influences socialistes.

L’idée la plus élémentaire du léninisme, est que le socialisme est une dictature de classe, unissant les travailleurs contre les forces de la bourgeoisie, contre les forces de l’exploitation. « Nous reconnaissons que toute liberté, dit Lénine, si elle n’est pas subordonnée aux intérêts de la libération du travail de l’oppression capitaliste, est une duperie. » (53)

A bas le parti unique!

La glasnost donna la parole à tous les courants anticommunistes, et elle permit aussi à toutes les forces capitalistes et pro-impérialistes de s’organiser et de lutter ouvertement pour la restauration. Mandel acclama en 1989 l’organisation de partis anticommunistes et contre-révolutionnaires en URSS. «  Le début d’élections véritables qui se manifeste aujourd’hui en URSS est un énorme pas en avant. Mais il faut qu’il y ait des élections réellement libres, avec liberté de constituer des tendances, des fractions et des partis divers, sans restrictions idéologiques.» (54)

En 1989-1990, Mandel a assisté à la réalisation de son rêve le plus cher, la légalisation de « partis divers, sans restriction idéologique », et la nouvelle bourgeoisie soviétique s’est manifestée à travers des partis sociaux-démocrates, libéraux, démocrates-chrétiennes, nationalistes-tsaristes etc.

Ce pluralisme bourgeois a scellé la liquidation finale du socialisme et la restauration complète du capitalisme. Aujourd’hui, la pratique de la lutte de classe a montré le caractère et la nature de cette revendication principale des trotskistes, formulée dès 1979.

Lors de son neuvième Congrès mondial, le groupe Mandel a voté une résolution qui « réinvente » presque mot par mot les thèses anticommunistes du renégat Kautsky, contre lesquelles Lénine a mené sa célèbre polémique.

Ainsi une nouvelle preuve a été fournie de cette vérité souvent répétée par le Parti bolchevique et par le camarade Staline: le trotskisme, c’est la social-démocratie de droite, parée d’un verbiage de « gauche ».

Dans le chapitre: « Parti unique ou pluripartisme », Mandel écrit ceci: « Si on dit que seuls les partis et organisations qui n’ont pas de programme bourgeois (et petits-bourgeois?) peuvent être légalisés, où va-t-on tracer la ligne de démarcation? Des partis ayant une majorité de membres originaires de la classe ouvrière, mais en même temps une idéologie bourgeoise, seront-ils interdits? Quelle est a ligne de démarcation entre le ‘programme bourgeois’ et l’idéologie réformiste’? Doit-on dès lors interdire également les partis réformistes? Supprimera-t-on la social-démocratie? (...) Aucune véritable démocratie ouvrière n’est possible sans la liberté de constituer un système pluriparti. » (55)

Oui, Lénine a supprimé les partis sociaux-démocrates, c’est-à-dire les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires. Parce que dans la guerre civile, ils ont lutté au côté du tsarisme, de la bourgeoisie et des forces interventionnistes et parce qu’ils ont été écrasés ensemble avec les forces féodales et bourgeoisies.

Et Lénine a souvent souligné qu’un représentant intelligent de la grande bourgeoisie, Milioukov, comprenait parfaitement que dans un premier temps, seul un parti de « gauche », social-démocrate, aurait une chance d’entraîner les masses dans la lutte antibolchevique. C’est pourquoi Milioukov pouvait se contenter de la seule légalisation d’un parti social-démocrate...

Ne pas réprimer la contre-révolution!

Jamais, le trotskisme ne perd des yeux son seul ennemi: le marxisme-léninisme, le mouvement communiste international. Ainsi, tout en niant bruyamment le danger d’une restauration, Mandel concentre ses attaques contre ceux qui dénoncent le processus contre-révolutionnaire en cours et qui affrontent effectivement la contre-révolution en marche.

Au cours de l’année 1989, deux tendances politiques ont osé affronter la contre-révolution montante. D’abord, en Europe de l’Est, des forces qui ont depuis de longues années des orientations opportunistes, de type khrouchtchéviennes et qui ont pratiqué le suivisme vis-à-vis de l’Union soviétique, et qui se sont rendu compte des intentions réelles de Gorbatchev. Ensuite, le Parti communiste chinois qui a réprimé l’émeute antisocialiste de Beijing.

Pour accélérer le processus de la restauration en Union soviétique, Gorbatchev a délibérément donné le feu vert à toutes les forces anticommunistes en Europe de l’Est. En y poussant la glasnost à sa conclusion logique, Gorbatchev voulait empêcher que les communistes authentiques des pays de l’Est et de l’Union soviétique puissent former un front anti-restaurateur. En même temps, la restauration intégrale en Europe de l’Est devrait encourager et aider les « réformateurs » en URSS.

Au moment où la restauration du capitalisme est pratiquement achevée en Pologne et en Hongrie, Mandel dit: « L’Europe de l’Est est actuellement secou

ée par une crise sans égale depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Contrairement à ce qu’un jugement superficiel pourrait faire croire, la bourgeoisie européenne ne voit pas d’un bon œil cette déstabilisation. Elle n’a pas l’espoir de récupérer l’Europe de l’Est au capitalisme. » (56)

Une année plus tard, cette affirmation que l’impérialisme « n’a pas l’espoir » de récupérer les pays de l’Est, suffit pour qualifier Mandel de clown de la contre-révolution. Elle a servi à justifier son soutien à toutes les forces antisocialistes montant à l’assaut de la « bureaucratie ». Mandel minait toute vigilance envers la nouvelle bourgeoisie et l’impérialisme.

Mais en même temps, Mandel faisait preuve d’une vigilance à toute épreuve envers les faibles forces communistes qui essayaient de résister à l’offensive bourgeoise! « On assiste à la coordination d’une sorte de ‘front international’ antigorbatchévien, incluant ceux que l’on nomme les ‘conservateurs’ en Roumanie, Tchécoslovaquie, Allemagne de l’Est, minorités néostaliniennes en Pologne et en Hongrie. » (57)

En avril 1989, Mandel salue les progrès évidents de la restauration bourgeoise en Pologne et Hongrie, appelée « expérience pluraliste ».

Havel est son héros, les adversaires de la restauration sont ses ennemis irréductibles. « Au moment où des expériences de formes limitées de pluralisme ont lieu en Pologne et en Hongrie, la direction pragoise réaffirmait le principe du ‘rôle dirigeant du parti’.(...) La presse d’Allemagne de l’Est continue à soutenir la répression en Tchécoslovaquie et pousse à la mise en place d’un axe Prague-Berlin-Bucarest contre la perestroika. Havel a été dépeint par Neues Deutschland comme un provocateur. » « Envoyez des messages de solidarité à Vaclav Havel en prison. » (58)

Pour les trotskistes, toute répression des forces antisocialistes, toute emprisonnement d’agents subversifs travaillant pour la CIA, genre Havel, est un crime monstrueux.

En mai 1989, les étudiants anticommunistes de Beijing avaient acclamé Gorbatchev aux cris « Vive la Glasnost et la Perestroika » et « Vive Solidarnosc ».

Lorsque l’émeute contre-révolutionnaire du 4 juin 1989 a été réprimée, Mandel a rejoint l’extrême droite mondiale, dirigée pour l’occasion par le Kuomintang, le parti fasciste régnant à Taiwan. Dans une première réaction aux événements de Beijing, le groupe Mandel écrit: « La caste bureaucratique...ne recule pas devant les crimes les plus répugnants. Cette leçon de l’histoire a déjà été écrite avec du sang sur les murs de Berlin en 1953, de Prague en 1968, de Gdansk en 1970, et de Varsovie en 1981. L’ampleur des horreurs à Beijing n’a son pareil que dans la façon dont la révolution hongroise a été écrasée en 1956. (...) Les bourreaux de Beijing n’ont pas encore gagné la bataille. Ils ont hésité trop longtemps! Aujourd’hui, le peuple chinois se révolte. L’insurrection se répand à travers le pays. L’armée éclate, une véritable guerre civile menace. » (59)

Tout comme les fascistes taiwanais, les trotskistes espéraient voir se développer en Chine une « véritable guerre civile » contre la « caste bureaucratique ». Puis Mandel lui-même a pondu une analyse « théorique » dans laquelle il affirme: « La Commune de Beijing (!) d’avril-mai 1989 était le début d’une révolution politique authentique qui essayait de remplacer le pouvoir corrompu et inefficace d’une clique de despotes bureaucratiques par le véritable pouvoir des masses populaires.(...) Les masses qui s’insurgeaient à Beijing n’avaient aucun intérêt à restaurer le capitalisme. Elles n’avaient pas non plus l’intention de la faire. » (60)

Heureusement, les trotskistes ne furent pas les seuls à sauver l’honneur, aussi se hâtent-ils de déclarer: « Seul l’aile gauche du Parti communiste de l’URSS a sauvé l’honneur du communisme. » « Nous sommes fiers de nous trouver aujourd’hui, dans notre protestation contre la répression sanguinaire en Chine, coude à coude avec d’autres communistes. La première réaction fut celle de Boris Eltsine. ‘Ce qui se passe en Chine, est un crime’ a déclaré le membre du Soviet Suprême, récemment élu. » (66)

Et voilà Mandel à nouveau fier de la compagnie de Eltsine.

Dans l’essai intitulé « Tien An Men 1989: de la dérive révisionniste à l’émeute contre-révolutionnaire », nous avons apporté des preuves du véritable caractère du mouvement de Beijing.

Fang Li-zhi, le père spirituel incontesté de la « contestation » étudiante de Beijing, déclara le 17 janvier 1989: « Le socialisme, dans sa mouture Lénine-Staline-Mao, a été tout à fait discrédité. Est-ce que une économie libre peut être compatible avec la forme spécifiquement chinoise de gouvernement dictatorial? La dictature socialiste est intimement liée à un système de propriété collective et son idéologie est antithétique du type de droits de propriété requis par une économie libre. » 

Trois parmi les principaux dirigeants du mouvement de Beijing, Yan Jiaqi, Wuer Kaixi et Wang Runnan, se sont réfugiés en France et y ont créé la Fédération pour la Démocratie. Ils définissent leur objectif dans leur programme: « développer l’économie d’initiative privée et mettre fin à la dictature d’un seul parti« .

Au nom du pluripartisme, les trois ont rejoint...le parti fasciste de Taiwan, le Kuomingtang. Wuer Kaixi, mis en évidence dans la presse trotskiste, a rencontré le 29 janvier 1990 le chef de l’espionnage taiwanais en Chine Populaire, John Chang, à qui il a dit: « La communication entre les chinois anticommunistes est le premier pas vers l’unité. »

Yan Jiaqi et Wang Runnan se sont aussi rendus à Taiwan. Yan y déclara: « Le fait que Taiwan ait un gouvernement démocratique, nous est le bienvenu. Cela me semble la base fondamentale pour la réunification de Taiwan et de la Chine continentale« . Yueh Wu, le chef du soi-disant « Syndicat Ouvrier Indépendant », très cher aux trotskistes, est arrivé à Taiwan, le 16 janvier 1990, à l’invitation de la... World Anti-Communiste League. (57)

Ainsi, dans son effort pour distinguer les « staliniens » qui défendent les principes marxistes-léninistes des partisans du « socialisme pluripartiste », Mandel a distingué un troisième critère: « Un autre révélateur est l’attitude à l’égard de la répression sanglante de la Commune de Pékin. Dans le camp de ceux qui ont condamné les massacres de la place Tien An Men se placent presque tous les partis favorables à la glasnost.. » (63)

Les « staliniens » de Pyongyang à La Havana

En octobre 1989, Mandel range parmi les forces du « stalinisme », les Partis Communistes chinois, allemand (RDA), vietnamien, roumain, tchécoslovaque, bulgare, japonais, indien (PCI-marxiste), nord-coréen albanais, portugais et les groupes qu’il qualifie de pro-albanais et de maoïstes.

Et aussi le Parti communiste cubain.

Lorsque Mandel affirme que « le PC cubain occupe une position à part », il fait référence à sa tactique particulière envers Cuba pour y aider à la destruction du Parti Communiste.

Ceci apparaît clairement dans la thèse suivante qu’il développe: « Les attaques de Fidel Castro et de la direction cubaine contre la glasnost, c’est-à-dire contre le processus de démocratisation partielle en cours en URSS, sont contraires aux intérêts du prolétariat soviétique, du prolétariat international et à ceux de la révolution cubaine. Elles risquent de provoquer une grave crise de légitimité de la direction cubaine elle-même aux yeux d’une partie des masses, surtout des jeunes. » « Les entraves à la liberté de pensée se multiplient à Cuba« .

Le Parti communiste « se substitue » aux masses. « Cette régression idéologique pénible, est à la longue suicidaire« . Castro ne peut pas lutter efficacement contre « la dégénérescence bureaucratique de l’Etat cubain », parce qu’il « rejette la glasnost, la démocratisation pluraliste, le contrôle institutionnalisé des masses. » « Il ne lui reste alors que la lutte bureaucratique contre la bureaucratie. C’est courir à l’échec certain, comme on l’a vu en URSS et en République populaire de Chine. » (64)

Ceci montre bien que la haine des trotskistes envers le « régime bureaucratique du parti unique » s’étend aussi au « parti unique cubain ». Si l’approche tactique est différente, c’est parce que les trotskistes estiment qu’il seront plus efficaces pour détruire le mouvement communiste en Amérique Latine, en infiltrant le Parti communiste cubain et les partis qui sont proches de Cuba. Cela s’est déjà manifesté dans le travail destructif que ces anticommunistes ont pu mener pendant dix ans au sein du Front sandiniste.

Maintenant, ils espèrent pouvoir s’approcher de l’aile « progressiste, antibureaucratique, réformateur » du Parti communiste cubain. Ils ont quelqu’espoir que les longues fréquentations des Cubains avec les Soviétiques aient suffi à former des partisans de la glasnost et du pluripartisme...

Entre-temps, nous avons eu l’occasion de vérifier en Europe de l’Est et en Union soviétique à quoi aboutissent les conseils judicieux d’un Mandel: au triomphe de la contre-révolution, au rétablissement intégral du capitalisme, à la résurgence du fascisme et du nationalisme réactionnaire, à un capitalisme des plus sauvages où des super-riches côtoient des millions d’hommes rejetés dans une misère inhumaine, à la guerre civile. Il n’y pas de doute que le Parti communiste cubain prendra les mesures qui s’imposent contre l’infiltration à Cuba de ces anticommunistes et contre-révolutionnaires professionnels.

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Notes

(1) Trotski: L’appareil policier du stalinisme, Ed Union générale d’Editions, 1976, Collection 10-18, p.26

(2) Mandel, Inprecor, n°295, 16-29 octobre 1989, p.20.

(3) Mandel: Où va l’URSS de Gorbatchev? Ed. La Brèche, Montreuil, 1989, p.20 et 23.

(4) Rood, n°14, 15 août 1989

(5) Rood, 24 octobre 1989, p.6-7

(6) Rood, n° 24, 26 décembre 1989, p.1.

(7) Mandel, Inprecor, n°295, 16-29 octobre 1989, p.20.

(8) Inprecor, 11-24 septembre 1992, p. 19.

(9) Temps Nouveau, n°38-1990, p.41-42.

(10) Catherine Samary dans Argumenti e fakti, 2 décembre 1989, Inprecor, n°302, 9-23 février 1990, p.27.

(11) Mandel: Où va l’URSS de Gorbatchev? Ed. La Brèche, Montreuil, 1989 p. 303.

(12) Ibidem, p.305-306

(13) Inprecor, n°285, 3 avril 1989, p.4.

(14) Sakharov: Mon pays et le monde, Ed. Seuil, 1975, p.75.

(15) Gazet van Antwerpen, 18 septembre 1989, p.6.

(16) Inprecor, n°304, 9-22 mars 1990, p.36.

(17) Mandel, Financieel-Ekonomische Tijd, 23 mars 1990: Ernest Mandel: « Gorbatchev is te vergelijken met Roosevelt en De Gaulle ».

(18) Inprecor, hors série, 29 août 1991, p. 1-3.

(19) Harry Mol, Rood, n°2, 22 janvier 1992, p.20.

(20) Mandel: Où va l’URSS de Gorbatchev?, Ed. La Brèche, Montreuil, 1989 p.23.

(21) Rood, 9 janvier 1990, p. 10.

(22) Ibidem, p. 12.

(23) Mandel: Où va l’URSS de Gorbatchev?, Ed. La Brèche, Montreuil, 1989 p.340.

(24) Trotski: L’appareil policier du stalinisme, Union générale. d’Editions, Paris, 1976, collection 10-18, p.193, 256, 257, 247.

(25) Trotski, La lutte antibureaucratique en URSS, Union générale. d’Editions, 1975, p.300, 301, 169, 213.

(26) Turpin Pierre: Le trotskisme aujourd’hui, Ed. L’Harmattan, Paris, 1988, p. 61-62.

(27) Bernard Henri, 1982, p.9.

(28) Ibidem, p.48-49.

(29) Trotski: L’appareil policier du stalinisme, Union générale. d’Editions, Paris, 1976, collection 10-18, p.169

(30) Ibidem, p.188.

(31) Ibidem, p.206.

(32) Ibidem, p.302-303.

(33) Turpin Pierre: Le trotskisme aujourd’hui, Ed. L’Harmattan, Paris, 1988, p.23.

(34) Berkenkruis, juin 1992, n°6, p.4-5, reprenant un article de Der Freiwillige, octobre 1956.

(35) Rood, 6 juin 1989, p.2.

(36) Inprecor, XIe Congrès mondial de la IVe Internationale, novembre 1979, p.250.

(37) Martens Ludo: L’URSS et la contre-révolution de velours, Ed. EPO, Bruxelles, 1990, p.107.

(38) Rood, 20 juin 1989, p. 6.

(39) Rood, n°12, 20 juin 1989, p.12.

(40) Inprecor, n°105, 6 juillet 1981, p.14.

(41) Sean Connoly, Inprecor, n° 108, 14 septembre 1981, p.24.

(42) Mandel, Inprecor, n° 283, 6 mars 1989, p.4.

(43) Petr Uhl, Inprecor, n°304, 9-22 mars 1990, p.26.

(44) Rood, 26 décembre 1989, p. 5.

(45) Inprecor, n°296, 30 octobre-12 novembre 1989, p.4.

(46) Rood, 26 décembre 1989, p. 8.

(47) Inprecor, n°296, 30 oct-12 novembre 1989, p.4.

(48) Mandel Inprecor, n°297, 13-26 novembre 1989, p.3.

(49) Humo, 21 décembre 1989, p 18-20.

(50) Groupe d’Initiative pour un Parti Social-Démocrate en RDA, 12 septembre 1989, dans: Inprecor, n°297, 13-26 novembre 1989, p.10.

(51) Inprecor, n°295, 16-29 octobre 1989, p.15-16.

(52) Mandel, Inprecor, n°295, 16-29 oct 1989, p. 15.

(53) Lénine: Le Ier Congrès de l’enseignement extra-scolaire, 19 mai 1919, Tome 29, p.356-362.

(54) Mandel, Inprecor, n° 283, 6 mars 1989, p.4.

(55) Inprecor, numéro spécial, IXe Congrès mondial, 1979, p.236-237.

(56) Mandel, Inprecor, n° 283, 6 mars 1989, p.4.

(57) Inprecor, n°283, 6 mars 1989, p 3.

(58) Inprecor, n°287, 1er Mai 1989, p.8-9.

(59) Rood, 6 juin 1989, p.2.

(60) Rood, 20 juin 1989, p. 6-7.

(61) Rood, 20 juin 1989, p.6 et 12.

(62) « Tien An Men 1989: de la dérive révisionniste à l’émeute contre-révolutionnaire », dans: Etudes marxistes, n°12, sept. 1991, Bruxelles, p. 62-63.

(63) Inprecor, n°295, 16-29 octobre 1989, p.15-16.

(64) Inprecor, n°295, 16-29 octobre 1989, p.18-19.

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