2011, l'année du plagiat !
Par Laurent Martinet
LEXPRESS.Fr
PPDA, Macé-Scaron, Carolis, Yade...
les plagieurs de l'année.
L'actualité littéraire 2011 a tourné autour d'un thème récurrent: les copieurs.
Faut-il que la littérature soit si mal en point que seul le manque d'inspiration
retienne l'attention du public?
Bilan.
En janvier, Patrick Poivre d'Arvor ouvre le bal des plagiaires.
Sur LEXPRESS.fr, Jérôme Dupuis pointe d'une plume acérée les
nombreuses similitudes entre son Hemingway. La vie jusqu'à l'excès
(Arthaud) et Ernest Hemigway. Au fil de sa jeunesse, une bio signée Peter
Griffin, parue chez Gallimard en 1989. Manque de temps? Méthodes de
travail particulières? Sur la première partie de son évocation "très
personnelle" de la vie du célèbre barbu, PPDA s'est lourdement appuyé
sur le texte de Griffin, sans même le mentionner dans sa bibliographie.
L'ancienne vedette du 20h00 de TF1 est touchée, le scandale est
considérable, les chiffres de fréquentation de notre site s'envolent.
PPDA condamné pour contrefaçon
PPDA n'en a pas fini. Il rempile, dès le mois de juin, et affronte son
ancienne compagne, Agathe Borne, qui l'assigne pour contrefaçon et
atteinte à l'intimité de la vie privée pour son roman Fragments d'une femme
perdue (Grasset, 2009). L'affaire est cruelle, pour l'un comme pour l'autre.
Dans son "roman", PPDA a repris telles quelles les lettres que sa
maîtresse lui écrivait et fait d'elle un portrait peu amène. La justice
considère que "l'oeuvre ne peut être qualifiée de fictionnelle" et donne tort
à l'écrivain. Il est condamné en septembre à 33 000 euros de dommages
et intérêts.
Son livre ne pourra être réédité.
Macé-Scaron et l'"intertextualité"
PPDA partage son épreuve avec un compère quelques semaines plus
tard: fin août, Joseph Macé-Scaron, littéraire prestigieux, directeur adjoint
de Marianne et directeur du Magazine littéraire, reconnaît avoir "emprunté"
à l'auteur américain Bill Bryson quelques passages de son roman Ticket
d'entrée (Grasset). Mais il réfute le terme de plagiat et parle
d'"intertextualité". Ces emprunts, comme d'autres qui remontent à la
surface, seraient des hommages - cachés - aux écrivains qu'il a aimés.
Début septembre, L'Express révèle pourtant qu'il n'a pas limité sa méthode
à la seule littérature. En tant que journaliste, Macé-Scaron l'emploie aussi.
Troublant.
Patrick de Carolis "s'inspire" des historiens
Au bal des plagiaires, l'orchestre joue toujours. Début novembre, la veuve
de Pierre Grimal, historien spécialiste de l'antiquité, accuse Patrick de
Carolis, ancien directeur de France Télévisions, d'avoir pillé L'Amour à
Rome (Belles Lettres, 1979) pour nourrir son roman historique La Dame du
Palatin (Plon). De Carolis reconnaît avoir utilisé l'ouvrage de Grimal,
comme ceux d'autres historiens, à des fins documentaires. Mais il est
assigné le 13 décembre devant le TGI de Paris pour contrefaçon. La
plaignante demande plus de 269 000 euros de dédommagements.
Rama Yade se sert sur Internet
A tout bal, il faut une princesse. Mi-novembre, Rama Yade reconnaît qu'une
erreur dans la bibliographie de son Plaidoyer pour une instruction publique
(Grasset) a privé le chercheur Jean-Michel Muglioni de la moindre mention,
alors qu'elle a repris plusieurs de ses textes sans guillemets. Son mot
d'excuse? Elle a trouvé ces textes sur Internet, et ne peut citer tous les
sites dont elle s'est servi. Quelques jours plus tard, l'équipe du Petit
Journal de Yann Barthès relève d'autres passages, copiés ceux-là dans
des articles de presse.
Se documenter, c'est bien. Citer précisément ses sources, c'est mieux.
Crise de l'inspiration ou crise de l'édition?
Qu'ont en commun ces quatre malheureux auteurs?
Surexposés médiatiquement, ils cumulent les activités. PPDA anime ses
émissions littéraires, Macé-Scaron ses journaux, Carolis entre à l'Académie
des Beaux-Arts et crée sa société de production, Rama Yade vibrionne au
parti radical après sa rupture avec Nicolas Sarkozy. Mais ces activités ne
leur suffisent pas. Pour exister, il faut publier, pour publier, écrire, et pour
écrire vite, puiser dans la documentation disponible. Les éditeurs qui
accompagnent ces projets se désolidarisent rarement de leurs auteurs
quand la tempête se met à souffler. Arthaud est resté fidèle à PPDA en
endossant la thèse invraisemblable de la copie de travail envoyée par
erreur à l'imprimeur; Plon soutient Patrick de Carolis.
Le plagiat n'est pas une notion juridique. Seule la contrefaçon, plus difficile
à prouver, l'est. Ce qui est en jeu dans ces affaires, c'est plutôt la
réputation. Alors que ces personnalités espéraient, en signant ces livres de
leur nom, entrer dans le saint des saints, la République des Lettres, 2011
les a condamnés à errer à ses marges, en attendant qu'un jour peut-être,
on veuille bien leur rouvrir les portes.