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CANAILLE
LE ROUGE

 

 

 

 

Mis en ligne quatre jours après le drame. D'abord de la retenue. Pour les victimes, leur famille, pour les blessés et tous les traumatisés. La priorité, trois jours après l'accident, c'est toujours eux. Parmi ceux-ci les cheminots de Brétigny non seulement aux premières loges si ont ose l'écrire ainsi mais en première ligne des secours. Quand arrive une telle tuile, le poids des événements créé une sorte de sidération qui oscille entre incompréhension et interrogation de ce qui se passe mais aussi, plus forte que la précédente, se double sur le terrain d'une capacité à organiser les secours et tenir bon ces premières minutes. Ils craqueront peut être, mais plus tard, après, quand pompiers SAMU et tutelles auront pris le relais en première ligne, mais en attendant, faire face.
Pour avoir vécu de tels moments La Canaille sait combien pour tous ceux qui ont été mêlés à cet instant va être long le temps de pouvoir retrouver le sommeil, avant de ne pas avoir l'esprit brutalement assailli de bruits, d'éclats de voix, de cris, d'images.
Beaucoup d'hésitation avant d'entamer cette p@ge. Brétigny a fait partie de très nombreuses années du terrain d'action professionnelle, militante et plus de l'auteur de ces lignes. Au point que sa dernière journée de cheminots actif est partie de cette gare de Brétigny, d'un des quais à la marquise cisaillée, pour arriver sur la voie 21 de Paris Austerlitz. C'est ce qui donne envie d'écrire sa solidarité plus encore que dans d'autre circonstances, mais de s'imposer une approche résolument prudente sur les faits concrets, les cheminots et les experts judiciaires travaillent, tout en posant quelques questions.
Personne qui ne parle des singularités du nœud ferroviaire de Brétigny qui par son histoire et sa situation mérite qu'on s'y arrête d'autant qu'il peut participer à l'explication des évènements.
Contrairement à ce qu'affirment nombre de Journalistes par manque d'information ou affichant un nouvel exemple de ce "parisiano-nombrilisme" de triste facture, Brétigny n'est pas une "petite gare de banlieue".
C'est l'historique gare de séparation entre la ligne la ligne d'Orléans et la ligne "impériale" vers Tours, la desserte de la Beauce et ses trafics agro industriels vers Dourdan, Auneau Chartres et Châteaudun, Vendôme, (desservant Voves, camp d'internement des patriotes durant vichy et l'occupation), proche du Centre d'Essais en Vol de Brétigny pivot de l'aéronautique française, d'un pôle industriel, de dessertes d'établissements militaires, c'est aujourd'hui un des symboles de la casse-remodelage de l'outil ferroviaire en Île de France qui a progressivement fait d'une ville ouvrière une citée calée sur l'alternat migratoire quotidien et donc a imposé des mutations dans l'infrastructure toujours en retard sur les besoins des usagers.
Au cœur de ce tissu urbain, un de ces triages marchandises abandonné au profit du tout routier et dont les infrastructures sont figées, fermées, déclassées. Longtemps aussi base arrière du garage des rames des trains de voyageurs au départ d'Austerlitz ou en attente d'entrée à l'atelier de Paris Masséna pour maintenance et réparation des voitures voyageurs.
Sa situation géographique et la structuration d'un grand centre ferroviaire a construit les conditions de l'organisation des trafics, leur transformation et depuis plus de trente ans a tendu à limite de rupture la sensibilité de l'infrastructure
Au fur et à mesure d'une spécialisation vers le trafic des trains de banlieue qui deviendra "ligne C" en 1979 puis de l'ouverture de la branche atlantique du TGV laquelle permettra simultanément de désengager le trafic voyageur Paris Orléans Limoges Toulouse (ramené à la portion congrue), et Orléans Tours Bordeaux. Ces prestigieuses lignes du Capitole et de l'Etendard, l'Aquitaine, de la Puerta del sol, Sud Express) alors tellement à l'avant-garde technologique (trains commerciaux à 160 et 200km/h) en 1988 que malgré les mises en garde réitérées des cheminots des syndicats de Juvisy et Brétigny sur le besoin d'un haut niveau d'entretien, la direction de la SNCF se reposait sur ses deux oreilles, et ne sortait de sa léthargie que pour consacrer plus d'investissements pour supprimer le personnel, restructurer les établissements, déposer des installations (qui à ce moment manquent pour organiser les dessertes d'urgences entre St Michel sur Orge et Juvisy) et fermer les infrastructures que pour donner au réseau sa capacité de faire face aux trafics et maintenir ce niveau de sécurité qui faisait sa renommée.
Parmi les éléments de compréhension, il sera bien que la justice pour trouver l'explication juste de la catastrophe exige de consulter les PV des réunions de DP, de la commission économique du Comité d'entreprise régional, ceux des commissions locales multifonctionnelles et les travaux des CHSCT, singulièrement à partir de la fusion des régions de PSO et PMP et les débats âpres autour moyens humains dédiés et crédits alloués à l'entretien de l'outil ferroviaire.
Il faut rappeler ici que la gare d'Austerlitz (dont Pepy déjà de quart sur la passerelle d'un navire qui n'était pas encore arrimé au quai du commandant Mouchotte avait participé à signer l'arrêt de mort) sera sauvée par la lutte pugnace des cheminots. Avec ce paradoxe : en 2013, chantier imposé par les luttes, on modernise Auster mais hors trafic ligne C on gère petit bras les lignes qui en partent en attendant l'horizon 2020. Eclisse ou autre cause, cela n'aura pas tenu jusque là.

 

La déclaration dans le Monde de ce lundi 15 du patron de RFF disant que le réseau sur Paris Orléans Limoges n'est pas en cause est à la limite de l'insolence voire de la provocation.
La plate forme est à quatre voies principales de Paris à Etampes. La direction de la SNCF, mère maquerelle avec RFF, tire sa compté sur les finances régionales et le STIF qui lui entretiennent les 4 voies de Paris à Brétigny mais dès qu'il faut reprendre la main (les voies intérieures à partir de Brétigny concernent alors beaucoup moins la Région), "on mégotte", on retarde voir réfléchit à baisser la vitesse pour économiser sur l'entretient et surtout les moyens humains de maintenance. Ces aiguilles d'avant quais voyageurs sens impair en deviennent le triste symbole.
Canaille le rouge se permet même une question : la précipitation de Guillaume III à reconnaître toute la responsabilité (réelle) de la SNCF n'est-elle pas faite pour limiter les investigations qui démontrerait les circonstances aggravantes d'une politique qui en d'autre temps a fabriqué des Flaugeac, des Argenton ?
Pour les mêmes raisons n'y a-t-il pas là la conséquence d'un pari aux conséquences dramatiques sur le retard à faire face aux exigences qu'impose la sécurité ferroviaire ? La Canaille dans ce moment de brusque poussée caniculaire et de grands départs ne peut aussi manquer de s'interroger sur la pérennisation des ex"tournées de chaleur" qui si elle demandaient de mobiliser beaucoup de monde permettaient aux agents de l'équipement une inspection fine de toutes les parties des infrastructures (voies et caténaires) sollicitées fortement par les modifications de température… dont les joints de rail et leurs éclisses. A pied sur le terrain et en cabine des locomotives, les gars de la voies notaient tous les points sensibles et faisait intervenir d'urgence si nécessaire. Est-ce toujours possible après les restructurations subies par le service public et la façon dont les services de l'équipement ont été éviscérés et décérébrés pour donner l'entretient à la sous traitance liée aux grands groupes du BTP et …la précarité avec ses éternelles interrogations sur la transmission des savoirs faire et contrôles de bonne fin garantie certes de façon contractuelle mais avec quelles vérifications concrètes et réceptions des travaux?
La maladie dont souffre le réseau a des causes connues symbolisées par le désengagement de l'état de sa dette envers la SNCF et la séparation pour permettre la privatisation des dessertes entre l'exploitation et l'infrastructure. Le volet "transports régionaux" de la loi SRU (encore elle) dites loi Gayssot va inscrire cette empreinte et poussera les régions à investir sur les parties de lignes affectées à leur propre trafic, la SNCF se désengageant des trains interrégionaux et transversaux. Brétigny et son appareil de voie est sur cette ligne de partage.
Il faudra que les juges examinent aussi si des ruptures majeures de la chaine de sécurité ne sont pas liées à cette fameuse théorie du risque calculé qui commence avec le surbooking qui fait voyager debout et se termine avec l'allongement des pas de révisions du matériel et des infrastructures conduisant au plan rouge.
Il faudra savoir réellement pourquoi et comment une éclisse (si l'hypothèse devait se confirmer) a pu entrer en déshérence et conduire à de telles conséquences.
Déjà, c'est ainsi que Canaille le Rouge voit les choses, nous sommes un peu dans la configuration de "the Navigator" et British Railways. Casse du service public, oukase de l'UE pour enfoncer l'entreprise publique (qui, il faut le marteler, est une Société Nationale et non pas une compagnie ferroviaire) dans la gestion à risques calculés au nom des économies de moyens (qui n'empêchent pas Pepy, pour briller devant Matignon et Bercy de verser un "dividende" à l'état considéré comme actionnaire (ce qui n'existe pas) et celui-ci via l'aréopage ministériel de Bercy de l'accepter), des critères de gestion qui au final brossent le fond ce tableau de l'apocalypse de Brétigny. Combien le plan Ayrault met il pour rénover (dit-il) combien l'état a-t-il ponctionné dans la poches des usagers via ce "dividende" sommes qui manquent pour assurer un fonctionnement moins pire de l'entreprise public.
Ceux qui tiennent les pinceaux et organisent le salon doivent non pas jouer aux procureurs ou experts mais avoir leur place au premier rang dans le box quand la justice passera.
Dernier point que jusqu'à présent peu de commentateurs ont relevé : la chaines des services publics pour secourir porter aides et assistance aux usagers : pompiers professionnels et volontaires, Samu, urgences hospitalières, protection civile et bien sur mes camarades cheminots, tous de services publics soumis aux coups des budgets de rigueur ont fait face et su coordonner malgré des moyens en régression. C'est bien de le noter des trémolos dans la voix du côté de l'Elysée pour autant peut-être va –t-il falloir, mais tout montre qu'il s'y refuse, remettre d'urgence la question des moyens de la civilisation et de ses services publics pour arrêter cette politique de rigueur et ses conséquences mortifères.
Au risque de choquer, là aussi quitter cette UE et ses directives dont tous les futurs candidats aux élections européennes acceptent le principe de leur existence, est la première des garanties pour interdire que d'autre Brétigny puisse se reproduire.

 

Ce ne sera pas suffisant mais cela déjà permettra d'éliminer la part la plus lourde des contraintes.
Tag(s) : #Economie
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