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Ukraine: quand les nazis mènent le bal

par Geoffroy Gérard legros

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Il y a des pays comme ça dont je me méfie, pas uniformément mais dans certaines de leurs composantes… Le nationalisme, l’hostilité envers la Russie et l’accueil favorable à l’Allemagne me rappelle abusivement peut-être de mauvais souvenirs… Je ne sais pas ce qu’il faut penser de ce que dit cet article à savoir qu’en Ukraine les mouvements "encouragés" par l’Europe, l’Allemagne en particulier, au point que son ministre des Affaires étrangères y vient appuyer les manifestations anti-gouvernementales et antirusse me fait me poser un certain nombre de questions.

Ce qui se passe déjà en Europe, en Hongrie, mais aussi dans les pays baltes rendent cette information crédible . Non, « Svoboda » n’est pas un « parti nationaliste », comme on peut le lire un peu partout. Non, Oleg Tiagnibok n’est pas le « chef du parti de la Liberté », avec toute l’équivoque que peut comporter, dans le texte, la traduction bien placée d’un label partisan adopté sur le tard.M. Tiagnibok est un dirigeant nazi, « Svoboda » est un parti nazi, et ce sont des emblèmes nazis et des mots d’ordre nazis que répercutent journaux et télés qui font leurs choux gras de la crise ukrainienne.De même, les groupes issus du mouvement « Panthères » (Panteri), qui ont assailli le Parlement slovène en 2010, n’étaient pas, comme on a pu le lire, des « jeunes révoltés » : ce sont des néo-nazis, qui tabassent, voire tuent les « nègres » (Zamorc) et confondent dans leur détestation Juifs, Serbes, Bosniaques, Croates, rassemblés sous le terme de « čefur », lui-même issu du vieux turcisme « čifut » : « youpin ». (note de Danielle Bleitrach)

8 décembre 2013

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« Négros, youpins, ruskofs » ! Ils sont dans le collimateur de la 4ème force politique ukrainienne depuis 2012, le parti nazi et pro-européen ukrainien « Svoboda », locomotive des manifestations qui se déroulent en Ukraine depuis deux semaines. Un premier rôle qui couronne dix années de dédiabolisation — toute formelle… — et obtient un label « révolutionnaire » et « démocratique » grâce aux médias occidentaux.

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Un emblème omniprésent : trois doigts de la main couleur or sur bannière azur comme une promesse de victoire renouvelée. Des mots d’ordre et des drapeaux qui claquent au vent. Des porte-parole qui manient avec ardeur et habileté le langage « révolutionnaire ». Le parti « Svoboda » est la locomotive des manifestations qui, depuis deux semaines, secouent plusieurs villes d’Ukraine. Ainsi, ce sont ses militants qui ont fait franchir un cap décisif à la contestation ukrainienne, en occupant la mairie de la capitale, Kiev, transformée par leurs soins en « quartier général révolutionnaire ».

Pas une photographie, pas un reportage télévision qui ne donne à voir les insignes de cette organisation montante. Forte de 37 députés à la Verkhovna Rada (Assemblée nationale), « Svoboda » est devenu en 2012 la 4ème force politique de l’ancienne république socialiste. Une percée électorale et un activisme qui ont imposé Oleg Tiagnibok — au nombre des leaders de l’opposition — au président Viktor Ianoukovitch.

 

L’ancien et le neuf : malgré l’adoption d’un symbole « neutre », les militants de « Svoboda » restent attachés à la rune « Wolfsangel », signe de l’« idée de nation » et insigne de la division SS « Das reich ».

 

Du nazisme au dialogue

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Sobrement identifié comme « nationaliste » par la presse occidentale, le dirigeant de « Svoboda » parade dans les médias, aux côtés d’Arseniy Yatsenyuk, représentant de l’oligarque emprisonnée Ioulia Timoshenko, et de l’ancien boxeur, Vitali Klitchko, revenu d’Allemagne après avoir annoncé sa candidature à l’élection présidentielle. C’est avec ce triumvirat que le ministre allemand, Guido Westerwelle, a souhaité entamer un « dialogue », après une visite sur la « Place de l’Indépendance » de Kiev (EuroMaïdan) en soutien aux « centaines de milliers de personnes dont le cœur bat en Europe ».

Stratégie de dédiabolisation

Pour « Svoboda », l’accès au leadership de « l’opposition démocratique » encouragée par les chancelleries occidentales couronne une stratégie de dédiabolisation engagée il y a 10 ans. En 2004, le « Parti national-socialiste d’Ukraine » néo-nazi, fondé en 1995, optait pour la dénomination plus consensuelle de « Svoboda » — « Liberté » en langue ukrainienne. Simultanément, la rune « Wolfstangel », symbole de « l’idée nationale » et insigne de la division SS « Das Reich », faisait place aux trois doigts couleur or, évocation « conviviale » du traditionnel trident ukrainien.

Mal acceptée par certains militants attachés à l’emblématique nazie, cette mue symbolique n’a en revanche guère affecté le discours du parti ultra-nationaliste. Ainsi, note la chercheuse, Halyna Bocheva, auteure d’une étude consacrée à l’extrême-droite ukrainienne, « Svoboda articule un discours ouvertement raciste à l’encontre des minorités visibles ».

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JPEG – 131.3 koNée à kiev de père congolais et de mère ukrainienne, la chanteuse pop « Gaitana » a été prise pour cible par « Svoboda ».

 

« Négros » et « youpins »

Outre les étudiants africains, qui, comme en Russie, constituent des cibles permanentes pour l’extrême-droite, « Svoboda » cible les quelques Noirs et métis du pays, dont la chanteuse « Gaitana », native de Kiev, de père congolais et de mère ukrainienne. Une « négresse », aux yeux de l’extrême-droite, qui « représente un coin quelque part en Afrique », estimait Yuri Syrotiuk, porte-parole du parti. Mais ce sont les Juifs et les Russes, indistinctement considérés comme « ennemis de la Nation », qui sont néanmoins les cibles privilégiées de « Svoboda ».

Un Poutine « pédé » et « enjuivé »

« La « mafia judéo-russe » contrôle le Kremlin », expliquait en 2004 Oleg Tiagnibok. Des Juifs qui seraient, depuis la Révolution bolchévique, les agents de la « russification », mettraient aujourd’hui le pays en coupe réglée via le gouvernement Ianoukovitch aux ordres du « Juif Poutine » et prépareraient un « génocide » contre la population chrétienne du pays. Des thématiques racistes qui expliquent le soutien, a priori paradoxal, que reçoit « Svoboda » d’une partie de l’extrême-droite russe, elle-même en pointe des manifestations anti-Poutine de l’an dernier, laquelle pourfend sans répit un Poutine « pédé » et « enjuivé ».
 

Oleg Tiagnibok, leader de Svoboda. À droite, le portrait de Stepan Bandera, chef collaborationniste ukrainien durant la Seconde Guerre mondiale.
Elle regrette la « fin de l’Apartheid en Afrique du Sud »

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Au nombre de ses soutiens russes, « Svoboda » compte aussi l’ancienne dissidente, Valeria Novodvorskaya, qui, par ailleurs, dit « regretter » la « fin de l’Apartheid en Afrique du Sud ». En 2010, « Svoboda » appelait au boycott d’une exposition consacrée aux massacres de Polonais et de Russes par les Nazis au cours de la Seconde Guerre mondiale : une « provocation judéo-polonaise », selon le bureau du parti, dont le dirigeant dissertait plus tôt, en séance parlementaire, sur la distinction entre « youpins » et « Juifs », « Russkofs » et Russes. Nostalgique de la collaboration ukrainienne, « Svoboda » soutient la réhabilitation de la division SS « Galicie », partiellement composée de volontaires ukrainiens sous l’occupation nazie.

« Voler l’or des Ukrainiens »

Le parti s’inscrit ainsi dans un courant mémoriel et culturel initié par la « Révolution orange » qui, en 2004, a consacré la victoire du tandem pro-européen composé de Viktor Iouchtchenko et de Ioulia Timochenko. Cette dernière avait d’ailleurs en 2004 pris la défense du journal raciste « Isti Visti », auteur — entre autre — d’un article selon lequel « 400.000 Juifs ukrainiens avaient rejoint les troupes nazies pendant la Seconde Guerre mondiale, afin de voler l’or des Ukrainiens ».

Un nazisme relooké

Outre la réhabilitation de plusieurs nazis notoires et la consécration du collaborationniste, Stepan Bandera, au rang de « héros national », la Révolution orange fut la matrice d’une culture d’extrême-droite underground, qui irrigue la confuse constellation de groupuscules qui, à la faveur de la crise, ont le vent en poupe en Europe : un nazisme relooké, qui mêle antisémitisme, suprématisme blanc, rejet des musulmans, hédonisme, post-modernisme et combine, en fonction des enjeux, discours social, féminisme, ultralibéralisme et appels à la tradition.

Aux portes du pouvoir ?  

À la faveur de la crise de la corruption bien réelle du gouvernement en place, et de son recrutement caricaturalement favorable aux russophones, « Svoboda » met en avant des solutions économiques anti-libérales telles que la nationalisation des grandes industries, le protectionnisme économique, la sécurité de l’emploi, la protection de la paysannerie et l’extension du service public. Un agenda qui contredit en tous points le Traité d’intégration à l’Union européenne défendu par le parti, puisque celui-ci, rapporte la revue « Ekspert », exige de l’Ukraine la privatisation de son industrie gazière et le relèvement des tarifs individuels du gaz…

« Svoboda est devenu un acteur décisif du jeu politique ukrainien », observait en septembre dernier l’universitaire, Dustin Christensen, qui, déjà, voyait dans l’éventuel rejet de l’accord d’intégration avec l’Union européenne un facteur de crise politique susceptible de mener le parti de M. Tiagnibok aux portes du pouvoir. Nul doute que le bombardement de son parti au nombre des « forces démocratiques » par les médias occidentaux — et la diplomatie allemande, qui retrouve assez logiquement le fil de la Mitteleuropa — nourrira encore cette dynamique.
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Geoffroy Géraud Legros

L’auteur de cet article a vécu plusieurs années dans l’aire qu’il est convenu de nommer « Europe centrale et orientale ». Outre ses travaux de recherche, il s’est investi dans la vie civile et politique des pays où il a séjourné — notamment dans l’espace (ex-) yougoslave. C’est l’observation, appliquée à l’Ukraine, de constantes dans la démarche des médias occidentaux, et notamment français, qui a suscité l’écriture de ces quelques lignes.

Non, « Svoboda » n’est pas un « parti nationaliste », comme on peut le lire un peu partout. Non, Oleg Tiagnibok n’est pas le « chef du parti de la Liberté », avec toute l’équivoque que peut comporter, dans le texte, la traduction bien placée d’un label partisan adopté sur le tard.

M. Tiagnibok est un dirigeant nazi, « Svoboda » est un parti nazi, et ce sont des emblèmes nazis et des mots d’ordre nazis que répercutent journaux et télés qui font leurs choux gras de la crise ukrainienne.

De même, les groupes issus du mouvement « Panthères » (Panteri), qui ont assailli le Parlement slovène en 2010, n’étaient pas, comme on a pu le lire, des « jeunes révoltés » : ce sont des néo-nazis, qui tabassent, voire tuent les « nègres » (Zamorc) et confondent dans leur détestation Juifs, Serbes, Bosniaques, Croates, rassemblés sous le terme de « čefur », lui-même issu du vieux turcisme « čifut » : « youpin ».

Les manifestants-type de Moscou et de Kiev ne sont pas des geek à barbiche et à la coule, des activistes LGBT et des bloggers férus de droits de l’homme : ces gens-là n’existent pas en terme de rapport de force politique — ou existent juste assez pour servir d’idiots utiles à la large masse des néo-nazis, ultranationalistes et nostalgiques de l’ère Brejnev qui occupent les rues et écrivent, par exemple, qu’un tunnel caché relie le Kremlin à des synagogues secrètes où se déroulent des meurtres rituels.

Pire : tout se passe comme si, sans le savoir, nos confrères avaient pleinement intégré les lieux communs de la littérature consacrée aux « transitions » post-communistes — dont la mesure du caractère démocratique d’une société, à sa seule aptitude à garantir le « marché libre et non faussé ».


Ainsi, l’extrême-droite hongroise au pouvoir, active de longue date, raciste, pan-ottomane, qui veut dresser des « listes de Juifs nuisibles à l’État » et affirme que « l’islamisme est la seule chance de l’Europe » n’a commencé à inquiéter les faiseurs d’opinion qu’au moment où il s’est avéré qu’elle pourrait — peut-être — nationaliser certaines entreprises.

À l’inverse, on tend la perche (de micro) à des dirigeants croates qui emprisonnent leurs opposants, font l’apologie du régime nazi des Oustachi, et exigeaient après 1992 de la part de fonctionnaires yougoslaves présents sur le sol du nouvel État la production d’une domovnica — certificat de nationalité impossible à décrocher pour qui n’était pas « purement » Croate.

On préfère zoomer les tresses de Mme Timochenko que les réhabilitations d’anciens nazis qui ont lieu en Ukraine, mais aussi en Estonie, en Lettonie et en Moldavie ; on ne veut pas voir l’édification d’Etats autoritaires en Géorgie, en Serbie, ni, dans un autre registre, les progrès du salafisme dans la Bosnie soi-disant multiculturelle. Tout cela parce que les dirigeants de ces Etats, souvent plus autoritaires encore que leurs prédécesseurs, procèdent à des privatisations favorables aux intérêts des pays occidentaux — ou plus exactement, aux multinationales.

Cette cécité a de graves conséquences : non seulement par le pouvoir de légitimation qui accompagne la parole des médias de l’Ouest dans une Europe orientale qui continue de se vivre, selon la formule de Conrad, « sous l’œil de l’Occident ». Mais aussi, parce que l’extrême-droite « moderne », qui, après la Hollande, trouve à l’Est ses fabriques idéologiques et symboliques, profite dans son ensemble de cette mondialisation des symboles, thématiques et postures que lui offre une presse pourtant affairée, chez elle, à traquer antisémitisme, racisme et nazisme jusque dans le coeur ténébreux de l’inconscient et de l’implicite…


Tag(s) : #Europe
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