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Quand les néolibéraux récrivent l’Histoire

22 février par Hervé Nathan

 

Après la guerre, l’Allemagne, vaincue et exsangue, a bénéficié d’importantes facilités pour se reconstruire. Loin des implacables conditions faites aujourd’hui à la Grèce. Ce qui n’empêche pas les créanciers d’Athènes, dont Berlin, de faire preuve de la plus stricte intransigeance.

Autrefois, la falsification de l’histoire était l’apanage des régimes totalitaires et ne s’étendait guère au-delà des questions directement politiques. Au XXIe siècle, changement de décor. A Washington, Londres, Paris ou Moscou, nous n’ignorons rien des coulisses du pouvoir. Nous parvenons même à décrypter ce théâtre d’ombres qu’est Pékin. Mais, lorsqu’il s’agit d’économie, nous délaissons trop souvent la vérité au profit des contes et légendes entretenus par des néolibéraux, des sociaux-démocrates ou des conservateurs, en apparence tout à fait respectables.

C’est ainsi que, pour légitimer leurs exigences de mesures drastiques à l’encontre de la Grèce, les responsables politiques européens, aidés d’économistes, de polémistes ou de journalistes comme Arnaud Leparmentier, du Monde, nous écrivent un récit qui se veut historique, mais qui relève davantage du storytelling.

Selon ces conteurs, la dette amassée serait issue des seules gabegies des gouvernements grecs, élus parce qu’ils distribuaient sans compter des prébendes à leurs clientèles. Oubliées, les combinaisons de la banque Goldman Sachs, enterrées, les ventes d’armes allemandes et françaises à la Grèce, ignoré, l’aveuglement de la Commission européenne. Mieux encore, l’Europe et les contribuables du Nord auraient apporté aux Grecs une « aide » de 240 milliards d’euros, alors qu’il s’agit de prêts…

Ce nouveau récit économique concerne également l’Allemagne. L’aversion des Allemands à l’égard de l’inflation viendrait du rôle historique de celle-ci. Elle aurait porté Hitler au pouvoir en 1933, de quoi légitimer l’orientation monétariste de la Bundesbank. Or, c’est au contraire la politique de déflation mise en oeuvre en 1932 par le chancelier centriste Brüning, jetant au chômage un travailleur sur quatre, qui a fait le lit du nazisme.

Nous avons choisi de remettre au jour un autre épisode tombé dans l’oubli : l’accord de Londres, signé il y a exactement soixante-deux ans, le 27 février 1953, qui avait vu les Alliés vainqueurs réduire de plus de la moitié la dette de l’Allemagne, permettant autant sinon davantage que la création du deutsche Mark le « miracle économique » allemand, et la prospérité de l’Europe occidentale.


Source : Marianne (France) du 20 février 2015

Tag(s) : #Histoire
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