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	 Philippe Martinez : « Qui est moderne et qui est ringard ? »

Siège de la CGT, à Montreuil. Philippe Martinez — Secrétaire général de l’un des plus grands syndicats du pays (fondé en 1895, il compte aujourd’hui 680 000 salariés adhérents), fils d’un combattant des Brigades internationales et ancien technicien de la métallurgie aux usines Renault — nous reçoit dans son bureau.

Derrière lui, un casque de docker du Havre et un T-shirt féministe. Martinez fut, lors du mouvement social contre la loi Travail, au printemps dernier, l’un des nombreux visages de la contestation — au point d’être décrit par les majordomes du pouvoir libéral comme « l’homme qui veut mettre la France à genoux » (Le Figaro) et assimilé, avec sa Confédération, à Daech (Le Point). Rien moins.

Nous le retrouvons donc le mouvement retombé afin de parler, recul étant mais toujours aux prises avec le moment politique présent, modernité à la Macron, histoire syndicale, violences, transition énergétique et sexisme au travail. 


Vous commencez comme technicien chez Renault en 1982, au lendemain de la victoire François Mitterrand, quelle est l’ambiance qui règne alors ?

Je suis arrivé chez Renault un an après son accession au pouvoir. J’avais eu quelques petits boulots auparavant, un peu de chômage, mais rien à voir avec ce que peuvent vivre les jeunes aujourd’hui — les délais pour accéder à un CDI sont dix fois plus long qu’à l’époque. C’était donc mon premier boulot stable, mon premier CDI, et donc un événement dans ma vie. Cette année-là, pour les salariés et tous les travailleurs, les réformes gouvernementales étaient plutôt socialement innovantes. J’en ai d’ailleurs bénéficié puisqu’il avait été décidé que pour mille départs en retraite chez Renault, il y aurait mille embauches : j’ai fait partie du contingent des mille jeunes qui ont remplacé les mille qui partaient. Je n’ai pas croisé tout de suite les militants de la CGT mais ils m’ont raconté plus tard qu’il y avait beaucoup d’euphorie chez les salariés et un peu plus de réserve chez les militants CGT, qui se demandaient, eux, combien de temps ça allait durer. Mais c’était une ambiance un peu particulière ; certains surévaluaient le changement — c’était un vrai changement d’avoir un président de gauche, il n’y avait plus eu de ministre communiste depuis 1947 —, certains avaient peur ; d’autres, la majorité, étaient euphoriques. Et il y avait des militants lucides. Mais l’atmosphère était plutôt joyeuse.

Finalement, il y a eu ce que les commentateurs appellent le « tournant de la rigueur » en 1983, ce moment où « la gauche a cessé d’être de gauche ». Ce ressenti domine, à ce moment-là, dans les usines ?

C’est un sentiment de trahison. À l’époque, certaines promesses de campagnes avaient quand même été tenues — ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Par exemple, la réduction du temps de travail, les nationalisations, une vraie politique d’emploi. Mais la déception est vite venue, l’incompréhension aussi. Certains disaient qu’il n’était pas possible de faire autrement alors que d’autres considéraient qu’avoir relâché la pression était une erreur ; c’est toujours à celui qui tire le plus fort — donner du mou, au prétexte que la gauche était au pouvoir, s’est fait à la faveur du patronat.

Emmanuel Macron critique notre société de statuts, de droits collectifs et de procédures administratives car nous serions désormais dans une société d’individus plus singuliers, moins dociles, plus entreprenants…

« C’est l’idée qu’on peut s’en sortir individuellement et en dehors de toute règle collective : tout le contraire de ce que nous portons, tout le contraire de l’histoire de ce pays. »

 

 

 

 

Macron, je le compare souvent à Tapie, qui est plus de ma génération. J’ai vécu le phénomène Tapie : l’entrepreneur qui va aller faire le bonheur des salariés à leur place, qui rachète des boîtes, qui écrit des livres expliquant comment réussir dans la vie. Il n’a pas dit que tout le monde devait vouloir devenir milliardaire mais, en gros, c’était ça. Ses origines et son parcours ne sont pas tout à fait les mêmes mais la philosophie est identique. C’est l’idée qu’on peut s’en sortir individuellement et en dehors de toute règle collective. Et que tous ceux qui le veulent peuvent réussir dans la vie. C’est tout le contraire de...

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http://www.revue-ballast.fr/philippe-martinez-moderne-ringard/

Tag(s) : #Lutte de classes
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