Les Palestiniens décrivent depuis longtemps la domination israélienne comme un régime d’apartheid.(Haidi Motola / ActiveStills)
Israël impose un seul régime de domination par l’apartheid du Jourdain à la Mer Méditerranée, a déclaré mardi l’éminente association des droits de l’homme B’Tselem.
« Il n’y a qu’un seul régime qui gouverne la zone entière et la population qui y vit, fondé sur un seul principe directeur », a dit l’association israélienne, faisant écho à ce que leurs homologues palestiniens déclarent depuis des décennies.
« Le régime israélien instaure des lois, des pratiques et une violence d’État destinées à cimenter la suprématie d’une seul groupe – les Juifs – sur un autre – les Palestiniens », déclare B’Tselem dans son document de principe.
La position de B’Tselem fait écho à celle de la Commission Economique et Sociale de l’ONU pour l ‘Asie Occidentale (CESAO), qui concluait en 2017 en disant que « Israël a installé un régime d’apartheid qui domine la population palestinienne tout entière ».
Le rapport de la CESAO a été annulé par le secrétaire général de l’ONU, et Rima Khalaf, la responsable à la tête de ce rapport, a été obligée de démissionner.
En 2009, le Conseil de Recherches en Sciences Humaines d’Afrique du Sud a déterminé de la même manière qu’Israël pratique l’apartheid en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza occupées.
Même un législateur américain a appelé Israël Etat d’apartheid alors que la réalité de la situation devient impossible à ignorer.
Malgré le consensus croissant sur le fait que l’occupation de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza fait partie d’un régime d’apartheid, l’ONU « a failli depuis des décennies » à enquêter sur Israël pour la perpétration de ce crime, a récemment déclaré dans une prise de position le Comité National palestinien de Boycott, Désinvestissement et Sanctions.
Et le régime d’apartheid d’Israël ne sera vraisemblablement examiné dans aucune enquête de la Cour Pénale Internationale, bien que le document sur lequel elle a été créée – le Statut de Rome – reconnaisse l’apartheid comme un crime contre l’humanité.
« Mosaïque fragmentée »
Dans son nouveau document d’opinion, B’Tselem explique qu’Israël manipule l’espace différemment pour chaque groupe qui vit sous son autorité inégale.
« Les citoyens juifs vivent comme si la zone entière était un seul espace (à l’exclusion de la Bande de Gaza) », déclare B’Tselem.
Pendant ce temps, les Palestiniens vivent dans une « mosaïque fragmentée » de plusieurs unités qu’Israël « définit et gouverne différemment » avec différents degrés de limites sur leurs droits – « qui tous sont inférieurs si on les compare aux droits accordés aux citoyens juifs » qui vivent dans la même zone.
B’Tselem identifie quatre moyens essentiels grâce auxquels Israël fait progresser ce que l’association appelle « la suprématie juive ».
Il s’agit entre autres de « restreindre la migration des non-juifs et de s’emparer de la terre des Palestiniens pour bâtir des communautés réservées aux seuls Juifs tout en reléguant les Palestiniens dans de petites enclaves » – pratique mise en place dans l’ensemble d’Israël et des territoires qu’il occupe.
En Cisjordanie occupée, cela peut ressembler au transfert forcé des communautés pastorales dans la Vallée du Jourdain.
Pour les citoyens palestiniens d’Israël, cela signifie une politique foncière discriminatoire qui empêche de construire pour loger la population grandissante.
Dans les deux cas, les Palestiniens font face à de sévères contraintes concernant leur lieu de vie tandis que les communautés juives ne sont soumises à aucune restriction.
En plus, Israël impose des « restrictions draconiennes » sur la liberté de circulation des Palestiniens en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza et leur dénie leurs droits politiques.
Un rapport publié en 2019 par Human Rights Watch déclarait qu’Israël avait dénié aux Palestiniens qui vivent sous occupation militaire leurs droits civiques fondamentaux depuis plus de cinq décennies, créant un environnement grandement oppressif.
Par ailleurs, comme le déclare B’Tselem dans son papier d’opinion, « Israël est le seul à avoir le pouvoir sur l’enregistrement des populations, l’affectation de la terre, les listes électorales et le droit (ou le refus) de circuler à l’intérieur, entre ou à l’extérieur de n’importe quelle partie de la zone ».
« Construction démographique »
Un aspect essentiel du régime d’apartheid d’Israël étudié dans le document de position de B’Tselem est le déni du droit au retour des réfugiés palestiniens – forme de « construction démographique » reconnue dans le rapport de la CESAO supprimé par l’ONU.
« Israël défend son rejet du retour des Palestiniens dans un langage franchement raciste », déclare le rapport de la CESAO. « On prétend que les Palestiniens constituent une ‘menace démographique’ et que leur retour altérerait le caractère démographique d’Israël au point de l’éliminer en tant qu’Etat juif. »
L’organe de l’ONU a décrit le refus par Israël du droit au retour comme « partie intégrante du système d’oppression et de domination du peuple palestinien tout entier ».
Le droit au retour est consacré dans le droit international et se trouve au coeur de la cause de la libération palestinienne.
On convient généralement qu’Israël exerce un contrôle considérable sur la vie des Palestiniens qui vivent sous son autorité.
Al-Haq, association palestinienne des droits de l’homme, a déclaré que la fragmentation par Israël de la société palestinienne a obligé les gens à faire des choix de vie aussi personnels que qui ils épousent et où ils vivent « en fonction des contraintes de la politique d’Israël ».
« Façade fracassée »
B’Tselem conclut en disant que « un régime qui se sert de lois, de pratiques et de violence organisée pour consolider la suprématie d’un groupe sur un autre est un régime d’apartheid.
Apartheid, terme inventé à l’occasion du pouvoir des Blancs en Afrique du Sud, est défini par la Cour Pénale Internationale comme un « régime institutionnalisé d’oppression et de domination systématiques par un groupe racial ».
Tandis qu’un régime d’apartheid est « progressivement devenu plus institutionnalisé et explicite » dans les territoires sous autorité israélienne, dit B’Tselem, l’ETat a « fracassé la façade » de démocratie avec une occupation militaire temporaire ces dernières années.
L’association de défense des droits insiste sur la dite loi de l’Etat-nation récemment votée, qui stipule que « le droit d’exercer une autodétermination nationale dans l’État d’Israël n’appartient qu’à la population juive ».
L’association de défense des droits dit aussi que les projets d’Israël d’annexer officiellement de larges pans de la Cisjordanie démontre que « l’intention » de l’État « de parvenir à un contrôle permanent sur la zone tout entière a déjà été ouvertement déclarée par les plus hauts responsables de l’Etat ».
Une structure d’apartheid complique « la perception commune du récit public, politique, juridique et médiatique » comme quoi il y a deux régimes séparés en Israël et les territoires palestiniens qu’il occupe, note B’Tselem.
(Israël occupe également les Hauteurs du Golan syrien depuis 1967, bien que le traitement de ce territoire ne soit pas débattu dans le papier de B’Tselem.)
Une analyse de l’apartheid remet en question l’hypothèse qui sous- tend la solution à deux Etats à la recherche un Etat palestinien Cisjoenrdanie et à Gaza à côté d’Israël, comme mis en avant par l’ONU et l’UE.
Le Comité National palestinien de Boycott, Désinvestissement et Sanctions a déclaré que reconnaître et enquêter sur l’apartheid israélien, c’est nécessaire « pour acquérir la liberté, la justice et l’égalité pour le peuple palestinien ».
Le comité a ajouté que le mythe des négociations avec Israël n’a fait que permettre à l’État d’apartheid de « poursuivre sa pratique de longue date » d’annexion du territoire palestinien et sa violence concomitante contre les Palestiniens.