Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les Indégivrables… mais pas qu'eux – le blog à dessins de Xavier Gorce

 

Xavier Gorce: l’indégivrable viré

Dans mon papier précédent, j’abordais l’affaire Duhamel. Mon objet, je le rappelle, était de défendre non pas l’homme, mais un principe. Celui qui veut qu’un homme ne puisse être puni qu’en vertu de la loi et la décision d’un juge, et non par la foule ou le tribunal médiatique. Je voulais aussi souligner à quel point ce genre de curée contribue à créer un climat de peur ou personne n’ose plus exprimer une opinion qui puisse déplaire aux dragons de vertu qui pullulent dans l’espace médiatique.

Ce dernier point est parfaitement illustré par ce qu’on peut appeler « l’affaire Gorce », du nom du dessinateur qui publie – ou plutôt publiait – des caricatures dans lesquelles des pingouins étrangement humains discutent des affaires de société dans les pages d’un vénérable journal qui aime à se croire le journal de référence. Et bien, l’affaire commence lorsque Gorce publie un dessin dans lequel un poussin pose à un adulte la question suivante : « si j’ai été abusée par le demi-frère adoptif de la compagne de mon père transgenre devenu ma mère, est-ce un inceste » ?

Chacun peut juger la plaisanterie plus ou moins drôle, mais il faut chercher la petite bête pour voir dans ce dessin une volonté malveillante ou injurieuse envers qui que ce soit. Mais justement, les chercheurs de petites bêtes ne manquent pas, et la « culture de l’offense » a fait son chemin chez nous. Tempête donc sur les réseaux sociaux : « infâme », « violent », « nauséabond », « mauvais goût extrême », « idées rances et réactionnaires », « provocation facile et gratuite pour s’éviter de s’interroger sur des sujets de société qui le mettent manifestement mal à l’aise », « on ne ressent que l’aigreur, l’envie de nuire et d’exclure ».

Et que croyez-vous qu’il arriva ? N’écoutant que son courage… le journal s’est frappé la poitrine, et la corde au cou il a imploré le pardon : « Ce dessin peut en effet être lu comme une relativisation de la gravité des faits d’inceste, en des termes déplacés vis-à-vis des victimes et des personnes transgenres ». On admirera la cohérence du journal : les caricatures du prophète, y compris lorsqu’elles franchissent les limites du bon goût, c’est de la liberté d’expression. Mais caricaturer les « victimes » ou les « transgenres », c’est hors de question. Le journal nous le dit clairement « (le) dessin signé Xavier Gorce (…) n’aurait pas dû être publié ». Comme quoi, il n’y a pas que les islamistes qui manquent de sens de l’humour.

Conséquence : Xavier Gorce a claqué la porte du journal. Il a parfaitement raison : on ne peut admettre de travailler sous surveillance. Quant au journal, on ne peut dire que cette affaire redore son blason. Comment croire à ses leçons de courage et d’intégrité journalistique alors qu’on se couche ainsi devant les minorités agissantes ? Comment imaginer que le journal puisse informer « sans peur et sans reproche » quand le moindre reproche, la peur aidant, le conduit à se dédire sur le champ ?

Cette affaire montre combien nos élites politico-médiatiques vivent sous un régime de terreur. Gérard Oury avait pu réaliser « Rabbi Jacob » en 1973. Dans les années 2000, à la fin de sa vie, il constatait lui-même qu’il n’aurait pas pu le refaire, tant la « culture de l’offense » était devenue dominante. Aujourd’hui, personne n’est à l’abri, tous sont soumis à la surveillance des procureurs autodésignés, toujours prêts à vous trainer devant le tribunal de l’opinion. Un tribunal qui non seulement condamne arbitrairement mais qui, circonstance aggravante, manque singulièrement de sens de l’humour.

Descartes

Tag(s) : #Médias, #Censure
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :