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Banque pour pauvre : quel établissement est adapté ? – M2

Au 10 du mois....​​​​​​​

RÉPRESSION :
Une loi d’« insécurité globale »
pour les sans-abri et les militants

SOURCE : L'Humanité

Ajoutée à la dernière minute, une disposition destinée à empêcher les occupations de locaux risque de criminaliser plus encore les sans-logis et menace les actions revendicatives. Les associations ont saisi le Conseil constitutionnel.

Il est arrivé à la dernière minute, en catimini, mais il menace les plus pauvres et ceux qui les défendent. La commission mixte paritaire chargée d’examiner la dernière version de loi pour « une sécurité globale préservant les libertés », votée définitivement mi-avril, y a ajouté un article sur l’occupation illégale des locaux qui« précarise et criminalise davantage les personnes sans-logis »,dénonce un collectif de 18 associations, dont Droit au logement (DAL), Emmaüs, la Fondation Abbé- Pierre, Médecins du monde et le Secours catholique.

Cet article 1er bis A reprend et renforce un amendement déposé par Laurent Duplomb et Bruno Retailleau, sénateurs Les Républicains, qui visait implicitement les associations écologiques, puisque destiné à l’origine à« renforcer les sanctions encourues en cas d’intrusion illégale dans une exploitation agricole ». Il triple les peines contre ceux que les parlementaires appellent avec mépris« les squatteurs ».

Malgré leur précarité, ceux-ci risquent désormais trois ans d’emprisonnement au lieu d’un et 45 000 euros d’amende contre 15 000 auparavant. Autre nouveauté, l’interdiction d’occupation sans titre de propriété ne concerne plus les seules habitations, mais vise désormais tout« local professionnel, commercial, agricole ou industriel ». Usines désaffectées, bureaux vides, terrains en jachère sont donc inclus dans cette nouvelle définition. L’application du texte est confiée aux policiers municipaux, chargés d’alerter la police judiciaire et, si besoin, de retenir les contrevenants.

L’état fait supporter ses carences aux plus fragiles

« Le squat, c’est une solution subie. Pénaliser les sans-logis ne va pas les fairedisparaître.Ça va juste les rendre plus invisibles. Ça va pousser les personnes à s’installer dans des lieux plus isolés, insalubres, voire dangereux, où ils seront encore plus éloignés de l’accès aux soins et à leurs droits »,s’alarme Orane Lamas, chargée de projet « santé des personnes mal logées » pour Médecins du monde.

Alors que plus de 300 000 personnes sont sans logis en France, que les conséquences économiques de la crise sanitaire menacent d’en jeter d’autres à la rue, et que plus de 3 millions de logements sont vides, cette répression accrue contre les occupants sans titre est dangereuse et fait supporter aux plus fragiles les carences de l’État.« Il est malhonnête d’inverser ainsi la responsabilité, de s’attaquer aux mal-logés et à ceux qui les accompagnent plutôt qu’à la racine du problème, à savoir le manque de logements abordables et de places d’hébergement »,souligne Ninon Overhoff, responsable du département « De la rue au logement » au Secours catholique.

Ce durcissement de la loi s’inscrit dans un climat politico-médiatique de chasse aux squatteurs.« À partir de quelques exemples montés en épingle dans la presse régionale et sur leschaînesd’information en continu, on a vu monter depuis quelques mois une campagne organisée de stigmatisation, relayée et instrumentalisée par certains parlementaires »,souligne Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé-Pierre. L’image de squatteurs sans scrupule s’installant dans les domiciles de personnes âgées pour tout y saccager s’est ainsi imposée. Même si aucune donnée officielle n’est disponible (en 2019, il y a eu 1 900 assignations devant les tribunaux de personnes sans titre, dont une partie seulement sont des squatteurs), l’idée

d’un phénomène massif et en hausse s’est répandue, poussant la ministre du Logement à annoncer le 27 avril dernier la création d’un « observatoire » sur la question.

Cette obsession des squatteurs avait déjà entraîné un premier tour de vis législatif à l’automne 2020. La loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap, avait autorisé les préfets à accélérer les évacuations, en incluant les résidences secondaires. En ajoutant cette fois tous les lieux privés, cette loi« prise à la va-vite »,qui comporte« un flou important autour de la notion de domicile », rompt« l’équilibre qui existait entre droit de la propriété et droit au logement »,prévient le directeur des études à la Fondation Abbé-Pierre.

L’image menaçante du squatteur qui sous-tend cet arsenal législatif ne correspond pourtant pas à la réalité. Dans leur grande majorité, les occupations se font dans des bâtiments publics ou des anciens locaux d’entreprises à l’abandon, pas chez des particuliers.« Bien loin de l’image qu’on veut en donner, ce sont des personnes extrêmement vulnérables, souvent des familles,abîméespar de longs parcours d’errance et qui trouvent refuge dans un lieu d’habitat informeletinconfortable, pas par plaisir, mais parce qu’ils n’ont pas le choix »,rappelle Ninon Overhoff. Les squats, sous toutes leurs formes,« sont aussi des lieux d’expérimentation sociale intéressants, qui ont souvent permis de faire avancer le débat public, comme on l’a vu à Notre-Dame-des-Landes »,souligne aussi Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de DAL.

« Amplifier la guerre

   contre tout le mouvement social »

Mais l’article 1er bis A de la loi de sécurité globale menace bien au-delà des seuls sans-abri.« Il vise à amplifier la guerre contre les personnes vulnérables, mais aussi contre ceux qui les défendent et plus généralement contre tout le mouvement social »,analyse Me Lorraine Questiaux, auteure de la saisine du Conseil constitutionnel déposée le 29 avril par les associations. Tous ceux qui utilisent l’occupation comme mode d’action revendicative, depuis les associations de défense des sans-abri jusqu’aux salariés dans leur lieu de travail, en passant par les ZAD, sont désormais sous le coup de sanctions importantes et à la merci d’autorités locales.

En donnant aux polices municipales la mission d’appliquer les dispositions anti- occupations illégales,« la loi transfère les compétences aux maires, qui sont des autorités politiques, sans le moindre contrôle de la justice.

Cela entraîne un changement de l’équilibre des pouvoirs au sein des communes »,avertit l’avocate. Il revient maintenant au Conseil constitutionnel, qui avait censuré en décembre 2020 une proposition similaire de durcissement des sanctions contre les squatteurs, de se prononcer.

par  Camille Bauer ,
Tag(s) : #Lutte de classes
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