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Dimanche 21 juillet 2013

l'interview vérité de Cyril LAZARO

Bonjour Cyril.

Quelle est selon toi la principale qualité de Disneyland Paris ?


Sa capacité à faire rêver sa clientèle, et de s'être imposé comme la première destination touristique en Europe. D'avoir su accroître  le nombre de ses visiteurs et fidéliser une bonne partie de ceux-ci.


Son principal défaut?


Celui de ne pas être en adéquation au sein de l'entreprise avec les valeurs qu'elle prétend représenter.


Les salariés sont-ils heureux?


Certains le sont, mais dans le monde opérationnel, les petits salariés sont en souffrance.


Les conditions de travail sont-elles plus dures qu'ailleurs?


Pas vraiment. La vraie difficulté est que les jobs ne sont pas forcément intéressants, et que Disney recrute du personnel surqualifié pour des postes subalternes, tout en payant au ras des pâquerettes.

 

Il y a aussi le problème récurrent lié à l'optimisation du temps de travail qui conduit à des changements de planning incessants pour les salariés, des changements de location, il y a là une atteinte fondamentale et continue au droit des salariés d'avoir une vie privée posée et équilibrée. Si en un premier temps cela est passé tranquillement faute de réaction syndicale, il est important aujourd'hui que la Direction prenne conscience qu'avec le temps, cette dérèglementation affecte le moral et la santé des salariés.

 

De plus nous sommes face à ce que j'appelle des économies de bouts de chandelles momentanées qui finiront par se payer le prix fort tôt ou tard. Un peu comme les split shifts qui ont conduit de nombreux salariés à des restrictions médicales au fil du temps, faute de prévoyance et de vigilance

.

Comment perçois-tu le management ?


Je le trouve en grande partie incompétent, arriviste et égoïste, surtout dans le monde opérationnel.


Peux-tu préciser ?


Disney a promu un système high directive, accordant trop de pouvoirs à l'encadrement, et une mentalité de chefaillons en a aussitôt résulté. Le partenariat signé avec l'armée s'inscrit dans cette démarche à mon sens. Il est à noter que la mise en place de l'autonomie des établissements a accru la problématique. Aujourd'hui, l'encadrement de certains établissements pense détenir les pleins pouvoirs sur ce qu'il considère être devenu son territoire. Cela a accru les dérives, et augmenté l'éteignoir vis à vis de la Direction Générale


Cela signifie quoi concrêtement ?


Cela signifie que l'exploitation des salariés se fait par l'écrasement des plus faibles, et la répression de toute forme d'opposition. Quant à la Direction Générale, elle a enfin la paix qu'elle souhaite, sachant très bien ce qui se passe mais ne préférant pas s'immiscer dans les différents paniers de crabes qu'elle a créé volontairement.


Que penses-tu de l'action syndicale?


Inexistante.


A quoi servent les syndicats alors?


A parapher les accords.


Penses-tu que ce mode de fonctionnement puisse continuer longtemps?


Autant de temps que la Direction de l'entreprise le souhaitera.


Et quel est le défaut de ce mode de fonctionnement selon toi?


Les salariés ne croient plus en rien. Une démotivation profonde. Pas d'attente d'amélioration pour l'avenir. Implication des salariés quasi nulle.


Tu penses que ces facteurs sont liés à l'absence de représentation syndicale digne de ce nom?


Pas uniquement, mais en grande partie. Les salariés sont entrés dans la résignation, on vient, on bosse puis on se casse. Avec le temps, ils ont compris qu'il n'y a rien à attendre.


Penses-tu que cela soit une bonne chose pour une entreprise comme Disney?

 

Non, mais c'est le choix qu'elle a fait.


Il semblerait qu'au travers du programme Team Talent, l'entreprise a affiché une volonté de changer les choses, qu'en penses-tu?


Ce n'est pas le premier programme de la sorte lancé par l'entreprise et ce ne sera sans doute pas le dernier. Nous sommes dans l'entretien de l'illusion. Faire croire, mais en réalité ne rien faire.


Pourquoi milites-tu dans cette entreprise?


Par amour de la justice. Lorsque l'injustice est érigée en règle, il appartient à tout un chacun de se positionner et de combattre selon ses capacités

.

Que penses-tu du scandale et des malversations au Comité d'Entreprise?


Je pense qu'un groupe d'individus s'est approprié le syndicalisme à Disneyland Paris, en accord avec la Direction, et qu'il se paye grassement en échange d'une inaction chronique.


Quand tu parles d'un groupe d'individus, tu dépasses le cadre de l'enquête actuelle sur les malversations?


Je ne dépasse rien du tout, je dis simplement ce que tous les salariés pensent : de tels détournements n'ont pas pu s'effectuer sans complicités.

 

Penses-tu que la justice apportera un jour des réponses sur ce dossier?

 

Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que nous sommes quelques personnes à avoir travaillé avec des journalistes d'investigation et qu'en moins de trois mois nous avions la réponse à un grand nombre de questions clés sur ce dossier.

 

Qu'est devenue cette enquête?

 

Elle devait être diffuée sur Canal + au début 2012, puis en septembre 2012, mais cela ne s'est pas réalisé. Elle ne sera vraisemblablement jamais diffusée.

 

Est-ce que cela aurait changé les choses?

 

Totalement. L'entreprise n'aurait plus pu jouer celle qui ne sait rien, n'a rien vu et rien entendu. Elle aurait été placée face à ses vraies responsabilités. La justice aussi, d'ailleurs.

 .

Tu penses que cela aurait accéléré les choses?

 

Obligatoirement. La Vérité aurait enfin éclaté et l'opinion publique aurait fait le reste. Disney aurait été dans l'obligation de réagir.

 

Qu'en est-il aujourd'hui?

 

Aujourd'hui, cela se passe comme pour les gros scandales politiques. Beaucoup de bruit au départ, quelques pétarades ensuite, et finalement un dossier qui s'enlise dans un tribunal et dont on peut douter qu'il sera un jour jugé...

 

On a voulu te muter de force ces derniers jours et t'envoyer faire de la manutention quotidienne. Quelle est la fin de ce petit feuilleton?

 

J'ai refusé de changer de poste, ce qui a provoqué un fort esclandre. La Directrice des Ressources Humaines sur les Hôtels m'a rencontré. Je lui ai expliqué que Disney pouvait aller au bout de sa logique, puisque je refusais la mutation, l'employeur pouvait me mettre en mise à pied conservatoire et entamer une procédure de licenciement.


Quelle a été la réaction de l'employeur?

 

La plus sage. Celle de me remettre à mon poste de travail.

 

Et s'il avait fait le choix d'entamer une procédure de licenciement?

 

De mon côté le dossier était blindé, j'avais les camarades de la CGT derrière moi et les avocats qu'il fallait. La mise à pied m'aurait fait des petites vacances et au final j'aurai été réintégré, soit par l'inspection du travail, soit par la justice, la jurisprudence sur ce type de dossier étant constante.

 

Quand tu parles de la CGT, tu parles du syndicat de l'entreprise?

 

Absolument pas. Je me demande même comment le syndicat de l'entreprise peut porter le nom de CGT quand on connaît toute l'histoire de ce syndicat et des quelques personnes qui le dirigent. Quand je parle de la CGT, je parle de celle qui est reconnue au travers des luttes menées face aux l'employeurs. A Disney, la CGT de l'entreprise est connue pour tout autre chose. (lire Disneygate : 500 000 € disparus au CE ! - Où va la CGT ? )

 

Penses-tu que les choses puissent évoluer positivement dans l'avenir, et que mettrais-tu derrière le terme positif?

 

Selon moi, il y a nécessité et urgence de changement. Cela fait 22 ans que je suis dans l'entreprise, et j'ai vu les salariés heureux de travailler. Disney a raté le coche en n'anticipant pas sur la formation professionnelle de son personnel et la reconversion des métiers opérationnels pénibles. Le choix a été de dire que les salariés, s'ils ne convenaient plus au poste qu'ils occupent, la porte était grande ouverte, et le turn over est d'ailleurs plutôt bien vu puisqu'il permet d'embaucher des jeunes à un salaire moindre.

 

Ce que Disney n'a pas voulu prendre en considération, c'est que premièrement les salariés ont été quasi obligés d'acheter étant donné le prix des loyers, donc de s'endetter et par voie de conséquence, les salariés s'accrochent légitimement à leur emploi. Le deuxième élément que Disney ne maitrisait pas, est la crise qui est survenue et la croissance du chômage qui fait qu'aujourd'hui les salariés vivent dans la peur de la perte de leur emploi.

 

Et au Nord de la Seine et Marne, Disney est naturellement une vraie bouée de sauvetage qui fait que bon gré mal gré, les salariés de l'entreprise restent attachés et ne lâchent pas prise malgré les diverses dégradations des conditions de travail. Sur l'évolution positive, je n'y crois pas dans l'immédiat, l'entreprise n'a pas encore assez de maturité, et sa préoccupation première reste la rentabilité.

 

De plus, si l'entreprise se révolutionnait pour s'ouvrir à un véritable travail social en vue de l'amélioration du sort de ses salariés, cela passerait par une phase de nettoyage au niveau de l'existant très ou trop importante. Aujourd'hui Disney ne dispose pas des personnes compétentes pour mener une telle révolution, et en face, au niveau syndical, le combat se résume trop au niveau du nombre d'heures de délégation pour être d'une quelconque utilité pour les salariés.


Merci Cyril d'avoir répondu à toutes ces questions sans langue de bois. Je te laisse conclure comme tu en as si bien l'habitude.

 

Amitiés à tous et à toutes

 

Cyril LAZARO

Tag(s) : #Social
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